Pour l’halloween de mes huit ans, j’ai décidé que je voulais me déguiser en « indienne ». On m’avait offert au Noël précédent une paire de mocassins ainsi que deux vestes en cuir et en suède à superposer. Ma mère avait finalisé le costume en me confectionnant un bandeau à plumes, et elle avait tressé mes cheveux afin d’obtenir le style que l’on s’imaginait comme étant typique à « l’indienne ». Je ne parviens pas à me souvenir exactement ce qui m’avait poussée à me déguiser ainsi. Il est vrai qu’à l’époque j’adorais lire des bandes-dessinées, surtout les Tintin, et j’avais évidemment vu Pocahontas… Bref, je pensais que les « indiens » étaient des personnages de fiction. Et il faut dire que je n’étais pas la seule à avoir eu cette idée; des dizaines d’autres « indien.ne.s » passaient aussi l’Halloween à mes côtés dans ce costume teinté d’ignorance et de white privilege.
J’ai adoré porter ce costume. Quand j’y repense, je me souviens avoir reçu des compliments, j’étais fière de l’arborer. Mais pas pour les bonnes raisons. Je n’avais pas la moindre idée des enjeux politiques et sociaux liés à mon costume. J’ignorais complètement qu’il était ancré dans les traditions culturelles d’un peuple dont j’avais à peine, si ce n’est pas du tout, conscience. Des années plus tard j’y repense et je suis troublée d’avoir participé à cette appropriation culturelle si activement. Certes, j’étais ignorante de mes gestes, mais l’ignorance ne peut pas tout excuser.
Car, qu’en est-il des autochtones? Les peuples qui les ont colonisés, nous en l’occurrence, leur laissent difficilement la possibilité d’exprimer la moindre once de fierté. Leurs droits sont encore aujourd’hui bafoués, et leur qualité de vie n’est pas une priorité pour les gouvernements.
Si l’exemple donné ici concerne les peuples autochtones, les conséquences de l’appropriation affectent la plupart des individus de couleur.
L’appropriation culturelle s’apparente à un vol. Non pas un vol matériel ou territorial, mais plutôt un vol de propriété intellectuelle. Il est vrai d’affirmer que chaque peuple possède ses propres valeurs, traditions culturelles et habitudes de vie. Ces traits de caractéristiques découlent généralement d’un long historique basé sur les réalités géographiques, spirituelles et politiques des peuples. Ceux-ci peuvent entre autres inclure les habitudes alimentaires, vestimentaires ou esthétiques des individus, ou encore les symboles, les pratiques, le langage et les gestes, et même les chansons, qui seraient par exemple traditionnellement significatives pour une nation. Tous ces éléments, qui sont donc profondément ancrés dans la culture d’un peuple, se voient naturellement exposés aux yeux des autres, considérant que nous vivons aujourd’hui dans un monde et une époque où les partages et les échanges sont facilités par les technologies et les transports. Ces contacts avec les traditions étrangères sont souvent extrêmement favorables, dans le sens qu’ils permettent une ouverture sur les différences ainsi qu’un enrichissement interculturel. Toutefois, des comportements sont à proscrire lors de certains cas. Il est bien connu que les peuples blancs occidentaux ont, et ce depuis des centaines d’années, pris l’habitude de s’approprier des choses qui ne leur appartenaient pas. Cela remonte à la colonisation de territoires et des peuples qui y vivaient déjà, et s’étend jusqu’à aujourd’hui, alors qu’il ne semble par exemple pas choquant pour les blancs de se vêtir en ceux qu’ils ont fait souffrir en les colonisant.
Ce n’est pas essentiellement d’adopter des pratiques étrangères qui est mal, c’est plutôt de le faire et d’accepter les fleurs qu’on vous lancera sans donner le crédit à la culture qui vous aura inspirée. Voici un exemple qui transpose le concept de l’appropriation culturelle dans un autre contexte : lorsque l’on nous demande d’écrire un travail de recherche, par exemple, à l’Université, il sera toujours requis d’identifier les sources des citations ou des idées prises dans un ouvrage qui n’est pas le nôtre, sous peine de sanctions. En effet, il est alors logique de mentionner qui est l’instigateur.trice des idées que nous reprenons. Cette logique est la même lorsqu’il s’agit d’un trait culturel que l’on désire emprunter. La problématique réside également dans le fait que les individus blancs adoptants certains traits des individus noirs, par exemple, bénéficieront des aspects positifs qui en découlent, soit les compliments, mais ne seront en aucun cas affectés par les préjugés racistes que subissent les personnes de couleur lorsqu’elles s’exposent avec ces mêmes caractéristiques, qui font alors partie de leur identité.
L’appropriation culturelle faite contre les blancs n’est pas sujet à être discuté, considérant que la culture occidentale caucasienne est celle qui jette de l’ombre sur les autres et que les blancs ne souffrent pas du racisme.
L’appropriation culturelle, c’est lorsqu’une petite fille blanche aux cheveux blonds et aux yeux clairs se fait complimenter pour son costume d’indienne, alors qu’il y a quelques décennies à peine, les jeunes des premières nations vivaient des violences atroces dans des « pensionnats » créés par des blancs, qui visaient à éradiquer toute trace de l’appartenance culturelle à laquelle se rattachaient ces enfants. L’appropriation culturelle, c’est aussi lorsque des vedettes vénérées par des milliers de fans arborent des looks calqués sur les traditions esthétiques afro-américaines, sans aucune reconnaissance pour la culture qui les aura inspirées, et ce, alors que les afro-américains vivent quotidiennement des discriminations basées sur leur apparence physique.
Il est facile, en tant que blanc.he, de participer à l’appropriation culturelle. Mais il peut également être facile de l’éviter, et ce, en étant à l’écoute des minorités ethniques qui se disent offusquées par nos faux pas, en nous informant davantage à propos de la culture des gens qui nous entourent, et en les respectant dans leurs appartenances culturelles et religieuses.
Si les individus appartenant à une minorité ethnique décidaient de se déguiser en « blanc.he », soyez assurés que l’image ne serait pas flatteuse.
Mystique
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