Illustration : Éliane (@lily364)
J’ai eu mes premières règles à 13 ou 14 ans. Je ne me souviens même pas du moment exact parce que c’était un peu un non-événement. Je les attendais, mais pas tant, puis j’ai eu de la chance; j’en avais parlé avant avec ma mère et mes amies, y’avait chez moi tout ce dont j’avais besoin pour la semaine. Y’avait pas de grande gêne ni de grande fierté liées à l’événement.
Tout de suite, par contre, c’était l’apparition d’acné (fun) et de maux de ventre horribles (encore moins fun). Et après quelque temps sur des médicaments contre les douleurs, comme beaucoup d’autres personnes, mon médecin m’a prescrit la pilule. Une de celles qu’on prescrit le plus à celles qui commencent tout juste leurs règles, Alesse.
J’ai pris Alesse de mes 14-15 ans jusqu’à mes 22 ans, où j’ai changé pour l’anneau contraceptif, parce que j’ai toujours eu de la difficulté à prendre une pilule à tous les jours sensiblement à la même heure. De mes 17-18 ans à mes 24 ans, j’ai pris la contraception en continu; mon médecin m’avait bien dit que c’était correct, donc j’ai passé plusieurs années sans même avoir de menstruations (le rêve, j’avoue).
À 24 ans, j’ai brusquement arrêté tout. Il me restait un anneau dans le frigo. Mais après quelques conversations avec des amies qui avaient arrêté la contraception, après quelques lectures sur les effets que ça peut avoir et après, surtout, des épisodes vraiment rough du point de vue de l’humeur, j’ai eu envie de voir qui j’étais sans hormones, pour la première fois depuis des années. Je ne pouvais plus attendre de voir qu’est-ce que ça changerait (ou pas) chez moi; ouais, je suis une grande impatiente…
J’étais pas mal sûre que les hormones avaient un effet sur mon humeur. J’avais vu des changements entre la pilule et l’anneau; j’ai trouvé que l’anneau, malgré que la diffusion lente d’hormones était censée rendre ses effets moins lourds, m’avait causé plus de moments dépressifs qu’avant. Je voyais ben que si j’oubliais de changer l’anneau ou de prendre la pilule et que mes menstruations se déclenchaient, je les avais vraiment dans les dents. Dans ces moments-là, c’était dur de sortir de chez moi. J’espérais voir si arrêter allait changer quelque chose (spoiler : oui, mets-en). Les changements allaient être vraiment plus larges que ça, par contre.
En juin, ça va faire un an que j’ai arrêté les hormones. Non seulement l’approche de ma semaine ne me donne plus envie de m’enfermer chez moi et ne rien faire, mais surtout, il aura fallu juste quelques semaines pour que se réveille en moi quelque chose que je pensais jusqu’alors complètement éteint… Ou juste inexistant.
En fait, avant, j’étais convaincue que la sexualité, de tout genre, c’était juste pas pour moi. Après quelques expériences extrêmement décevantes, autant à deux que seule, et malgré toute la volonté du monde… Aucun intérêt. Je m’étais résolue à être ainsi, et je commençais à penser à adopter l’identité asexuelle. J’avais beaucoup lu sur le sujet, j’en avais parlé avec quelques ami.e.s, et je commençais mon chemin vers l’acceptation.
Et là, presque aussi soudainement que mes règles sont réapparues, la libido a fait un retour, ou plutôt une apparition, EN FORCE. Depuis, et je pèse mes mots, tellement de choses m’excitent. Un rien me fait penser au sexe au point où ça remplit complètement mon esprit. Je ne suis pas arrêtable. J’ai toujours le goût. Je découvre tellement de belles choses. J’ai l’impression de découvrir un aspect de ma personnalité qui dormait en moi, d’avoir libéré quelque chose… Puis j’ai plein de plaisir, of course!
Malheureusement, parce que parmi toutes ces belles choses je ne peux pas m’empêcher d’overanalyser… Je rushe sur deux choses : premièrement, je vis avec le fait d’avoir revendiqué une identité sexuelle (l’asexualité), qui fait souvent réagir avec des franchement, t’as juste pas trouvé la bonne personne, des tu vas voir, ça va venir à un moment donné, ton envie, ou encore des ben voyons, le sexe ça fait partie de l’amour! Je sais, on me les a toutes dites. Et là, même si le chemin où je suis me rend heureuse, je ne peux m’empêcher de penser que j’ai donné raison à ces mauvaises langues. Je sais au fond de moi que le chemin de chaque personne est valide et que la sexualité est fluide; j’espère juste ne pas avoir donné un exemple qui peut être vraiment problématique pour les personnes se reconnaissant dans l’identité asexuelle.
Deuxièmement et plus largement, ça me dépasse TOTALEMENT d’avoir passé autant d’années en me pensant d’une façon, alors que c’était causé par la prise de contraceptifs hormonaux, la pilule et l’anneau… Je n’ai pas vraiment de doutes, vu la vitesse du changement.
Ça fait que j’oscille entre ne rien regretter pis être en crisse. Ces années pas mal seule m’ont permis de me connaître, de me comprendre bien, et de cheminer beaucoup. D’un autre côté, je suis fâchée que les hormones m’aient, en quelque sorte, volé des années de sexe (!). EN PLUS, j’ai depuis pu lire que d’autres femmes ont vécu des expériences similaires, voire pareilles à la mienne.
Même si pour certaines femmes, les hormones fonctionnent vraiment bien, c’est aberrant pour moi que la prescription de celles-ci soit prise autant à la légère, qu’on parle si peu des effets secondaires possibles (puisqu’on parle si peu de l’appétit sexuel des femmes, en plus!).
Le fait de réaliser que je pouvais arrêter les hormones et vivre ma sexualité différemment, ça a vraiment été un game changer. Partager mon « histoire d’hormones » avec des femmes qui ont un parcours similaire aussi. Je peux juste rêver qu’on questionne plus les modes de contraception auxquels on a accès et ceux qui sont les plus recommandés. Qu’on informe mieux et plus sur ceux-ci pour permettre des choix en connaissance de cause.
Au final, j’ai décidé de continuer mon bout de chemin en essayant de mettre derrière moi les regrets.
Afterall, j’ai tellement d’expériences à vivre! 😉
La Perdrix
Candidate à la maîtrise et militante féministe, La Perdrix est une jeune femme qui adore être en mode occupée tout le temps. Forte et fragile à la fois, elle peut déménager tes meubles et pleurer en lisant un livre. Rien ne lui fait plus plaisir que de défier des stéréotypes, ou voir quelqu’un renverser des idées préconçues.
C’était le premier article de La Perdrix, mais restez à l’affût, il y en aura d’autres!
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