Illustration : @viraeworks
Et c’est parti pour une autre histoire de non consentement. L’histoire de comment je me suis oubliée dans une énième relation plus toxique que jamais, comment j’ai laissé l’autre me faire croire que mon corps lui appartenait. Mais aussi l’histoire de comment cette relation toxique m’a menée à croire que je n’aimais pas le sexe.
Genre VRAIMENT, avant lui, j’aimais ça. Je jouis facilement (même quand c’est nul d’ailleurs, quelle chance!) et je n’ai même pas de problèmes de douleurs. Je connais bien mon corps alors je sais ce qui me plait et ce qui ne me plait pas. J’aime tester de nouvelles choses, je suis pas mal ouverte et j’adore le jeu. Alors pourquoi avec lui le sexe me paraissait être un supplice, une punition? Ben la réponse est assez simple, t’aurais envie, toi, d’une bonne mousse au chocolat faite maison si on te la fourrait dans la bouche à tous les jours? Jte jure j’adore le chocolat mais j’ai gag rien qu’en y pensant.
Bon, maintenant que je t’ai un peu mis l’eau à la bouche sur ma relation de merde,c’est parti pour les détails absolument pas croustillants de l’historique sexuel de mon quotidien avec un agresseur.
La relation entre Jean-Airienàfoutredetonconsentement et moi, c’était pas prévu pour durer. Il était bien plus vieux que moi pour commencer, et on sortait tous les deux d’une relation, sans aucune intention de replonger dans une autre. Alors moi les red flags, je les regardais pas trop, je prenais que ses bons côtés. Même si y’en avait à la pelle des red flag, et ce depuis le début! Il faut dire que Jean-A., c’était le genre bien pressé de pouvoir exercer la sainte pénétration. Le genre qui pense que la douleur vaginale n’est pas légitime, en tout cas c’est pas ça qui arrêtera l’acte sacré qu’il a tant attendu toute la journée. D’ailleurs c’est aussi le genre de gars qui pense qu’une relation saine a nécessairement du sexe à tous les jours. Mais je crois que Jean-A n’avait pas vraiment conscience que la pénétration directe (“à sec” si je puis dire), sans prendre le temps de m’exciter et à tous les jours en plus, ça brûle sérieusement vaginalement parlant. Je pense que si nos organes génitaux étaient des silex, ils auraient pris feu depuis un moment d’ailleurs. Je précise, pas “pris feu” positivement genre OMG I was so on fire (I wish!). Plutôt le genre ramène l’extincteur PLEAAAASE VIIITE j’ai mal, RIP mon vagin!.
Un jour, j’ai vraiment dû me rendre à l’évidence qu’il y avait un truc qui clochait. lorsqu’il est arrivé dans la chambre en pleine nuit, alors que j’étais déjà couchée. Il me réveille par ses pas, allume la lumière, vient s’allonger à côté de moi et m’enlève ma culotte, s’apprêtant à faire rentrer la bête. Mon corps s’est automatiquement tendu. Tous mes muscles étaient crispés. Mais, au lieu d’écouter mon corps, ça m’a semblé plus important sur le moment de ne pas vexer Jean-A. (grossière erreur… À ne pas reproduire chez vous!!). Donc je lui lâche juste un doux tu veux pas qu’on joue un peu avant parce que you know, l’histoire des silex itou itou. Et quelle ne fut pas ma surprise quand il m’a envoyé en pleine face sa vieille remarque culpabilisante je croyais qu’on était sur la même longueur d’onde mais en fait pas du tout allez bonne nuit. MANIPULATION ALLÔ? J’ai essayé d’engager la conversation toujours dans le calme et la compréhension, en vain. Laisse moi tranquille j’ai pas envie de parler, t’as tué le moment. Cette phrase a pour moi vraiment eu un effet révélateur sur notre sexualité super toxique. Après ça, je n’osais plus rien lui dire de peur qu’il s’énerve. Il était plus vieux, il avait plus d’expérience, ce que je disais avait l’air si peu légitime à ses yeux, il a fini par me convaincre que c’était le cas. Le pire dans tout ça, c’est que comme j’adorais notre “complicité” hors sexualité, j’avais trop peur de la perdre. Alors j’évitais le conflit, j’acceptais quand il insistait trop, à contre-coeur. En y repensant, ça me donne envie de gerber, ça sonne tellement faux d’avoir eu des moments de complicité avec quelqu’un qui me respectait si peu. Mais sur le moment, c’est ça que je ressentais.
Maintenant que je vois ça avec du recul, je comprends pourquoi j’étais dégoûtée du sexe. Déjà, à ce niveau là, est-ce qu’on appelle ça du sexe? Quand on se prend un gros coup de pelle, on appelle pas ça du jardinage non? (bon j’avoue celle-ci je l’ai volée à @gangduclito).
Mais à l’époque, je pensais que c’était pas grave vu que ça n’allait pas durer, c’était l’euphorie du début (pour lui lol) et puis on savait qu’on voulait pas se mettre en couple de toute façon. Sauf qu’après trois mois on n’était plus si certains finalement de ne pas vouloir être en couple. Et là, évidemment, il n’était pas question de ne pas lui parler de son comportement, de tous ces red flags, du fait qu’il n’avait pas mon consentement la plupart du temps. Je pouvais supporter ça chez un sex friend, je pouvais supporter ça quelques mois, mais je ne voulais pas traîner ça dans mon couple. J’avais accumulé beaucoup de colère en moi quand on couchait ensemble. Je lui en voulais de ne pas m’écouter. Il fallait que je lui exprime cette colère pour enfin pouvoir changer notre manière d’être intimes.
À ma manière, jusque-là, j’essayais déja de lui communiquer tout ça, mais je pratiquais plutôt la communication non verbale (mon corps, mon visage, mes gestes, TOUT disait que ça n’allait pas). J’ai essayé un peu les mots, mais je me heurtais à un mur à chaque fois, alors j’ai abandonné, je ne voulais pas risquer de trop le vexer. C’était sensé être une relation “légère” après tout! Lol. Mais là, on était arrivés à un tournant. J’étais bien déterminée à m’exprimer. Sauf qu’après trois mois de domination extrême de sa part, de sexe comme LUI voulait et à tous les jours, évidemment il a pas compris. Ben non, il n’allait pas me laisser lui quitter tous ses “privilèges” aussi facilement! Et tout ça, malgré les kilos de pincettes que je prenais de peur qu’il réagisse mal (en vain!). Une fois sur deux, il s’énervait, une fois sur deux, sa réponse était minable. Pas du tout à la hauteur de mes attentes en terme d’empathie. Prenons deux exemples pour illustrer tout ça:
SITUATION 1 (The one where he got énervé):
*il commence à me toucher*
- tu réagirais comment si des fois je disais non?
- Oh t’es sérieuse? J’ai pas du tout envie de parler de ça maintenant, gros mood killer
- Ben non mais c’est important quand même, j’ai tellement peur que tu t’énerves si je te dis non
- Bah bien sûr ça m’énerve, j’ai pas envie de penser, le sexe c’est simple arrête de penser et profite!
- Non mais c’est pas une question de penser, mais juste des fois j’ai l’impression que tu t’en fous que j’ai envie ou pas, tu te poses même pas la question
- J’ai pas envie d’avoir à me demander si tu as envie ou non! J’ai pas envie de réfléchir, pourquoi tu veux tout compliquer? Ah je déteste vraiment ça! Voilà j’ai plus envie!
Je vous épargne la suite de l’embrouille, c’est parti très loin après que je lui ai gentiment expliqué que tristement pour lui, c’est pas une option le consentement de sa partenaire. Ce jour-là, honnêtement, j’étais à deux doigts de le quitter en plein milieu d’une engueule explosive, en mode sortie de théâtre dramatique. Mais au moment où je le lui ai dit que je voulais m’en aller, il m’a lancé un énorme chantage affectif du genre tu peux pas m’abandonner maintenant, donc voilà, c’était reparti pour un tour. (Ah la culpabilisation, indémodable!)
SITUATION 2 (The one where sa réponse était minable):
Même début. Il me saute dessus, mais cette fois, grosse flemme de partir sur une engueulade. Parfois, ça paraît moins pire de se forcer un peu que de donner toute son énergie dans une embrouille juste avant de dormir et de faire de l’insomnie. Avec un peu de chance et un petit effort théâtral, en cinq minutes c’était plié.
Les festivités commencent. Il rentre comme papa silex dans maman silex. J’ai même cru voir une petite étincelle (ou était-ce une étoile filante? Allez je fais un vœu, on sait jamais!). L’expression de mon visage et mon gémissement ne suffisent malheureusement pas à l’alerter sur ma douleur, je verbalise donc.
- Aie ça brûle un peu
- Tu sais parfois c’est normal que ça fasse mal
*ma jauge d’énervement est à 30%*
On continue, il change de position et il me met sur lui. Honnêtement, après sa réflexion déplacée et aussi le fait que j’avais aucune envie, je suis prise d’une énorme flemme de faire un quelconque effort physique, accompagné d’un léger mal-être lié à mon manque de désir à ce moment. Je prends l’initiative de changer de position.
- Non reste un peu c’est trop bon!
J’attends un peu et je fuis de nouveau la position.
- Oh c’est bon on dirait que tu comptes vraiment les minutes, détends-toi
*ma jauge d’énervement monte à 60%*
J’arrive enfin à atteindre la bonne vieille position du missionnaire, je suis si énervée que j’ai envie de pleurer. Je lâche quelques imitations de bruits de plaisir pour accélérer le processus. Il vient enfin et le bonheur sur son visage me dégoûte.
*ma jauge d’énervement arrive à 100%, je bouillis, je retiens mes larmes*
Comment peut-il prendre du plaisir lorsque moi je me sens si mal? Comment peut-il ne pas voir que je me sens si mal? Sous le choc, mais toujours trop vide d’énergie pour prendre le risque d’un conflit, je fuis. Je m’en vais pleurer aux toilettes, me promettant que je lui en parlerai le lendemain.
Le lendemain:
- T’as trouvé comment le sexe hier?
- Euhhhh bien pourquoi? T’as pas aimé?
Je lui explique en détails la scène de la veille depuis mon point de vue.
- Ah bah je savais pas moi je croyais vraiment que tu avais aimé. Bon ben on va pas rendre ça plus gros que ça ne l’est, on était pas sur la même longueur d’onde, on s’est pas compris, moi je croyais que tu aimais, on essayera de pas le reproduire.
QUOIIIIIIIIIII? Je te dis que je suis allée brailler dans les chiottes, parce que je me suis pas sentie respectée, que j’ai vécu un truc traumatisant et que c’est toi qui l’as provoqué, et c’est ça ta réponse? Ton empathie, elle est morte avec ton respect? Et même pas une once de culpabilité ni même de responsabilité avec ça! Comment ça “on” essayera de pas le reproduire? C’est toi qui m’agresse mais “on” va faire des efforts right? BEURK. Eh bien croyez-le ou non sur le moment, je me suis contentée de cette réponse, en me disant “bon ouf on a évité une engueulade, ça va il a pas trop mal réagi”.
Rassurez-vous, j’ai mis fin à cette relation, et je suis très très très heureuse de vous annoncer que désormais et pour toujours MON CORPS M’APPARTIENT.
J’avoue qu’après être sortie de cette relation et en mettant en perspective tous ses comportements de merde et le manque de respect envers moi, j’ai du mal à ne pas m’en vouloir d’être restée avec lui. En me relisant, en y repensant, je ne vois que des énormes red flags de violence conjugale. Je me dis qu’en plus, il y avait plein de choses qui auraient pu me mettre la puce à l’oreille beaucoup plus tôt sur la toxicité de notre relation. Mes pensées, par exemple, me montraient clairement un dégoût envers toute activité sexuelle.
On l’avait pas déjà fait aujourd’hui? Ah non c’était hier… Merde le temps passe vite! Bon bah y’a plus qu’à. Merde, j’ai mal à la tête. Ah mais non… Trop cool! En fait, ça veut dire que je suis tranquille toute la soirée! J’ai enfin une bonne excuse pour ne pas écarter les cuisses! YEAH! J ’aimerais tellement pouvoir chiller en arrivant, m’étaler sur le lit et faire des câlins, JUSTE des câlins. Mais c’est sûr qu’il va vouloir baiser. Et moi bah j’ai pas envie qu’on s’engueule donc on sait comment ça va finir… Arggg ça me démange, je crois que j’ai une vaginite… Oh la bonne nouvelle, une semaine sans sexe! Enfin remarque, ça m’étonnerait pas qu’il me demande de le sucer, tiens… J’ai tellement envie de l’embrasser mais là on est que tous les deux, il va prendre ça pour des avances… Ouais non je vais m’abstenir alors!
Alors why the hell je suis restée avec lui? J’ai mis vraiment du temps avant de trouver des éléments de réponse. Ce que je peux dire c’est que je voyais très bien les red flags, mais j’étais tellement bien avec ce gars hors sexualité que je me disais que je pouvais faire abstraction, je me disais qu’il se lasserait du sexe aussi. Pénétration sept jours sur sept pendant des années de relation, sans exception : il allait forcément se fatiguer avec ce rythme là! Alors je profitais tellement du reste de l’aventure, de nos connexions spirituelles, de nos fous rires, nos points communs, nos projets. Et cela peut paraître improbable, mais il était très attentionné, très à l’écoute et m’apportait son soutien et son encouragement dans les autres facettes de nos vies. Il était le backup de mon manque de confiance en moi, il croyait en moi et me le montrait tous les jours.
J’avais l’impression d’avoir deux personnes en face de moi: une personne géniale 23h30 sur 24 et un énorme trou de cul 30 minutes par jour. Aujourd’hui je n’hésiterais pas, ça dégage. Mais à l’époque, je le voyais comme un match presque parfait! Et j’avais peu vécu ça dans le passé, je sortais d’une relation avec quelqu’un de très respectueux sexuellement parlant, mais avec qui je n’avais aucun point commun, alors j’ai dans cette nouvelle relation j’ai un peu (totalement…) fait abstraction du respect pour profiter à fond des éléments qui nous connectaient vraiment. Mais maintenant, je me rends compte que cette connexion était totalement biaisée. D’après moi, on ne peut pas séparer à ce point les relations intimes de la relation elle-même. Le respect reste du respect, et s’il n’est pas là pendant le sexe alors il ne l’est pas envers ma personne de manière générale. En effet, au bout d’un an, il a fini par me montrer qu’il ne me respectait pas vraiment, même en dehors du lit. J’ai eu besoin de ça pour ouvrir les yeux: je ne voulais / pouvais plus vivre ça. Je voulais et veux toujours du respect 24h / 24h ou rien.
Maintenant que j’ai pu partager des moments intimes avec d’autres personnes, j’ai compris plein de choses sur le sexe. J’ai réappris l’intimité. Le sexe à deux c’est avant tout un feeling, un respect mutuel, un partage. Il y a une certaine vulnérabilité touchante aussi, on se met à nu, on s’ouvre. Et la condition ultime pour pouvoir le faire, c’est le SAFE SPACE. Un environnement sain, dans lequel monsieur ou madame me respecte et je le / la respecte en retour. Un environnement dans lequel l’observation et l’écoute sont primordiaux, car la communication non verbale est bien souvent au coeur de la relation sexuelle. La communication verbale aussi, on s’entend! Les deux doivent se mêler pour créer un espace de confiance.
En tout cas, cette fois, j’ai bien préparé toutes mes amies, si jamais elles ressentent un nouveau red flag de ce genre dans mes futures relations, qu’elles m’enferment jusqu’à ce que j’accepte d’y mettre fin. Non je rigole (ou pas), la vérité c’est que je n’ai aucun doute qu’aujourd’hui j’ai bien appris la leçon et je suis révoltée plus que jamais. J’ai envie de me battre pour que nous comprenions toustes ce qu’est le consentement. Je veux que ce soit enseigné dans les écoles, je veux que ça passe à la télé, je veux que ce soit affiché dans les rues. Je veux qu’on en parle, qu’on boive ce mot jusqu’à ce qu’il soit de nouveau mis à sa place: dans le gros bon sens commun, celui qui coule de source, celui qui va de soi, celui qu’on ne remet jamais en question, qui est gravé dans la roche, ancré dans nos coeurs et dans nos esprits, et qui perdure sans faille à travers des générations.
Fleur du désert