Illustration: Arielle (@ririelle16)
On dirait qu’il y a quelque chose d’étrange au fait d’être seul•e dans quelques lieux publics, pour certains événements, dans la vie en général. Quiconque a déjà reçu un RSVP pour un événement demandant si +1 il y aura, ou encore subi les commentaires remplis de jugement d’une lointaine tante lors d’un party de famille à Noël sur son célibat, saura sans doute de quoi je parle. Pis, je pense que tout le monde reconnaîtra ce feeling d’être la première personne arrivée dans un bar pour une soirée entre amis•es et se sentir soudain hyper consciente de soi, de ses gestes, de son look.
Ça ou c’est peut-être juste moi, qui deale pas toujours bien avec ma solitude.
J’entame ce texte attablée dans un petit resto vietnamien où je m’apprête à souper on my own, avant d’aller au théâtre en solo aussi. C’était une soirée prévue depuis un moment avec ma sœur, qu’elle s’est vue forcée d’annuler de façon imprévue. Je n’ai pas chômé pour tenter de la remplacer, envoyant quantité de messages comme des bouteilles à la mer. Yo, soirée culture ce soir, ça te dit? Un vendredi, tout le monde dans mon entourage plus ou moins proche était busy. Pas de chance.
Je n’ai aucun problème à aller au ciné seule. Pourquoi donc avais-je ce nœud dans le ventre à l’idée de me pointer sans +1 à la pièce?
De quoi j’avais peur ? De l’échange potentiellement malaisant avec la personne à l’entrée du théâtre constatant que je ne lui faisais scanner qu’un code QR sur deux? Du regard piteux des autres spectateurs? Du jugement peut-être? D’avoir l’air d’une loser pas d’amis? Il y a sûrement un peu de ça, moi qui ai tellement voulu être part of the gang durant mon adolescence. Prise par mes tourments intérieurs, j’ai vraiment eu l’impression que j’étais seule au monde par bouts. Étrangement, le fait de venir non accompagnée à cet événement culturel me ramenait un peu à ce sentiment pénible qui m’a suivi une bonne partie de ma jeunesse.
Je pense aussi qu’avec l’hiver qui s’étire et cette envie de Netflix and chill à deux que je sens monter en moi, ça me pèse un peu par bouts cette vie de célibataire. Il y a bien l’amant occasionnel qui me flatte le dos de temps en temps et parfois, partage mon lit jusqu’au matin, que je ne vois que dans l’intimité de mon foyer ou du sien, peu habillée. Mais rien qui se compare à un amoureux pour me tenir la main et m’accompagner au théâtre, nope.
Assumer son célibat, c’est pas toujours simple, même si on initie la rupture comme ce fut mon cas. Je l’ai choisi, je l’apprécie la plupart du temps, pour la liberté immense que j’ai, la vie qui se déploie à mon rythme. Mais, depuis la fin de ma dernière relation sérieuse, je ne compte plus le nombre de questions que j’ai eues sur l’état de ma vie amoureuse, et ça finit toujours par me gosser. Ce qui me dérange avec ces interrogations, c’est que je sens souvent qu’on voit le célibat comme un état indésirable, dans lequel on ne peut s’épanouir, qu’il faut quitter au plus sacrant. Être en couple ne devrait pas être une fin en soi. C’est sûr qu’à un moment dans la vie, c’est comme l’attente que tout le monde a pour toi. Mais être single ne dit rien sur notre valeur, ça ne parle pas de notre potentiel d’aimer ou d’être aimé•e, ça ne devrait même pas être digne de mention. Ça ne regarde personne.
Disons que je commence à être un peu à boutte de me faire demander comment va ma vie amoureuse. Pis ta date, ça s’enligne pour du sérieux?, me demande ma collègue entre deux bouchées de sandwich au jambon. Peut-être pas, mais je risque d’avoir du sexe torride quelques semaines. Je le prends. Et je garde cette pensée pour moi en souriant et répondant vaguement que c’est à voir. Pour éviter le potinage et les questions gênantes, j’opte maintenant pour la discrétion à la job. Faque je garde mes détails crunchy pour moi et mes amies proches qui les savourent quand je leur raconte devant un verre de vin ou deux. Pis, je rentre chez moi, un peu pompette, pas fâchée de retrouver mon chat, toujours là pour chauffer mon lit où je dors en étoile.
Ça fait que j’y suis allée à la pièce de théâtre, toute seule, comme une grande. J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai été transportée. Cette soirée en solo avait été riche en réflexions sur ma vie de célibataire et sur la solitude, mais, finalement, mon petit inconfort s’était vite dissipé. J’ai texté une amie en sortant pour lui raconter. C’est fou, mais j’étais fière, un peu. C’était une petite victoire, oui, mais pour moi, ça voulait dire beaucoup. J’avais osé, dans un sens, puis j’avais été récompensée.
Ça m’a confortée. Être seule ne m’empêche de rien. Tout est à ma portée, c’est moi qui trace le chemin.