Illustration : Éliane (@lily364)
Si tu savais combien d’agresseurs je connais. Ben oui, ce sont des « amis » à moi. Mais ce sont aussi des agresseurs. Parce qu’ils ont abusé des filles. De manières diverses, à différents degrés et moments, mais ça n’empêche pas qu’ils l’ont fait.
Genre l’autre jour, je vais rejoindre quelques ami.e.s. dans un bar. Comme on est dans un petit village, je finis par rencontrer plusieurs personnes avec qui je me tenais au secondaire. Pis là je m’assois avec une couple de filles, on prend des nouvelles d’un peu tout le monde. La plus potineuse me dit : Ouin, apparemment que Julien aurait frappé sa blonde, pis que c’est presque allé au tribunal c’t’histoire là. Ben voyons. Pas le petit Julien, le doux Julien, le pacifique Julien? Celui qui sourit gentiment à tout le monde, à à peine deux mètres de moi? Il n’aurait pas fait ça?
Pis bon, je sais pas pourquoi, mais ça reste comme ça. Je me suis indignée sur le coup, mais je finis quand même par oublier l’histoire. Je la balais moi-même du revers de la main. Et c’est étrange, parce que c’est comme une rumeur qui flotte, mais y’a pas de conséquences sociales. Pas d’exclusion, pas de débat. Personne ne le confronte sur son (très certain) problème de comportement, rien. Tout le monde agit comme si de rien n’était. Tout reste normal.
D’autres fois, c’est carrément dans des soirées que le harcèlement se passe. On se le dit, eille, fais attention à Anthony, il peut être vraiment insistant quand il devient saoul. Il te suit toute la soirée, te lâche pas quand tu lui dis non, etc. Et c’est fou ce qu’on fait pour s’assurer que, malgré tout, l’ordre social ne soit pas perturbé. On se fait des codes entre filles. Des gros yeux ça veut dire je trippe vraiment pas sur ce qu’il fait, viens faire une distraction. Un coup de coude, c’est au secours, et dans ces cas-là on se réfugie à la salle de bain ensemble. Mais la règle la plus importante de toutes, ne pas le laisser tout seul avec l’une d’entre nous. Et toutes les filles qui l’ont côtoyé le savent, ce n’est pas un secret. Il en devient presque épeurant. Même les garçons le disent à leur manière. Ouin, Antho, il comprend pas les signes, il le voit pas quand une fille veut pas de lui. Il va pas lâcher le morceau. Pis encore une fois, y’a personne qui s’insurge. Pourquoi? Parce que c’est notre ami? Parce que c’est pas un inconnu sketch dans une ruelle sombre de Montréal?
Plus souvent qu’autrement, les agressions, ça se produit quand deux personnes (deux ami.e.s) s’isolent dans une chambre ensemble. Pis, hier, comment c’était de dormir avec Oualid? Avec un clin d’oeil dans la voix, genre qu’est-ce qu’il s’est passé? C’est un beau gars, t’es une belle fille, vous avez dû avoir beaucoup de plaisir. Ben… Turns out que non. Non parce qu’il a passé la soirée à essayer de mettre sa main dans les culottes de Gabrielle, pis qu’elle n’arrêtait pas de l’enlever. Qu’elle n’arrêtait pas de lui dire non, mais qu’il continuait quand même. Come on, qu’il lui disait. De quoi, come on?
Et GUESS WHAT? Ces trois anecdotes-là ne sont pas des histoires isolées, des erreurs de parcours. Non, elles deviennent même des récurrences. Parce que Oualid a supplié une fille de le branler (et a fini par arriver à ses fins) alors qu’elle ne voulait pas, parce qu’Anthony continue d’avoir les mêmes comportements quand il boit et parce que Julien a eu d’autres agissements agressifs/intrusifs envers d’autres filles.
Savez-vous quoi? Je ne disais rien. Je ne disais rien parce que ça ne se produisait pas nécessairement sous mes yeux. Je ne disais rien parce que quand je parlais, on me disait de me taire. Je ne disais rien parce qu’on me faisait bien comprendre que j’étais l’hystérique qui exagérait tout. Je ne disais rien parce qu’ils étaient dans la gang, pis que jamais, mon dieu, jamais ils n’auraient pu faire ça. Alors ils sont toujours là, ils continuent à vivre comme si de rien n’était, à faire partie de la gang, pis à faire du mal à d’autres filles. Ça vous rappelle pas d’autre situations vous? Genre des hommes qui abusent pendant des années des femmes à Hollywood? Des hommes qui persistent parce qu’ils n’ont pas de conséquences?
Mais aujourd’hui on est rendu.e à un autre niveau. Oui, parce qu’aujourd’hui, le féminisme est à la mode. Alors, certains de ces agresseurs se déclarent féministes. Même que parfois, ils se positionnent en « défenseurs des survivantes d’agressions sexuelles ». Féministes et défenseurs mon cul. Tu peux pas juste adhérer à une trend pis faire le contraire. Être végétarien.ne aussi c’est trendy, mais tu peux pas manger trois steaks par semaine et te déclarer vegan ou végé. Genre, je suis féministe, mais il m’arrive de temps à autre d’harceler des filles. MAKES NO FUCKING SENSE.
Et maintenant, j’aimerais m’adresser à ceux et celles qui critiquent le mouvement #metoo. Arrêter, les femmes, de dénoncer pour un rien. Arrêter, sinon les hommes vont avoir peur.
Les hommes vont avoir peur de quoi exactement? Que ces histoires enterrées refassent surface? Que ces « riens » soient finalement dénoncés? Ben m’a vous dire de quoi, ayez peur. Si c’est la peur qui vous empêche de mettre la main sur une fille sans son contentement, ben so fucking be it. Si c’est la peur qui fait en sorte qu’on se penche sur le problème de la culture du viol dans notre société, ben so fucking be it! Car nous ne nous ferons plus jamais silencieuses.
En terminant, je suis de celles qui croient à la deuxième chance. Afterall, je ne suis pas devenue féministe du jour au lendemain, c’est arrivé à force de discussions, de lectures, de débats et surtout d’expériences concrètes de sexisme. Comme certain.e.s le disent si bien « on ne naît pas féministe, on le devient par la force des choses ». Alors, oui, je crois au fait qu’on peut faire une erreur, et changer par la suite. Je fréquente quelques-un.e.s de ces rescapé.e.s. Sauf que pour avoir une deuxième chance, faut reconnaître que notre comportement a pas de câlisse de bon sang, qu’il est problématique. Et il faut respecter les femmes quand elles vous disent non, et surtout quand elles ne vous disent pas oui. Pis un p’tit « bonus » avec ça : il faut les croire quand elles vous disent qu’elles ont subi une quelconque forme d’agression sexuelle.
Peace out,
Médusa
** Le masculin pour le mot agresseur a été utilisé, considérant le fait que 96.8% des agresseurs sont des hommes. ***
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Je suis une femme et j’ai une moustache – c’est ici!