Je suis attablée dans un café avec un bon ami à moi. Je savoure mon délicieux bagel-déjeuner pendant qu’il me raconte ses déboires amoureux des dernières années. J’en apprends plus sur sa personnalité à coups d’anecdotes parfois exaspérantes parfois comiques, mais toujours légères et teintées d’auto-dérision.
Après quelques histoires personnelles, il me relance la balle et cherche à connaître mon passé amoureux. À mon tour de me mettre à nue. Je m’inspire de son ton pour éviter d’alourdir l’ambiance en ce samedi matin pluvieux. Dans les grandes lignes, quand on reste en surface, mon histoire se raconte beaucoup plus vite que les siennes : j’ai eu un seul chum, à 16 ans, et ça n’a pas été glorieux comme expérience. Sous le coup de sa curiosité empathique, ma tentative pour éluder sa question échoue lamentablement et je me livre à lui sans réserve.
Dès le début de notre relation, mon ex était jaloux et possessif, et plus le temps passait, plus il cherchait à contrôler ma vie : comment je m’habillais, les gens que je côtoyais, les soirées dans lesquelles j’allais, les gars avec lesquels je parlais à l’école… Il était toujours là à surveiller mes moindres faits et gestes. Vous connaissez la toune de The Police Every breath you take, every move you make […] I’ll be watching you? Ben je trouve pas ça cute moi comme paroles, ça me fait plutôt freaker. Surtout que, vers la fin des cinq mois qu’on a passé ensemble, mon ex, ben il commençait à utiliser la force physique par moments pour me contraindre à l’écouter ou m’empêcher d’aller ailleurs.
Quand j’ai fini de raconter mon échec amoureux à mon ami, il a beaucoup de mal à comprendre la situation. Pas facile à intégrer quand t’es un homme qui a toujours bien traité les femmes. Alors, il me pose des questions. Pourquoi es tu restée avec lui? C’est simple, c’était ma première relation, je ne savais pas ce qui était correct ou pas, et je ne me rendais pas compte que là, ça ne l’était pas, correct. Dès que j’ai compris, je l’ai laissé. Et si j’ai pu tolérer un comportement inacceptable aussi longtemps, c’est probablement parce que je me suis fait dire à plusieurs reprises, comme bien d’autres avant moi j’imagine, que s’il était jaloux, c’était probablement qu’il m’aimait.
Ben non, jalousie n’égale pas amour. Jalousie égale manque de confiance en soi et en l’autre, ok. Égale peur de se retrouver seul.e, ok. Égale recherche de contrôle sur l’autre et la situation, oui. Mais jalousie n’égale pas amour, parce que la jalousie ça ne fait de bien à personne, au contraire. Pis entre cette perception maladive de l’amour et le fait qu’on accorde moins de valeur sociale aux femmes célibataires (il est plus prestigieux d’être femme de médecin que d’être soi-même médecin mais femme de personne), ben on crée une espèce d’obsession du couple qui encourage les femmes – et les hommes aussi parfois – à accepter des choses qu’ils ne devraient pas dans leurs relations. C’est pas pour rien qu’on était en criss contre la pub de Fillactive le printemps passé.
Mon ami me relance. Est-ce qu’il était incroyablement beau / charismatique / populaire / n’importe quelle autre fausse qualité qui aurait pu expliquer ton aveuglement? Euh, non, même pas. Pourquoi as tu commencé à sortir avec lui in the first place alors?! Ben, parce qu’il s’intéressait à moi je crois. Oh shit! On venait de toucher quelque chose là. C’était la première fois que je le formulais aussi clairement pis ça m’a frappé comme une porte de char qui happe un cycliste : si j’ai donné autant de pouvoir à mon ex, c’est uniquement parce qu’il s’est intéressé à moi assez longtemps pour que je me fasse des accroires.
Deuxième porte de char quand je réalise que j’ai fait la même chose avec presque tous les gars que j’ai datés ces dernières années. Il leur suffisait de me faire sentir un peu désirée pour se voir autoriser l’accès à mon coeur ou mon lit, selon le cas, peu importe s’ils me plaisaient ou non. Est-ce que j’avais vraiment si peu confiance en moi que je laissais des hommes se servir de moi et me déconstruire tranquillement pour avoir un peu l’impression d’exister à leurs yeux?!?
C’est bizarre quand même, on s’imagine plutôt que les filles ont peur d’être seulement reconnues ou aimées pour leur corps alors que dans mon cas, c’est le contraire. J’ai toujours eu confiance en mon intellect, en ma valeur en tant qu’être humain. C’est plus au niveau de mon physique que je manque d’assurance. Je dis manque au présent parce qu’il m’arrive encore de douter. Pas de ma beauté, non. Je sais que je suis belle, en tout cas au moins à ma manière. Ce dont je doute, de moins en moins avec les années c’est vrai, mais ce dont je doute encore parfois c’est de ma capacité à plaire physiquement, à être désirable et désirée.
Durant mon adolescence, je voyais mes amies se faire cruiser par des gars plus vieux et avoir des chums alors que moi, les gars plus vieux, ils se moquaient de mon physique. Les autres, à mes yeux, elles étaient chanceuses. On les regardait avec de l’envie dans les yeux, on leur souriait, on les abordait pour avoir leurs numéros de téléphone, on essayait de les faire rire tellement elles étaient belles. On se permettait même d’être insistant, déplacé, de les harceler, de les toucher, tellement elles étaient belles. Et moi, si ça ne m’arrivait pas, c’était probablement que « je n’en valais pas la peine ». Quand j’y repense, je me rends compte à quel point c’était malsain mon affaire. C’est fou quand même d’avoir une si faible opinion de soi-même.
J’ai commencé à avoir plus confiance en moi en arrivant au cégep, quand j’ai eu mon premier fuckfriend. On s’entraînait ensemble plusieurs fois par semaine et on se voyait des fois le soir ou le weekend pour baiser. Et vraiment que pour baiser. Je veux dire, des fois on avait des conversations quand même. Genre il fait beau cette semaine – oui c’est vrai – ça va être cool d’aller courir demain. Pis on recommençait à baiser. On a jamais vraiment dépassé l’étape du small talk et j’ai vu qu’il était possible d’aimer mon corps sans forcément s’intéresser à ma tête. J’ai commencé à avoir plus confiance en mon sex appeal. Non. En fait, j’ai enfin reconnu l’existence de mon sex appeal.
Tsé, dans le fond, la confiance en soi c’est pas juste de se trouver belle, bonne, fine pis capable. C’est ben plus que ça. Avoir confiance en soi, c’est apprendre à apprécier chaque partie de soi. Et pas juste un peu, pas juste quand ça nous arrange. Non. Avoir vraiment confiance en soi, c’est apprendre à s’aimer, en entier, profondément, dans les bons comme dans les mauvais jours. Et ça, c’est pas facile.
Moi, mon acceptation est passée par le sexe sans attache, mais pour d’autres c’est le sport, le théâtre, l’écriture, la méditation, le travail, les études, name it! L’important je crois, c’est de se rendre compte qu’on a pas besoin de relations malsaines, qu’on a pas besoin d’être aimé.e.s à tout prix, mais plutôt d’être bien aimé.e.s et que pour ça, on n’a pas forcément besoin des autres.
Bref, aimez-vous,
Padmé
Étudiante en physio, Padmé écrit pour se vider la tête et faire avancer ses réflexions. Drivée par les questions de genre, elle refuse de se faire enfermer dans une image stéréotypée de la femme. La preuve, il n’est pas rare de la trouver les deux mains dans la graisse de vélo en train de chanter du Céline Dion à tue-tête.
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