ArticlesMontées de laitSweet Baby Doll

Illustration: Layloo (@layloolapierre)

 

Le moment de ma vie durant lequel je me suis sentie le plus en forme est mon adolescence. J’étais dans une équipe sportive et on s’entraînait trois fois par semaine.  En plus, j’avais la chance d’avoir une mère qui me cuisinait de délicieux repas variés et équilibrés à tous les jours. J’étais en forme, mais je me trouvais grosse. 

Le message que je recevais de la société était que j’étais trop grosse pour être désirable. Celles qui pouvaient être désirées, c’était les femmes fatales que je voyais dans les films, c’était les mannequins sveltes qui étaient si populaires sur Instagram, c’était les pornstars que les garçons à l’école trouvaient vraiment chaudes. Je ne m’identifiais pas du tout à elles. Moi, mon ventre n’était pas plat et mes cuisses se touchaient. À ce moment de ma vie, ce que je voulais le plus au monde c’était d’être désirée, alors je me détestais.

Au Cégep, je ne pratiquais aucun sport. J’occupais plutôt mon temps à boire beaucoup de bière cheap et à manger de la poutine avec mes amies à la sortie des bars, mais je n’ai pas perdu ou gagné du poids. Malgré la stabilité de mon poids, un membre de la direction de mon ancienne école secondaire, que j’ai rencontré par hasard dans la rue, a cru bon de me dire : Wow! Tu as maigri... J’ai répondu que je n’avais pas perdu de poids sur un ton un peu froid. Les commentaires sur le poids me rendent toujours très mal à l’aise. Il a tout de suite précisé qu’il s’agissait d’un compliment et qu’il me trouvait plus belle maintenant que j’avais perdu mon visage rond d’enfant. 

Début vingtaine, j’ai développé un trouble boulimique. Je ne mangeais rien pendant toute la journée jusqu’à l’heure du souper. Lors de mon unique repas de la journée, je mangeais des quantités incroyables de nourriture. Même lorsque que je n’avais plus faim, même lorsque j’avais mal au cœur, je continuais à manger. Ensuite, j’allais aux toilettes et j’essayais de vomir toute la nourriture que j’avais engloutie dans l’heure précédente. J’ai perdu beaucoup de poids pendant cette période. J’avais toujours mal à la tête et je passais la majorité de mes journées assise ou couchée, car je n’avais pas assez d’énergie pour accomplir quoi que ce soit. Par contre, je recevais énormément de compliments sur mon apparence physique et ma perte de poids. Lors d’une journée à la plage, la cousine de mon père m’a dit :  Tu as toujours été très belle, mais là tu es vraiment magnifique. Tu as l’air en forme. Est-ce que tu t’entraines ou fais beaucoup de sport? J’ai répondu que je faisais surtout attention à ce que je mangeais, mais dans ma tête je me disais : Non je ne fais aucune activité physique, parce que je ne me nourris pas assez pour avoir l’énergie d’accomplir les petites tâches du quotidien. Mais ce n’est vraiment pas grave, l’important c’est que tout le monde me trouve plus belle comme ça, n’est-ce pas?

C’est lors d’une conversation récente avec mes amies que j’ai réussi à mettre des mots sur une intuition que j’avais depuis très longtemps. Nous recevons dès un très jeune âge un message mensonger et dangereux : Un corps en santé est un corps mince. Mes amies avaient toutes des histoires semblables aux miennes sur le regard des autres face à leur changement de poids. Des histoires de gens qui se permettent de faire des commentaires (positifs ou négatifs) sur notre poids. Pour l’une d’entre elles, le moment dans sa vie durant lequel elle était le plus mince était associé à la consommation abusive de drogue et de nicotine. Pour une autre, la minceur rimait surtout avec le stress ou la déprime. Nous sommes toutes arrivées à la conclusion que notre poids n’a jamais eu de lien avec notre forme physique ou psychologique. L’autre chose que nous avons réalisée, c’est que la société lie encore et toujours notre poids à notre valeur. 

Aujourd’hui je vis beaucoup mieux avec mon corps. J’ai repris le poids que j’avais perdu. J’ai recommencé à bouger pour le plaisir. J’essaie d’adopter une alimentation intuitive. Grâce, entre autres, au mouvement de body positivity, j’arrive à me regarder dans le miroir et à voir une personne désirable. Ça reste un combat de tous les jours. Il m’arrive encore d’avoir l’impression d’être la pire personne au monde après avoir mangé une poutine ou de me sentir inconfortable quand mon amoureux caresse mon ventre. J’ai encore peur de voir mon corps changer, mais je me sens plus outillée à faire face à ces changements inévitables. J’ai entre autres appris à diversifier mes sources de valorisation en accordant plus d’importance à d’autres sphères de ma vie. Je pratique différents hobbies dans lesquels je me trouve bonne et cela me permet d’obtenir un sentiment de fierté et d’accomplissement. Je ne me valorise plus seulement par mon apparence physique ou le regard des autres.

 

Sweet Baby Doll

Tout comme ses émotions, les intérêts de Sweet Baby Doll se vivent de façon intense et changent régulièrement. En ce moment, elle trippe sur les marqueurs à l’alcool, les vins rouges de soif et les essais féministes pro-sexe. Sinon, elle passe la majorité de son temps libre à chiller, écouter des films ou partager un repas avec les gens qu’elle aime. Elle est également une grande fan des animaux et tout ce qui est mignon.

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