Illustration : Garance (@garancebb)
Les mardis après-midi, juste après mon cours, je vais, depuis quelques semaines, nager une trentaine de minutes. C’est pas beaucoup, mais c’est quand même mieux que rien. Ça fait que j’ai mes petites habitudes de faites : je sais à quelle heure j’arrive, où je me change, quel corridor je vais prendre pour nager et dans quelle douche je vais aller après avoir fait mes longueurs, etc.
L’autre jour, ma soeur décide de m’accompagner à la piscine, dans mon entraînement quotidien du mardi après-midi. On arrive dans le vestiaire, et pas deux minutes après notre arrivée, (à l’endroit où je me change toujours) je me mets toute nue pour enfiler mon maillot de bain (one piece).
Ma soeur fige. Tabarnak, tu te changes tu tout le temps comme ça? Pis là, comprenez moi bien, c’est ma soeur, elle est pas choquée de me voir toute nue. Elle s’attendait juste pas à ce que je fasse ça en plein milieu des vestiaires. Ça fait que je réponds à ma soeur : ben avant non, mais maintenant oui. Elle hausse les épaules, et va se changer dans une cabine de toilettes. C’est con, mais j’ai comme senti une pointe de fierté à l’intérieur de moi. Parce que, non, ça vraiment pas toujours été de même.
Depuis aussi loin que je me souvienne, c’est-à-dire au primaire, je détestais aller à la piscine. Pis c’était pas tant le fait d’être dans la piscine que je détestais, mais surtout être dans les vestiaires. Devoir se changer, mais y’avait toujours trop de monde dans les cabines, donc il fallait se cacher derrière des serviettes pour pouvoir se changer plus vite, tout le monde en maillot de bain, en culottes, bref le chaos ambiant et la nudité me répugnaient au plus haut point.
Pis, au secondaire, dans un contexte totalement différent, j’étais avec une amie dans un camp sport au PEPS. Je me rappelle qu’on avait vu des madames nues, genre TOTALEMENT nues dans les vestiaires, pis ça nous avait complètement choquées (pis si je suis ben honnête, ça nous avait un peu aussi impressionnées). Comment des madames de 50 ans ou plus pouvaient se promener, seins nus, cul à l’air et déambuler dans le vestiaire comme si elles marchaient tout bonnement dans la rue? Pis, si à l’époque je croyais que c’était la vision de leurs corps, à laquelle je n’étais pas habituée, qui m’avait traumatisée, rétrospectivement, je crois que c’est leur confiance en elles qui m’a particulièrement touchée.
Pis, en continuant mon parcours au cégep, pis à l’université, j’me suis comme habituée à la nudité des gens dans les vestiaires, parce qu’elle était institutionnalisée, normale. Même que ça me fascinait de voir des corps de toutes les formes, de toutes les tailles, de toutes les couleurs, de tous les âges. Pis qui s’acceptent de même, dans une forme de nudité qui est fuckall sexualisée. Wow! Ça, c’est choquant. Et rafraîchissant!
Facque c’est comme ça que j’ai commencé à me désensibiliser à la nudité, peu à peu. À force d’être VÉRITABLEMENT face à de la diversité corporelle. Pas genre en étant face à toutes les mêmes ostis de corps de femmes jeunes, minces et blanches qu’on voit constamment à la télé ou sur Insta.
Pis je crois que c’est en étant confrontée à d’autres corps, qu’on peut relativiser sur notre propre corps à nous. Ben oui, mes seins sont plus petits et plus ronds qu’une telle personne, mes hanches sont plus larges, mes cuisses plus musclées, ma peau plus translucide, mes poils plus foncés qu’une autre, etc. Mais, sur un continuum de plein de femmes, on se rend compte qu’on est juste toutes différentes, pis que c’est ben normal pis correct de l’être.Tsé, dans le fond, des corps, y’en existe pas deux pareils.
En étant plus à l’aise avec la nudité et le corps des autres, j’ai appris à être moins exigeante envers moi-même, à accepter mes différences. C’est comme ça que peu à peu, j’ai appris à dénuder mon corps dans les vestiaires, et en retirer un sentiment d’accomplissement. Quand je pense qu’aujourd’hui, je m’en tape raide de me changer toute nue dans les vestiaires, je me dis que j’ai fait un esti de boutte de chemin depuis les vestiaires du PEPS. Pis crisse que ça me rend fière de moi.
Bref, voir des corps de toutes les formes, tailles et couleurs sur une base régulière, c’est tellement bénéfique. Pis je réalise que y’a rien de mieux que les vestiaires de piscine pour ça.
Peace out,
Médusa
P.S. : Si vous avez envie de mettre des images sur mes mots, je vous recommande fortement cette scène au spa coréen dans la géniale série The Big Mouth.
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Ma vulve en cinémascope – c’est ici!
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