Illustration : Anie-Jade (@anieglaze)
C’est moi, ça, ta féministe de service.
La féministe de ton cégep. La féministe de ton programme. La féministe de ton bacc. La féministe de ta classe.
La féministe de ton cercle social, de ton groupe d’ami.e.s. Ton amie féministe.
Être féministe dans ma ville, c’est tough. Bon okay, j’habite en banlieue d’une ville d’à peu près 1 million d’habitant.e.s. Mais, dans ma banlieue, le monde est petit, fait que tout le monde finit par connaître tout le monde. Puis mon intervention dans ma classe, en 2016, pour remarquer que le cours sur la sexualité était vraiment hétéronormatif, bien eux, ils s’en souviennent. Fait que, inutile de dire que tout le monde le sait que j’suis féministe.
J’sais pas si toutes les féministes fuient vers Montréal. Ou si les féministes de ma ville se cachent pour ne plus être de service. J’sais juste que j’me sens seule.
J’suis épuisée d’être la féministe de référence. Parce qu’on a déjà une opinion préfabriquée de qui je suis avant même que j’ouvre la bouche. J’suis toujours la fille trop intense, l’extrémiste, la radicale. Personne n’ose penser comme moi. Du moins personne ose le penser tout haut, aussi librement.
Peser mes mots. Me retenir de ne pas rouler les yeux. Me sentir comme une caricature. Avoir l’impression d’être leur bête de foire.
J’suis divertissante. On veut mon avis, on veut mes pleurs, on veut mes cris. Je dois toujours avoir réponse à tout. J’ai jamais droit à l’erreur. Me tromper, à leurs yeux, ça voudrait dire que les mouvements féministes au grand complet sont irrelevants.
Et quand on ne veut pas me planter, on veut un biscuit pour avoir été un.e être humain.e décent.e. On m’appelle à une heure du matin pour se faire rassurer sur sa job d’allié.e.
Dis-moi que j’suis un.e bon.ne allié.e, Madame la féministe. Dis-moi que j’suis une bonne personne. Dis-moi ton avis sur ci, sur ça. Explique-moi ci, explique-moi ça.
Sinon, mes opinions et mes luttes me rendent un peu épeurante, on dirait. J’ai peut-être l’air forte, j’ai peut-être l’air dure. Mon père me dit souvent que mon féminisme me rend intimidante pour les hommes cis hétéros. Moi, je lui réponds que je fais 5 pieds 2, puis que mon style vestimentaire est l’équivalent de Passe-Partout rencontre Polly Pocket.
Alors, sérieux, s’ils ont peur de moi, bien je vois pas trop pourquoi. Cré-le, cré-le pas, j’ai pas de plan diabolique pour faire régner le matriarcat, puis j’ai bien trop payé cher mes brassières pour les crisser en feu. Genre, inquiétez-vous pas, j’vous ferai pas de mal. J’t’une féministe, moi je respecte ça le consentement.
Mais, plus sérieusement, des fois, c’est bien d’être la féministe de service. Des fois, t’aides ton amie, parce qu’elle sort d’une relation toxique. Tu la vois briller comme elle n’a jamais brillé. Des fois, c’est une connaissance qui te dévoile son expérience de coercition sexuelle. Et t’as le privilège de l’écouter et la valider dans ses sentiments. Des fois, c’est ta cousine qui réalise que le slut-shaming c’est de la grosse marde, puis tu partages plein de belles discussions avec elle.
Des fois, être la féministe de service, c’est voir les femmes et les personnes autour de moi grandir. Se dire de plus en plus féministes. Ça me donne espoir qu’être votre féministe de poche, c’est positif des fois.
Ton amie féministe
xoxo
Étudiante en relation d’aide, Daria change de couleur de cheveux plus souvent qu’elle renouvelle sa passe d’autobus. Elle a soif de justice sociale et d’équité entre toustes en plus d’être drivée par les concepts de charges sexuelle et émotionnelle des femmes (cis ET trans). P.S. : sa Totally Spies préf, c’est Clover.
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