Illustration : Garance (@garancebb)
Toi, femme.
Aujourd’hui j’ai lu un article qui parlait (une fois de plus) d’un homme qui pensait que les femmes devaient leur obéir. Il a écrit, et je cite : « Une femme ça doit ouvrir ses jambes, se faire pénétrer sans chialer et aimer se faire dominer. On doit les éduquer de cette manière. »
Aujourd’hui je m’adresse aux hommes. À tous ceux qui se définissent comme hommes.
Bonnes personnes ou moins bonnes personnes, je m’adresse à tous.
J’écris car même avec la meilleure bienveillance du monde, toi homme, tu ne peux pas comprendre, même si tu le voulais, ce que ça fait de vivre dans un corps de femme. Et c’est normal.
J’aimerais que tu fermes les yeux. Que tu t’assoies. Que tu prennes un instant pour t’imaginer ce que je vais te raconter. Je veux que tu te mettes dans la peau de cette personne :
Voilà.
Tu te réveilles enfin. Il est 8h30 le matin, tu travailles à 9h. Tu vas être en retard, tu dois te dépêcher.
Tu t’es réveillée en retard car tu t’es endormie à 4 h du matin cette nuit. Tu ne pouvais pas dormir à cause des douleurs de ton ventre causées par tes menstruations. Tes menstruations sont intenses, abondantes et douloureuses. Ta petite soeur te regarde d’un air apeuré et tu lui expliques que contrairement à ce qu’on pourrait lui faire croire, ce n’est pas du sang, mais une partie de ton endomètre qui se détache de ton utérus.
Tu te sers un café et tu te rends en courant vers l’autobus, en direction pour le travail.
Sur le chemin, tu te fais siffler par un garçon de l’autre côté du trottoir.
Tu ne comprends pas pourquoi et tu réalises ensuite que tu portes une jupe.
Quand tu embarques dans le bus, tu attrapes la poignée qui te sert d’équilibre. Ton bras est levé en l’air et tu réalises que tu ne t’es pas épilée. Tu vois une jeune fille te prendre en photo et rigoler avec ses amies.
Tu passes à autre chose rapidement et tu te mets au travail. Tu travailles dans un cabinet d’avocat. Tu es secrétaire mais ton rêve c’est de défendre des client.e.s. Tu es secrétaire parce que ton boss t’a dit que le poste t’irait mieux (mais let’s be honest, c’est surtout parce que tu as un vagin entre les cuisses).
Ton bureau est rempli de réservations à booker et de plages horaire à organiser.
Tu as travaillé toute la journée et tu as oublié d’aller changer ton tampon. Tu es prise d’une grande douleur et tu as la nausée. Tu vas aux toillettes et tu lis les petites écritures sur la boite de tampons. À ce qu’il paraît, il n’y a rien de dangereux. Pourtant tu continues de t’informer. Tu découvres la composition chimique des tampons et des produits d’hygiènes féminins. Il y a même à cette liste : désherbant.
Un peu paniquée, tu te réserves un rendez-vous chez ton gynécologue et tu appelles ton employeur pour lui expliquer que tu ne pourras pas entrer au travail le lendemain matin.
Il te demande pourquoi. Tu réponds que tu dois aller voir le gynécologue.
Il te dit que tes problèmes de femme peuvent attendre et que la réunion de demain est vraiment très importante.
Tu finis par t’endormir à trois heures ce matin. Lorsque tu te réveilles, tu prends ton café et tu pars vers le travail. Tu assistes à cette réunion dans laquelle tu te fais couper la parole par tes collègues masculins. Une heure plus tard, tu es prise d’un malaise. Ton collègue vient te voir et te demande si tu vas bien. Tu lui demandes de te reconduire chez ton médecin. Il s’exécute.
Chez ton gynéco, tu passes un examen. Il te demande de t’étendre sur la table, d’enlever tes pantalons et ta culotte. Il te demande de mettre tes pieds sur les étriers et il regarde là, en bas.
Tout à coup, sans prévenir, tu reçois cet horrible instrument métallique et froid dans ton vagin. C’est un spéculum. Sans avoir été avertie. Ton gynécologue ajoute qu’il y a un problème. Il pousse à nouveau et réalise que le la taille du spéculum est inadéquate pour ton corps. Il en prend un plus petit et te fait un commentaire : « Votre vagin est assez serré, votre copain est un p’tit chanceux ».
Il l’insert et tu es prise d’une douleur intense qui te fait crier.
Il te répond que ce n’est rien et que tu dois te détendre.
Tu es mal à l’aise. Tu veux partir. Tu veux que ça s’arrête. Tu as mal.
Il t’annonce que ton stérilet est trop court. Il a causé des dommages à ton utérus et tu dois te le faire enlever. Pourtant, tu t’es fait expliquer que le stérilet était sans danger et que c’était une méthode comme une autre.
Tu retournes chez toi, apeurée.
Tu dois changer de méthode de contraception et tu proposes à ton partenaire de payer moitié moitié la pilule avec toi. Il refuse. Selon lui c’est seulement à toi de payer parce que c’est toi qui avales. Pourtant, tu paies la moitié des condoms et c’est lui qui les porte. Pourtant, lui aussi ne veut pas d’un enfant.
Tu te sens sale. Tu sens encore le spéculum en toi comme s’il y était resté. Tu sens la pression qu’il exerçait sur tes lèvres et tu réalises que tu a été violée.
Cette nuit-là, tu ne t’endors pas.
Tu ne vas pas travailler le lendemain.
Tu reçois un appel de ton patron qui t’explique que ça serait facile de te remplacer rapidement si tu ne te rends pas au travail. Tu lui expliques que tu es malade, mais il ne veut rien entendre.
Tu ouvres une bouteille de vin et tu bois. Tu pleures et tu bois. Tu es triste, fâchée et blessée. Tu ne comprends pas ce que tu as vécu. Tu te remets en question sur tout.
Tu repenses à ton métier de rêve et aux portes qui se sont fermées devant tes yeux.
À tes relations sexuelles où ton partenaire a toujours trouvé l’orgasme mais toi non.
À la fillette dans l’autobus qui t’a prise en photo.
À l’homme qui t’a sifflée de l’autre coté du trottoir.
Aux méthodes de contraception qui sont uniquement la responsabilité des femmes.
À tes droits.
À ta vulnérabilité.
À ton corps de femme.
À tes compétences.
Tu doutes de toi plus que jamais, tu te regardes dans le miroir et tu cries : « J’ai pas choisi d’avoir un vagin, c’est pas ma faute et je rêve d’être un garçon. »
Tu penses plein d’insultes sur ton corps et tu le punis en mangeant et en te forçant à avaler quand il est déjà trop plein. Ou alors tu te mets au régime et au sport intensif dans le but de devenir quelqu’un d’autre.
Tu te dis : « Si j’étais mince, blanche, blonde et que j’avais les yeux bleus j’aurais plus de chance. »
Tu te dis que tu ne vaux rien, car tu as la peau noire, les cheveux et les yeux brun et tu ne rentres pas dans un 24. Tu n’es pas jalouse, mais à tous les jours la société te crie d’être quelqu’un d’autre. Comment peux-tu t’accepter dans cette société?
Tu décides de te révolter. Tu es fâchée! Ce soir, tu décides de sortir avec tes amies avec ta plus belle jupe et tes plus beaux talons. Parce que tu as le droit de t’habiller comme tu veux. Tu sors avec soif de liberté.
Tu observes. Tu analyses cette jungle qui t’entoure. Tu comptes le nombre de fois où tu te fais toucher sans ton consentement. Tu arrêtes de compter car tes dix doigts sont déjà levés. Tu en as marre, tu décides de rentrer chez toi. Tu sors du bar mais tu t’aperçois qu’un groupe de garçons t’a remarquée. Tu décides d’aller appeler un taxi plus loin sur la rue, car ils te suivent.
Dans le taxi, le chauffeur te dévisage. Il te pose des questions qu’un chauffeur ne devrait pas poser. Il s’intéresse à toi et tu n’aimes pas ça. Il te propose de le toucher en échange d’un trajet gratuit. Tu refuses d’un ton révolté. Il te propose alors simplement de te toucher toi. Tu as peur et tu n’as aucun moyen de défense. Tu paniques de plus en plus et tu ne connais pas le chemin du bar vers ton appartement. Quand il s’arrête. Tu lui dis de te laisser partir s’il ne veut pas que tu appelles la police. Il te répond : « les femmes sont toutes pareilles, des vraies manipulatrices. T’avais juste à pas mettre une jupe. »
Tu es femme et tu es prise dans l’engrenage du mot. Tu n’y peux rien.
Mystique
Mystique c’est celle qui unit plusieurs voix, plusieurs expériences, plusieurs personnalités. Elle change de peau pour porter le message de celles qui ont besoin de s’exprimer, qu’elles rejoignent l’équipe de façon sporadique ou qu’elles changent de médium d’expression artistique le temps d’un article. Mystique c’est un peu de chacune d’entre nous.
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