Illustration : Alice (@haliss)
Quand j’étais jeune, mon rapport avec mes organes génitaux était assez basic. En gros, il fallait bien rincer sa vulve avec de l’eau et ne pas mettre de savon directement dedans sinon ça brûlait as fuck. Jusque là, assez simple à suivre.
Au secondaire, grâce au fabuleux cours de biologie lors de notre troisième année, et qui faisait d’ailleurs aussi office de pseudo cours de sexualité, on m’a inculqué quelques notions sur la santé vaginale. Oui, le fameux talk traumatisant sur les ITSS et la possibilité de tomber enceinte! Pis entre vous pis moi, les quelques notions de sexualité, c’était pas mal plus des notions de maladie dans le fond. I mean des notions comme le plaisir ou le consentement, ça n’avait teeeeeeellement pas sa place dans les cours (gros, gros, gros soupirs de découragement).
Et donc, mis à part les infections transmissibles sexuellement, je ne pouvais pas m’imaginer que des choses pires pouvaient arriver à mon vagin. Et, comme ma vulve ressemblait (surprenamment) au dessin dans le manuel de sciences – genre ça m’a fait un choc quand j’ai appris que les « petites lèvres » de la majorité des femmes étaient plus longues que leurs grandes lèvres – j’ai toujours pris pour acquis qu’elle était normale.
C’est donc bien plus tard, lorsqu’on a créé le blogue, que j’ai appris l’existence d’autres troubles du vagin, par exemple le vaginisme (en gros, c’est lorsque les muscles autour du vagin se contractent par réflexe dans le but d’empêcher une pénétration). L’expérience de Princesse Chihiro à ce sujet est d’ailleurs assez intéressante. Je vous invite à lire son texte pour en apprendre davantage.
Puis, peu à peu, d’autres femmes ont commencé à me parler plus librement de leurs douleurs vaginales. De comment elles avaient de la difficulté à pleinement apprécier leurs relations sexuelles parce qu’elles éprouvaient de la douleur lors de quelconque forme de pénétration, par exemple. De comment elles n’osaient pas toutes en discuter avec leur partenaire sexuel. Et surtout, de comment elles se sentaient impuissantes face à ces douleurs. Afin d’en connaître un peu plus sur leurs troubles, certaines ont participé à des études universitaires sur la santé vaginale, dans l’espoir que les choses changeraient.
Et plus je discutais du sujet, plus je me rendais compte que moi aussi j’avais des petites douleurs lors de mes récentes relations sexuelles. Mais des douleurs tellement légères, tellement banales, que ça ne s’approchait certainement pas de ce qu’elles vivaient. I mean, on allait quand même pas virer le monde à l’envers pour une petite sensation de brûlure à l’entrée du vagin, alors que d’autres avaient littéralement l’impression de se faire lacérer le vagin à coup de couteau! Et à quoi bon alarmer mon copain? Après tout, en stimulant juste assez mon clitoris, je finissais pas mettre cette sensation de brûlure en sourdine ou en tout cas, suffisamment pour apprécier la relation sexuelle. C’était un peu comme écouter deux chansons au même moment. Si je montais assez le volume d’une et me concentrait sur celle-ci, j’arrivais à oublier l’autre.
Et puis tout bonnement, parce que je ne travaillais pas et que l’étude sur la santé vaginale dont m’avaient parlé des amies était rémunérée, j’ai choisi d’y participer moi aussi. En bonus, j’avais un rendez-vous chez la gynécologue de payé. Je me disais qu’à cette étape de l’étude, je serais probablement refusée, mes douleurs n’étant pas aussi importantes que pour d’autres, n’étant pas assez importantes pour y porter attention.
Mais, surprise, j’étais tout à fait qualifiable pour l’étude. La gynécologue a clairement identifié que je souffrais bel et bien de vestibulodynie (douleurs anormales à l’entrée du vagin). Et donc, avec mon copain, on a passé des mois à participer à cette étude. C’était une recherche en psychologie, surtout faite pour vérifier si notre relation était une des causes de la douleur ou si c’était plutôt quelque chose purement physiologique. On devait donc tous les jours parler de nos états d’âme, à savoir si on se sentait aimé.e.s et en confiance dans notre relation. De mon côté, je me devais de décrire tous les jours ma douleur dans un questionnaire. Cette sensation de brûlure en est venue à prendre une place beaucoup plus importante dans notre vie, dans ma vie.
Et pourtant, même si je savais que je pouvais simplement aller consulter un.e physiotherapeute specialisé.e en rééducation périnéale afin d’améliorer ma condition, je n’ai jamais eu la volonté d’y aller. Jamais je n’ai pris le temps d’appeler des cliniques. Je passais mon temps à repousser le moment. Là c’était la fin de session, une autre fois c’était l’été et je travaillais comme une dingue je n’avais pas le temps, une autre fois c’était une autre excuse etc.
Et je me retrouve, plus d’un an après ce constat, à souffrir lors de mes relations sexuelles, et à voir la qualité de celles-ci diminuer avec le temps. Pourtant, une solution tellement simple est à ma portée, et je repousse toujours le moment où je soignerai mon vagin. Pis je peux pas m’empêcher de penser, fuck, si j’avais une cheville cassée, une entorse au cou ou un problème avec mes yeux, ça ferait LONGTEMPS que je serais aller chercher de l’aide, que j’aurais réglé le problème.
Et je sais que je ne suis pas la seule dans cette situation. Bien des femmes ne consultent pas pour régler ce genre de problème. Par peur, par gêne, par impression que c’est pas important ou que c’est normal, par découragement, par manque de temps, bref pour toutes sortes de raison.
Et là je peux pas m’empêcher de repenser à notre cours de bio de secondaire trois. Et si on nous avait appris que lors d’une relation sexuelle, ce qui est normal, c’est d’avoir du plaisir? Et si on nous avait appris ça plutôt que de faire une campagne de peur sur les ITSS et la douleur lors des premières fois? Peut-être qu’on endurerait pas des relations sexuelles douloureuses? Peut-être qu’on se sentirait plus légitimes d’avoir mal, et surtout de se faire soigner?
Sur ce, m’en va me prendre un rendez-vous.
Peace out,
Médusa
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Quand même chill pour une fille – c’est ici!
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