Illustration : @charliebourdeau
Bon, je pense que mon titre a un peu vendu le punch… Mais, je vais parler de ma noune ! Vous raconter une histoire de noune un peu gluante. Comme beaucoup de personnes, je crois que j’peux facilement affirmer que ma relation avec ma vulve n’a pas toujours été évidente. Eh oui !
J’vous dis ça, parce que j’ai longtemps confondu mes pertes vaginales (ce que j’appelle aujourd’hui affectueusement de la glu-glu) avec de la pisse. Là, vous vous dites peut-être : « Euh, quoi, avec de la pisse ? » En fait, enfant, j’ai longtemps fait pipi au lit la nuit. Puis par « longtemps », je veux dire une grande partie de mon primaire. Donc, j’crois qu’inconsciemment j’ai fait l’association entre mes fuites urinaires nocturnes et mes pertes vaginales le jour, lorsque j’ai commencé à avoir ces dernières à la puberté.
Faque adolescente, chaque fois que je me rendais aux toilettes, je fixais ma culotte avec un profond sentiment de honte et de dédain envers moi-même. J’pensais être la seule à avoir des taches blanches un peu jaunâtre dans le fond de ma bobette. Je veux dire… jamais personne ne m’avait dit que c’était normal ! Je me sentais sale. Puis, j’avais l’impression d’être immature et en retard pour mon âge. Dans ma tête, tout le monde avait des bobettes propres, propres. Dans ma tête, personne ne se retrouvait avec une tache blanche dans le fond de son maillot de bain noir après la baignade. Personne sauf moi évidemment, avec mon supposé problème de vessie.
C’était toujours dans ma tête. Je croyais toujours que j’avais des problèmes urinaires. Je me sentais comme une intruse dans mon école secondaire. La fille qui pissait encore dans ses culottes… Mais, mes premières menstruations sont arrivées et j’avais remarqué avec soulagement que je n’avais pas de « fuites urinaires » pendant celles-ci. Fait que j’en avais parlé à ma médecin et elle n’avait pas trop compris pourquoi mes « fuites » arrêtaient pendant mes menstruations. Elle n’avait pas non plus posé plus de question là-dessus. Reste que bizarrement, mes menstruations étaient les seuls moments où je n’étais pas stressée et où je me sentais « normale ». Genre, normale comme une adolescente qui ne se pisse pas dessus!
Pis, mes seize ans sont arrivés. Enfin, j’avais l’âge de pouvoir sauver le monde dans un univers dystopique à la Hunger Games ou de me retrouver dans un triangle amoureux avec un vampire et un loup-garou. Wouhou! J’avais les hormones dans le tapis, mais je me demandais comment j’allais faire pour avoir du sexe avec un garçon, sans qu’il se rende compte de mon problème de vessie.
Hormones obligent, j’ai quand même fini par avoir un chum. Sauf qu’à chaque fois qu’il me doigtait (pas des caresses sur la partie externe de mon clito, mais bel et bien dans mon vagin), j’sentais comme une pression près de ma vessie. Et là, j’avais ultra peur de me pisser dessus. Faque je lui demandais d’arrêter à chaque fois. Et quand on se déshabillait, j’avais hyper peur qu’il voit l’intérieur de ma culotte. Spoiler alert : il ne portait pas vraiment attention à ça, tu vois!
Au cégep, j’en avais parlé à mes parents et ils m’avaient proposé d’aller voir un urologue. Fait qu’on avait fait plusieurs allers-retours dans la grande ville la plus proche de chez moi pour que je puisse le consulter. J’avais fait quelques tests et finalement, personne n’avait trouvé quoi que ce soit qui expliquerait mon problème de vessie.
En parallèle à tout ça, le début de mon cégep marquait aussi le début de mon féminisme (qui, à 18 ans, consistait pas mal juste à m’indigner tout le temps et à m’obstiner avec des incels sur Reddit). Et sur les Internets, il y avait une tendance qui s’appelait le panty challenge. En gros, c’était un défi où des filles cis prenaient en photo leur fond de culotte pas de taches. Ces filles-là le faisaient pour prouver qu’elles étaient « propres », contrairement à celles qui ont des taches blanches. J’avais lu un texte féministe là-dessus et c’est là que j’avais compris pour la première fois, à 18 ans, que ce que je croyais être de la pisse était en fait des pertes vaginales, appelées aussi leucorrhée.
Je mettais toujours des protège-dessous avant, parce que ça me rassurait de savoir que si je me pissais dessus, j’allais avoir une protection. Quand j’ai appris que c’était seulement de la glu-glu, j’ai continué à en mettre, parce que sinon ça me rendait inconfortable. J’crois que ça fait seulement un an que je ne mets plus de protège-dessous et que j’ai commencé à réellement accepter ma glu-glu.
Toute cette honte, ce sentiment d’échec, ce dédain envers moi-même pour quelque chose de totalement normal. Ouais. Mais je sais que je ne suis pas seule à ne pas avoir su pendant longtemps que les pertes vaginales étaient quelque chose de normal. J’en ai parlé l’autre jour avec une de mes meilleures amies. Elle m’a raconté qu’elle avait toujours pensé que ses pertes vaginales venaient en fait d’une infection et qu’elle était la seule à en avoir. C’était full récent qu’elle avait découvert que c’était ben normal. Même chose avec un.e autre de mes bon.ne.s ami.e.s qui m’a dit qu’iel l’a seulement su au cégep.
J’pense que si la glu-glu n’était pas aussi taboue et qu’on avait pris la peine de nous en parler ouvertement, enfants, aucun.e d’entre nous n’auraient eu toute cette honte et ce stress inutiles. Bref, j’espère, en vous partageant mon histoire, avoir pu propager un peu de posiglutivité dans vos vies !
Daria
Étudiante en relation d’aide, Daria change de couleur de cheveux plus souvent qu’elle renouvelle sa passe d’autobus. Elle a soif de justice sociale et d’équité entre toustes en plus d’être drivée par les concepts de charges sexuelle et émotionnelle des femmes (cis ET trans). P.S. : sa Totally Spies préf, c’est Clover.
Pour lire le dernier article de Daria – Ta féministe de service – c’est ici!
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