Illustration : Garance (@garancebb)
Je me trouve étrange des fois. Je cherche souvent dans mon quotidien la définition de la « normalité » pour essayer de m’y accrocher. Je me demande si ce que je trouve « normal » l’est aussi aux yeux des autres. Je me demande par exemple si je suis la seule à avoir collectionné les magazines Cool quand j’étais plus jeune ou encore à avoir pratiquement tous les films de Barbie à la maison. Je me demande si c’est parce que j’ai grandi dans une famille pas ordinaire que je me sens comme ça. Dans une famille monoparentale en étant la plus jeune de quatre filles. Bref, dans un vrai royaume au féminin.
Anyways, j’ai grandi avec trois grandes soeurs dont j’étais parfois jalouse. Je voulais tout ce qu’elles avaient parce que ça avait l’air tellement mieux que ce que moi j’avais. Elles avaient des jeux plus cool, des vêtements plus à la mode et même des meilleures idées. Elles avaient leurs groupes d’amies tissés serrés et je ne voyais pas la même énergie dans le mien.
Au final, les amies de mes soeurs étaient tellement souvent à la maison que j’ai développé une relation spéciale avec elles. Avec la différence d’âge, elles sont devenues mes soeurs adoptives plus que mes amies. D’autres modèles de jeunes femmes à admirer. J’aimais tellement ça les entendre parler de leurs relations amoureuses et de leurs potins juteux. Je restais toujours à la table pour savoir ce qui arrivait de nouveau dans leurs vies.
Pourtant, malgré l’ouverture de toutes ces femmes autour de moi, je n’étais pas à l’aise de m’exprimer librement ou de dire ce qui me passait par la tête, parce que j’étais (et spoilers, je le suis toujours) le bébé de la famille. Je ne savais pas comment mes paroles allaient être prises. Je ne savais pas sur quoi j’avais le droit de m’exprimer vu mon âge. Je sentais que je devais vraiment réfléchir avant de parler et que je devais parler fort pour me faire entendre. Alors, j’écoutais et je me faisais mes idées dans mon coin.
Toutes ces femmes sous un même toit, ça amène une dynamique unique, voire même intimidante. C’est pas tout le monde qui est habitué de voir autant de femmes confiantes et qui n’ont pas peur du ridicule dans un même endroit! Mais, même si faire partie d’une famille composée uniquement de femmes est awesome, j’ai de plus en plus l’impression que ça a eu aussi des conséquences, disons, moins positives sur moi. Grandir avec trois soeurs aînées, pour moi, c’était comme d’avoir trois mini-mères qui me protégeaient beaucoup trop. Par maladresse, en voulant « m’éduquer », mes soeurs m’ont transmis une appréhension envers le sexe. Je sais qu’elles ne voulaient pas m’effrayer, mais c’est quand même ce qui est arrivé, involontairement. Elles me répétaient pas de sexe sans latex ou encore tu es trop jeune pour écouter ça! lorsqu’il y avait des scènes plus PG-13.
Mes soeurs ne m’ont jamais empêchée de faire quoi que ce soit, mais avec le temps j’ai quand même développé une réticence envers la sexualité. Je m’empêchais moi-même de vouloir du sexe, ou même d’y penser, car je croyais que c’était mal. Ça m’a pris du temps pour comprendre que c’était normal de penser au sexe et que j’avais le droit d’en vouloir et même d’en avoir. C’est un désir légitime, surtout à 16-17 ans avec les hormones dans le tapis et l’excitation de la découverte.
Petit à petit, en parlant avec mes amies, qui avaient un peu plus d’expérience que moi et qui n’avaient pas peur d’en parler, j’ai vu que c’était normal de vouloir explorer et découvrir sa sexualité. Par exemple, une fois, une amie avait fait un cours 101 comment faire une fellation à notre groupe de filles. Le fait qu’elle nous en parle aussi ouvertement, sans honte ni tabou, m’a fait sentir que j’étais plus prête pour le faire à mon tour. Lorsque quelque chose de nouveau se passait dans sa relation, elle nous le partageait. C’était un peu notre gourou du sexe.
Ça a pris du temps avant qu’on parle de masturbation par contre, et j’aurais eu besoin qu’on aborde le sujet plus tôt. Je crois que le tabou était encore juste trop présent. Avec le temps, on a commencé à en parler, genre à se dire comment et à quelle fréquence on le faisait. On s’est aussi mises à se raconter nos relations sexuelles, très en détails des fois. Et c’est génial je trouve! J’adore l’ouverture d’esprit qui s’est développée dans notre groupe.
Sinon, le fait d’avoir eu un copain lors de tous mes questionnements par rapport au sexe m’a vraiment aidée. Il avait plus d’expérience que moi, alors il m’a mise confortable avec le tout. Il a respecté le temps que je prenais pour me préparer mentalement pour les prochaines découvertes. On y allait graduellement et je n’ai jamais senti de pression de sa part.
Par exemple, je me demandais si je devais me raser ou m’épiler avant d’avoir une relation sexuelle. Il m’a toujours dit que ça le dérangeait pas, ce qui m’a rendue plus confiante. En plus d’améliorer ma relation avec mes poils.
Aussi, j’avais jamais été nue devant un garçon avant et ça me stressait énormément. C’est weird parce que je me sens à l’aise nue devant mes amies et mes soeurs, mais on dirait que je bug devant les gars. J’imaginais qu’il allait me comparer avec les autres filles qu’il avait vues et c’était angoissant. Je ne suis pas encore 100% à l’aise aujourd’hui non plus, même si mon stress partait un peu à chaque fois que ses yeux se posaient sur mon corps nu. Le voir me vouloir m’a rendue tellement plus confiante.
Pis pour son corps à lui, j’avais jamais vu de pénis avant le sien, faque je savais aucunement comment gérer cette situation. J’ai appris avec le temps que c’était pas aussi extraordinaire ou compliqué que je croyais. En gros, tu fais comme si tu gères that shit même si dans l’fond tu capotes raide! Pis au bout d’un temps, ben on finit par s’apprivoiser l’un.e l’autre, pis le stress diminue.
Au final, ça m’a pris six mois pour être prête à avoir une relation sexuelle «complète» (dans le monde de l’hétérosexualité on s’entend). Je regrette zéro mon attente, mais je crois que j’aurais pu découvrir certains plaisirs du corps humain plus rapidement sans les commentaires et mises en garde de mes soeurs.
Malgré tout, je ne peux m’imaginer vivre une autre réalité que la mienne, parce que je l’aime. Vivre entourée de femmes c’est le confort de pouvoir se changer où l’on veut sans la peur de rendre quelqu’un.e mal à l’aise. C’est écouter de vieux rom-com sans que personne ne s’y oppose. C’est aussi faire peur à tous les garçons qui entrent dans la maison avec nos discussions sur les menstruations et les vagins.
Mes amies me rappellent souvent qu’elles adoraient ma maison, car il n’y avait nulle part ailleurs où on pouvait descendre au salon en bobettes et être autant à l’aise. Il y avait aucun gars dans les parages et ça nous apportait une grande liberté d’expression de notre corps. Maintenant, il y a un homme dans la maison (c’est pas le mien, don’t worry), donc on a perdu cette liberté, mais god those were the golden years!
Mais overall, ma réalité m’a ouvert les yeux sur le genre de femme que j’aspire à devenir. Une femme qui s’affaire à démonter les stéréotypes de genre et qui porte une voix forte au sein de notre monde patriarcal. Je dois beaucoup à ces femmes qui m’entourent, du bon comme du moins bon. Elles m’ont aidée à devenir la femme que je suis et m’encouragent à devenir la femme que je veux être. Je suis très reconnaissante de les avoir à mes côtés depuis toujours et pour toujours. Grâce à elles, j’ai appris que chaque personne est différente et que je devrais arrêter de chercher la normalité parce que ça sert à rien!
Apprentie Péripatéticienne,
Bébé Anastasia
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Fanatique de l’art en tout genre, de sexe, et de chocolat, Bébé Anastasia rêve de devenir sexologue, designer ou pourquoi pas les deux. Après avoir été niaisée solide par un dude immature, elle jure qu’on ne l’y reprendra plus. No more! Son objectif ultime : normaliser le sexe et le plaisir, tout en se battant pour le droit à une éducation sexuelle pour toustes. Just watch her, vous êtes pas prêt.e.s!
C’était le premier texte de Bébé Anastasia!