Illustration : Layloo (@mycrazycolouredmind)
J’ai grandi dans un manoir sans hommes. J’ai grandi entourée de femmes, de toutes les formes, de tous les âges, de tous les caractères. Sous le même toit se trouvait des mères, des soeurs et des amies. Dans une maison où la liberté féminine était réconfortante. Avec cinq résidentes permanentes, ma famille proche, et plusieurs amies régulières, ma famille agrandie, c’était un havre de paix au féminin.
Bienvenue dans mon monde. Où le vêtement de confort par défaut est une bobette. Où te promener seins nus n’est pas chose inhabituelle. Où tu te changes dans le salon, dans le couloir ou la salle à manger sans te questionner. Où la porte de la salle de bain n’est jamais fermée, et encore moins barrée. Où Taylor Swift joue en boucle sans que personne ne saigne des oreilles.
Ma maison est devenue dans ma jeune adolescence un lieu de rencontre où Blue Lagoon, Mean Girls ou Bring it On jouaient en alternance à chaque vendredi. Il n’était pas rare d’organiser des soupers avec nos amies ou de faire des girls night en pyjama (et parfois robe de soirée). C’est aussi l’endroit où on se rassemblait à la sortie des bars; on s’écroulait dans les lits toutes ensemble et on faisait des recaps de la soirée. Ce n’était pas inattendu non plus de faire du monokini en après-midi d’été, ou des bains de minuits dans la piscine une fois les voisin.e.s couché.e.s. Ce n’est pas pour rien que ma grand-mère me disait tout le temps que j’étais trop exhibitionniste!
Sans s’en rendre compte, on avait créer un girl gang. Un groupe de filles, de femmes, qui se partageaient leurs confidences, qui se soutenaient et qui n’avaient pas peur du monde extérieur. Nous nous exprimions en égales. On ne cachait pas ce qu’on pensait, on se chicanait ouvertement et on se comprenait. Je n’ai jamais eu peur de prendre ma place ou de dire mes opinions, elles étaient valorisées.
On a créé un environnement qui excluait la gêne. Une ambiance qui règne encore dans la maison. Un air de compréhension qui flotte constamment dans les airs. Tu as taché les draps de sang? Ça nous arrive toutes. T’as eu une date malaisante? Pfff. Sûrement pas autant qu’Aurélie. Tu te souviens plus du nom du gars au bar? No biggie. T’as envie d’aller chier? Dis-le plus fort. T’es pu capable de ta brassière? Ouais, moi non plus. Tes souliers te cassent les pieds? C’est juste une réalité! Tes menstruations te tuent? Pareil. Tes jambes sont pas faites? Flatte mes poils.
Parlant de menstruations, celleux qui pensent que la synchronisation des règles est un mythe n’ont certainement pas passé quelques semaines en compagnie des mêmes filles. Tu vas voir assez vite qui a le cycle alpha!
C’était mes nouvelles amies du secondaire qui m’avaient dit que ce n’était pas normal de pisser la porte ouverte chez soi. Qui aurait cru! Certaines habitudes que je considérais comme normales, ne l’étaient pas dans d’autres demeures. Pourtant, comment peut-on renier l’envie de se balader en culottes après une longue journée?
Et qu’arrive-t-il quand un homme s’invite dans notre maison sacrée par un pacte de sang (pas littéralement dah)? Rien. Les femmes sont encore en majorité! Même avec des présences masculines qui s’infiltrent dans la demeure, les habitudes restent les mêmes, ce qui peut définitivement en surprendre quelques-un.e.s. Ma soeur se promène encore en culottes, et pas des culottes cutes pour autant. Le film du vendredi soir reste À tous les garçons que j’ai aimés et je vais quand même courir à travers la maison à moitié nue pour perfectionner mon look du jour en fouillant dans les différents gardes-robes. Notre womanhood est intouchable. Alors pour qu’un homme se fasse accepter dans la maison, il ne doit pas être contrarié par l’essence même du manoir féminin.
Bon, tout ça pour dire que je crois que le fait d’avoir vécu la majorité de ma vie dans une maison familiale où il n’y avait pas de garçon a moulé qui je suis aujourd’hui.
Avec les seins nus, je signe :
Princesse Chihiro
Princesse Chihiro, jeune femme d’affaires accomplie, enthousiaste des sports et fanatique du continent asiatique, elle voudrait donner une voix à celles.ceux qui ne peuvent pas se le permettre et est horrifiée lorsque les survivant.e.s d’agressions sexuelles ne sont pas pris.es au sérieux. #metoo
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