Illustration : Anie-Jade (@anieglaze)
Secondaire 5, journée de la prise de photos des finissant.e.s. À l’appel de mon nom, je passe de l’autre côté du rideau et m’empare d’une réplique de diplôme avant d’aller m’asseoir sur le tabouret. Puis, le photographe me jette enfin un regard et me lance : les diplômes c’est pour les garçons, les filles, elles, tiennent des fleurs sur leur photo. J’en suis estomaquée. D’ailleurs, je le suis encore aujourd’hui! Et je n’ai toujours pas compris le rapport entre un bouquet de fleurs en plastique et le fait de graduer… J’ai beau protester et avancer que moi aussi j’ai obtenu mon DES, il ne veut rien entendre. Question d’esthétisme qu’il disait. Comme ça, sur le tableau, toutes les filles vont être pareilles et les garçons aussi. Non, mais quelle absurdité!
C’est donc avec un sourire faux que j’ai été immortalisée, tenant à la main un horrible bouquet de fausses fleurs dans une pose toute aussi fausse. Et maintenant, quand je pense à ce tableau soi-disant resplendissant d’esthétisme par son absence de singularité, j’en perçois très clairement le message : une fille c’est fait pour être jolie, un garçon par contre ça peut se permettre d’être intelligent.
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Dès leur naissance, nos attentes envers les garçons et les filles diffèrent grandement. Toutes petites, les jeunes filles s’entendent dire qu’elles sont belles et qu’elles sont gentilles. Puis on leur demande de bien se tenir, d’obéir sans questionner. Les petits garçons, eux, se font dire qu’ils sont forts et intelligents. Puis on ne leur demande rien, et ils chahutent. Mais ce sont des garçons, alors on leur pardonnent tout.
Alors qu’on s’attend des filles qu’elles jouent à la poupée, on s’attend des garçons qu’ils fassent, et aiment faire, du sport. Et alors qu’on attend des filles qu’elles soient bien élevées, on attend presque des garçons qu’ils soient turbulents. Déjà à 6,7,8 ans, on ancre dans la tête des enfants que les garçons ne sont pas responsables de leur comportement car ce sont des garçons et que les filles ont à être responsables à leur place.
Rendues à l’école, on apprend aux filles à s’habiller correctement. À se couvrir suffisamment pour ne pas provoquer ou déconcentrer les garçons. Mais jamais on n’apprend aux jeunes garçons à se contrôler et à respecter leurs consoeurs.
Parenthèse : c’est bizarre quand même qu’on considère que les hommes/garçons aient à apprendre à se contrôler. Comme si leurs pulsions sexuelles étaient plus fortes qu’eux, qu’ils étaient restés à l’étape animale de l’évolution… En fait, je pense que c’est surtout qu’on leur dit que d’avoir une libido perpétuelle et à toute épreuve c’est être un homme, un vrai. Alors, il ne faudrait surtout pas qu’ils cachent leur instinct copulateur pour ne pas avoir l’air de manquer de virilité! Fin de la parenthèse.
Quand j’étais au secondaire, une fille qui portait des vêtements qui laissaient entrevoir un peu trop d’épaule ou de cuisse se faisait automatiquement réprimander (par contre, je n’ai jamais vu un garçon se faire avertir parce qu’on voyait ses sous-vêtements!). Ça pouvait même aller jusqu’à un renvoi à la maison pour la journée. Comme quoi, pour certains, la concentration des garçons est plus importante que l’éducation des filles…
Si on ajoute à tout ça les innombrables films* dans lesquels les rôles féminins ont pour seule fonction de faire briller le héros, masculin et viril. Les vidéoclips de chansons pops remplis de femme-objets. Les publicités sexistes qui se servent sans vergogne du corps de la femme pour vendre. Si on met tout ça ensemble, on se rend compte que le message qu’on envoie aux femmes et aux jeunes filles à chaque jour de leur vie est le suivant : sois belle et tais toi!
Ben moi, j’en ai assez d’être traitée différemment parce que j’ai eu la malchance de naître sans verge. Parce que, franchement, pour une partie de mon anatomie qui est supposée être du domaine privé, je trouve que mes organes génitaux sont bien trop souvent pris en considération par les autres dans leur façon d’interagir avec moi.
J’en ai assez d’être belle et surtout, j’en ai assez de me taire. Et c’est, entre autres, pour ça que je suis féministe. Pour qu’un jour, en regardant les gens, ce soit leur personnalité, leurs qualités et leur potentiel qu’on voit. Pas leur genre. Pour qu’un jour, vraiment, on atteigne une vraie égalité.
Padmé
N.B. Le plus absurde dans tout ça, c’est que les hxmmes aussi souffrent de ce système à doubles standards imposé par la phallocratie dans laquelle nous vivons. Chaque fois qu’ils ravalent leurs larmes et s’empêchent d’exprimer leurs sentiments. Chaque fois qu’ils renoncent à une activité dite de fille par peur de ce que les autres pourraient dire. Chaque fois qu’ils se sentent dans l’obligation d’agir à l’encontre de leurs valeurs personnelles pour être acceptés par la masse. À chaque fois, ils en souffrent.
Là encore, j’en ai assez que les hxmmes n’osent pas être qui ils sont réellement au fond d’eux. Alors mesdames, battons-nous pour nous-même, mais battons-nous aussi pour eux. Et messieurs, battez-vous avec nous, c’est aussi votre combat.
*Pour avoir des exemples, renseignez-vous sur le syndrôme de la Schtroumphette.
Étudiante en physio, Padmé écrit pour se vider la tête et faire avancer ses réflexions. Drivée par les questions de genre, elle refuse de se faire enfermer dans une image stéréotypée de la femme. La preuve, il n’est pas rare de la trouver les deux mains dans la graisse de vélo en train de chanter du Céline Dion à tue-tête.
Pour lire le dernier article de Padmé – Pourquoi parler de sexualité – c’est ici!
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