Illustration: Laurène (@somepieceofsheet)
La première fois que j’ai rencontré tes chum de gars, on était dans un parté, la soirée était déjà bien avancée. On est jamais passé par des salutations formelles. Pas de bises. Pas de poignées de main. Juste une meute désorganisée qui s’est déchargée sur moi un gars à la fois comme s’ils en avait le droit. Ils trouvaient ça normal de me répéter comment j’avais joui en toi en disant que je trouvais que t’avais une belle queue. Comme si c’était un compliment avec grand honneur. Ils m’ont félicitée d’être aussi agile avec ma langue, aussi cochonne dans ma façon d’être, aussi bonne avec toi. Le sexe était bon en tabarnak, tu devrais être fière.
Fière. Loin de là, j’avais plutôt un mélange de dégoût pour toi, pour eux, pour moi. Dégoût qui m’a renversé à terre cette soirée-là. Moi qui avais eu le culot d’être aussi bonne avec toi. Quel regret de m’être donné aussi librement, simplement pour le plaisir d’être. Être avec toi venait maintenant à un coût. Celui de tes amis et leurs conneries qui s’en sont suivies.
Comme moi, tes exs ont jamais vraiment aimé tes amis. C’était souvent un sujet de discussion qui finissait en chicane sans solution. La seule que t’as trouvée, c’était de plus amener tes blondes dans vos partés. D’une certaine manière, t’essayais de protéger tes blondes, parce que tu savais que tes boys allaient être déplacés et qu’ils allaient s’essayer à les chasser. Qu’ils attendaient juste le moment où t’allais rompre avec elles pour pouvoir slide dans leurs dms et les inviter à souper. C’est drôle, parce que dans toutes tes relations ils te disaient toujours à quel point tu te faisais tenir par les couilles par des criss de folles toxiques. Attention, le risque de perdre ta masculinité est imminent, elles vont finir par te faire aimer ça avoir un doigt dans le cul.
Tout pour te rentrer dans la tête que tu devrais pas être avec elles, qu’elles étaient pas assez bonnes pour toi. Et ça te rentrait dans la tête. Catégoriquement. Et ça, ils le savaient. Ç’est pour ça qu’ils se permettaient et se permettent encore des commentaires intrusifs avec toi. Ils savaient que leur approbation était essentielle à ta survie. Tu ferais tout pour pas les décevoir. Pour avoir l’acceptation inconditionnelle de la gent masculine. Tes boys c’est ta vie. Pour toi, toi qui s’est jamais réellement senti à sa place, victime du père désobligeant. T’échangerais rien pour ce confort-là qui te rappelle que t’as une place dans le monde malgré tout.
Ah, les gangs de gars comme vous. Vous vous parlez, mais sans jamais rien dire. Des heures et des heures, sans une seule question. Toujours en train de fantasmer sur la prochaine fille que vous aimeriez fourrer, votre dernière game de hockey pis vos soirées ben arrachés. Y’en a toujours qui font des commentaires déplacés, ça parle de vagin qu’on a envie de bouffer, d’anus qu’on a envie de lécher. Vous vous excuser en disant que vous êtes un peu direct dans votre façon d’être, riez en criant que vous êtes pas sortables. Ça fait du bien de décrocher. De s’oublier dans les cris rassembleurs de la meute. Un sentiment d’appartenance plus enivrant que les autres.
C’est toi celui qui tient le groupe ensemble, qui plaît à tout le monde. Tel un caméléon qui fait miroir de leur énergie, de leur façon d’être. Et ils t’aiment de même. Ils veulent pas te perdre. Ils veulent ton bien. Ils veulent que tu t’épanouisses. Mais, seulement avec eux. Quand ils sentent que tu dévies de leur familiarité, ils font vite de te rattraper. Parce que tu serais fou de rater LA soirée de brosse avec tes boys pour partir plus tôt avec celle qui te donne le goût d’être la meilleure version de toi. Et tu les écoutes attentivement, malgré l’alarme qui s’active dans ta tête. Ta petite voix intérieure qui te dit que ce sera toujours leur faute si t’es pas la personne que t’aimerais être. Même si au fond de toi, t’as aucune idée de qui t’es. T’es tellement loin dans tes jeux de rôles que tu te fis sur eux pour te dire comment être. Tu leur donnes une confiance absolue, surtout, un peu, beaucoup, parce qu’ils sont là depuis le début. Tu te laisses tirer de tous les bords en te perdant dans l’étourdissement des prochaines distractions qui te feront oublier que t’es tout et rien à la fois. Tu cours, sans jamais t’arrêter. Tu penses que ça te rapproche de ta vérité. Mais ta quête se fait oublier dans le bruit des évasions. Tu perds le fil, et avec raison. Tu te rends pas compte que ça fait tellement longtemps que t’es emprisonné, que tu sais même plus à quoi ressemble ta liberté.
Secrètement, t’aurais envie qu’ils changent tous un peu. Ton chum de brosse qui achète systématiquement de la poudre toutes les soirées. Ton coloc qui parle des filles comme si elles étaient juste des plottes à fourrer ou des femmes à marier. Ton frère qui criss rien de ces journées à part être buzzé. Ton meilleur ami qui vire agressif quand il boit trop. Ton père qui t’as jamais dit bravo. Tu voudrais qu’ils soient plus supportive, attentifs à tes états d’âme, rassurants, aimants, qu’ils veuillent partir des projets autres que la brosse, qu’ils se lancent dans des activités qui tournent pas autour de la dérape. T’aimerais ça qu’ils te voient pour qui t’es réellement. Qu’ils te disent que c’est correct si t’es en désaccord avec eux. Qu’ils te mettent pas de pression pour sortir chaque soir. Qu’ils se mêlent pas à tes relations amoureuses. Oh, tu penses tout ça, mais t’es pas capable de te l’avouer. Tu sais pas comment être nuancé, aimer une chose et parfois la détester. Tu trouveras toujours un moyen de déformer tes pensées pour sauver l’image de ta fraternité.
En apparence t’as le goût d’être avec eux, t’as besoin d’être là. T’essaies de les voir plus souvent pour oublier la nuance. Te perdre dans la familiarité. Ça te rend aveugle à l’emprise qu’ils ont sur toi. Emprise qui vient toujours d’une loyauté indéfectible, certes. En soi, ils se tueraient pour toi. Même s’ils restent trop fiers pour avouer qu’ils veulent la même affaire. Que tu les mettes toujours en premier plan. Que tu t’oublies dans eux, comme ils s’oublient en toi. Que tu t’acharnes à leurs côtés pour dissiper leur peur d’être abandonné. Et pourtant, eux aussi, ils donneraient tout pour qu’une main leur flatte le dos comme je le fais avec toi, que leurs orgasmes soient synchronisés et que leur ego se fasse rassurer. Ils le chuchotent entre deux draps quand ils se font bercer par une personne qu’ils souhaiteraient aimer. C’est pour ça qu’ils peuvent pas s’empêcher de te l’enlever une fois que toi tu l’as trouvé. Misery loves company.
Quand ça s’est fini entre nous deux, on s’est même pas échangé un mot. C’était une coupure abrupte, mais qui était a long time coming. On était le genre de match qui avait une chance de survie ridicule, même si t’aimais me dire que t’avais jamais voulu quelqu’un comme moi.
Ça aura pris une journée avant qu’un de tes chums m’invite à dîner. Il disait que ça lui dérangeait pas qu’on se soit frenché, vous étiez habitué à partager. *Gag*
J’y suis jamais allée et tu l’as probablement jamais su.
De toute manière, ça aurait rien changé. Depuis le début je sais. Tes chums de gars sont là pour rester.
Thelma