Illustration: Laurène (@somepieceofsheet)
Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus. Les hommes sortent les poubelles et tondent la pelouse, les femmes font la cuisine et le lavage. Les femmes pètent des coches, alors que les hommes vont bouder dans leur man cave. Les femmes font ci, les hommes font ça.
Je pourrais nommer des milliers de propos (j’exagère à peine) de personnes hétérosexuelles qui se plaignent des différences bien trop grandes entre les filles et les gars. Pis qui affirment à quel point ces différences entre les genres nuisent à leur couple. Et en même temps, on est gavé.es de discours où on nous présente comme des contraires, des opposés : la femme et l’homme, le yin et le yang, la lune et le soleil, l’émotion et la raison, etc. Ironiquement, ce genre de discours sous-entend l’impossibilité pour un gars de comprendre sa blonde, et vice-versa, parce que le fossé entre les (stéréotypes de) genres serait trop grand. Tu savais pas ? On vient de différentes planètes.
On a juste à penser au cliché, dans toutes les sitcoms familiales, de l’homme incompétent et médiocre et de sa conjointe pognée avec toute la charge mentale. Est-ce qu’on voit souvent des exemples de couples hétérosexuels heureux dans les émissions, les films ou les médias tout court ? Moi, j’aurais tendance à dire que non. Mais, faites-vous votre propre opinion.
Je tournerai pas autour du pot, je suis crissement tannée du discours ambiant hétérosexuel selon lequel nos chums ou nos blondes sont des boulets dans nos vies, mais « on fait avec ». Comme si c’était une fatalité, parce que c’est impossible pour un homme et une femme de bien se comprendre et de bien s’entendre. Comme si c’était normal de mépriser un peu notre partenaire. De se plaindre constamment de cette personne. Comme si être en couple avec une personne d’un autre genre, ça faisait en sorte qu’on serait jamais totalement satisfait.e. Mais genre…I call bullshit. (Évidemment, je critique ce discours, mais je parle ici de relations qui ne s’inscrivent pas dans un contexte de violence conjugale.)
Je sais que c’est un sujet sensible qui demande ben de la nuance, alors je m’explique. Ça fait quelques mois que je suis en couple avec un homme. On est les deux bisexuel.les et out. Pis en tant que nouveau couple, ben on reçoit toutes sortes de conseils ou d’avertissements de la part de couples hétéros. Du genre : c’est le fun au début d’être en couple, mais attends que la lune de miel passe… Tu vas voir que ta blonde va te taper sur les nerfs. Comme si être en couple, c’était un peu une corvée et que le but, c’était pas justement… d’avoir du fun ?
Pis, ça nous a fait réaliser à toustes les deux à quel point notre couple est différent de ces couples-là. Don’t get me wrong, chaque couple est différent et a sa propre dynamique. Mais, ça serait se voiler la face de dire qu’il n’y a pas plusieurs couples hétéros pour qui les rôles de genre sont carrément les fondements de leur relation. Je les blâme pas. On est bombardé.es d’images et de modèles de couples hétéros depuis qu’on est jeunes. L’hétérosexualité, au-delà d’être une orientation sexuelle, c’est aussi une série de codes sociaux qu’on applique par réflexe dans nos relations.
C’est comme si on devait toustes appliquer la même recette. Le sexe, la communication, le partage des tâches domestiques, les signes d’affection, etc. Je me répète, mais je parle ici des clichés comme le gars qui sort les poubelles et qui est en « mode solution », la fille qui fait le ménage pis qui doit s’occuper des émotions de tout le monde… La manière de se donner de l’affection : la fille qui fait la petite cuillère, le gars qui entoure ses bras autour des épaules de la fille, etc. Le sexe : les préliminaires pis la « vraie affaire » (sentez l’ironie)… Tout est régi par les rôles de genre pis l’hétéronormativité ! Celleux qui vivent leur couple différemment se le font dire et reprocher à tous les coups. Vous voulez pas d’enfants ? Jugemin ! (À lire dans la voix de Cricket Rockwell) Vous habitez pas ensemble ? Jugemin ! Vous dormez dans des chambres différentes ? Jugemin !
Sans grande surprise, à force de devoir performer leurs rôles de genre à tout prix, à fiter leur couple dans une p’tite boîte, ben ça doit arriver que des personnes soient pas totalement satisfaites dans leur couple. Qu’elles choisissent de négliger certains besoins relationnels par peur de sortir de la p’tite recette hétéronormative. Parce que le prix à payer pour dévier de la recette hétéronormative est très élevé quand on a toujours été dans la norme.
Après, on peut ben dire que les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus, si celleux-ci passent leur temps à performer leur genre et à « faire semblant » au lieu d’apprendre réellement à se connaître, à créer des liens authentiques et intimes. Je ne crois pas que la conception hétéronormative des couples soit centrée sur l’amour et le respect mutuel. Je crois plutôt qu’elle se focalise sur le maintien des rôles de genre, pour souligner les différences entre les sexes et justifier l’hétéropatriarcat.
Étape 1 : donner des rôles différents aux hommes et aux femmes.
Étape 2 : dire qu’il y a des différences entre les hommes et les femmes.
Étape 3 : il y a des différences entre les hommes et les femmes et les hommes sont meilleurs.
Le truc, avec mon chum et moi, c’est que par défaut, on fite pas dans les normes, ni dans les p’tites boîtes. Pas qu’on est pas affecté.es par l’hétéronormativité, mais, c’est plus facile de dévier de la norme et de faire les choses à notre façon, quand les autres nous perçoivent déjà comme différent.es. On dirait que ça nous enlève une certaine pression sociale. Par exemple, je me sens à l’aise de partager mes intérêts avec mon chum. J’ai pas peur qu’il me juge, parce que j’aime des trucs de filles. Pis, mon chum a pas peur de me parler de ses émotions et ne ressent pas la pression d’être « l’homme de la situation ».
On vit les trucs à notre façon, on apprend à se connaître au-delà des normes de genre. Avec un gars hétéro, je n’aurais pas été totalement moi-même au début. J’aurais hésité à lui parler de mes intérêts, j’aurais eu un peu peur de lui dire à quel point j’aime Taylor Swift. Par réflexe, et pour me protéger, je me serais probablement présentée à lui comme une cool girl (celle qui est pas too much et aime plein de choses « de gars »). Au fond, j’aurais eu peur de confirmer ses stéréotypes sexistes. Je ne me serais pas totalement sentie safe au départ, t’sais.
Avec mon chum, c’est différent, parce que j’ai jamais senti qu’il avait besoin de moi pour se sentir viril. Je suis pas un props pour qu’il se sente plus fort ou plus intelligent que moi. Ou pour qu’il se sente comme l’homme protecteur. Il est capable de me voir telle que je suis réellement, sans que je doive me faire plus petite. Et je crois que de son côté, il sent pas non plus qu’il doit faire semblant d’être plus tough qu’il ne l’est réellement. J’ai pas besoin qu’il soit plus fort que moi ou plus « rationnel ». J’aime le fait qu’il soit sensible et à l’écoute des autres. J’aime ses chemises flamboyantes et son p’tit côté potineux.
J’ai pas peur de le voir tel qu’il est réellement. Et vice-versa. Au final, je pense que l’important, c’est de pouvoir être authentique avec la personne que l’on aime. D’admirer notre partenaire pour ce qu’iel est. Ça devrait pas être ça, l’amour et le respect mutuel ?