Illustration : Éliane (@lily364)
Quand j’avais 19 ans, je suis partie sur un coup de tête, en Europe, en sac à dos. J’avais un besoin d’aller voir des affaires, de découvrir des endroits, de rencontrer des gens, de parler d’autres langues et de me prouver que j’étais capable de partir neuf mois toute seule en voyage. Ça, et aussi le besoin urgent de crisser mon camp, de fuir le Québec parce que ça marchait vraiment pu avec mon ex, ou plutôt, avec mon chum à ce moment-là (mais ce n’est pas le sujet de ce texte).
Et, après trois semaines passées à München dans une école d’allemand pour les étranger.ère.s, j’ai commencé mon vrai voyage. Celui avec le sac à dos, vraiment pas beaucoup de linge et plein de doutes en tête.
Il faut dire qu’à ce moment dans ma vie, je remettais tout en question. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais, je regardais une ville sur la carte et je m’organisais pour pouvoir m’y rendre soit par train, soit par autobus, soit par covoiturage, ou encore en faisant du pouce. J’étais émerveillée par ce que je découvrais, les sens en alerte, mais je doutais constamment de la validité de ma démarche.
J’avais cette impression constante d’être une fraude, parce que je n’avais pas de plan, parce que je ne savais pas trop où je m’en allais, parce que j’étais inexpérimentée. Et la seule personne que je connaissais qui avait fait ce genre de voyage avant moi, ben elle avait réservé ses auberges de jeunesse de A à Z, elle avait tracé son itinéraire avant même de quitter le Québec et elle savait parfaitement ce qu’elle allait visiter dans chacun des endroits où elle allait s’arrêter.
Et le fait de ne pas faire comme le seul modèle que je connaissais faisait en sorte que je me sentais illégitime.
Heureusement, assez tôt dans mon voyage, à Wien, dans ma première auberge de jeunesse ever, j’ai rencontré une fille géniale, qui avait voyagé partout dans le monde. Alors que je lui parlais de mes craintes, de mes insécurités, elle m’a simplement demandé : Do you really feel like you have the need to have a plan? Some people, they need to have a plan, they feel bad without it. Others, they just need freedom and having a plan is making them feel bad. Bref, dans notre seule langue commune qui pouvait être parlée de manière fluide (bonjour / hi l’anglais!) elle venait de me faire réaliser que d’avoir un plan, c’était obligatoire juste pour celleux qui en ressentaient le besoin. Si je ne ressentais pas le besoin d’avoir de plan, si je me sentais mieux sans plan, ben j’avais pas besoin d’en faire un alors! Pas nécessaire d’aller chercher plus loin.
Pis c’est comme si à ce moment-là, toutes mes convictions, tous mes préjugés avaient été brisé.e.s en mille morceaux dans ma tête. Comme si un nouveau monde s’ouvrait à moi. Sans peut-être s’en rendre compte, cette fille-là, cette quasi étrangère, ben elle venait de légitimer ce que je faisais. Ouais, c’est différent des autres personnes ce que tu fais, mais c’est ben correct aussi.
Et je me souviens comment deep down inside, je me sentais pas moi-même de penser aux itinéraires plus de trois jours à l’avance. Comment ça me rendait mal à l’aise de faire des plans et d’organiser mes séjours, de ne pas laisser de place à la spontanéité. Sauf que, j’avais l’impression qu’on s’attendait à ça de ma part, qu’on s’attend à ça des voyageurs en général. Quand t’es en sac à dos comme ça, à l’étranger, les gens passent leur temps à te demander où tu vas aller, comment tu vas te rendre, pourquoi tu y vas, et qu’est-ce que tu vas faire une fois arrivée à destination. Facque je m’étais jamais sentie autorisée à faire les choses à ma manière. Chaotique, dernière minute et pas songé!
Et aujourd’hui, je pense à ce moment charnière dans ma vie, qui remonte déjà à quelques années, pis j’me dis, what if, c’était la même chose pour le couple, pour les relations? What if toute ma vie, on ne m’avait montré (et surtout légitimé) qu’un seul modèle de relation, soit le couple hétérosexuel qui vit ensemble, qui a des enfants, qui a un fucking chien. Deux personnes qui sont toujours fidèles l’un.e à l’autre (en tout cas on suppose) et restent ensemble pour toute la vie? What if the sky was the freaking limit? What if on pouvait être en couple, mais jamais habiter ensemble? What if on pouvait être en couple, mais de façon ouverte? What if on pouvait juste rester célibataire et heureux.se… What if…
Et plus je grandis, plus j’apprends à me connaître, plus je me dis que d’être en couple, c’est peut-être pas une fin en soi pour moi. C’est peut-être tout simplement un modèle qui ne me convient pas à long terme. Pis là, warning, if it’s your thing, you do you boo. Mais, quand moi j’y pense, ça me fait absolument freaker de devoir accorder une place plus importante, plus prépondérante que toutes les autres personnes dans ma vie, à une seule et unique personne. Pis d’exiger d’elle qu’elle comble tous les aspects / désirs de ma vie. Qu’elle soit mon chum pis mon meilleur ami, le meilleur sexe de ma vie, ma source de réconfort en plus d’être celle qui me pousse vers l’inconnu et l’aventure, d’être la personne avec qui j’ai des discussions politiques et philosophiques passé 4h le matin, pis la personne qui me fait le plus rire au monde. Pis à travers ça bien sûr y’a la question du désir. Allô, c’est pas parce que t’es en couple avec quelqu’un que tu vas cesser d’avoir envie d’embrasser, de découvrir pis de coucher avec d’autres personnes! J’ai l’impression que c’est se crisser la tête dans le sable que d’ignorer ces désirs là, et quand ils surviennent, de faire comme s’ils n’existaient pas, comme s’ils étaient mals, ou encore pas valides.
Y’a ça qui me fait badtripper, pis l’autre « impératif » quand on est en couple : avoir des projets d’avenir communs. Perso, ma liberté est tellement importante pour moi que j’ai de la difficulté à créer des projets d’avenir avec quelqu’un. Ou ben, avec JUSTE une personne. Fuck! J’ai envie de bâtir pis de créer des affaires avec plein de monde (preuve : j’ai créé conjointement avec des filles extraordinaires ce blogue, on s’est lancées récemment dans le monde des podcasts #lesdialogueuses, pis on a envie de faire plein d’autres projets!). Mais overall, mes envies sont tellement instables et changeantes, que je vois pas comment je pourrais rester avec une seule et même personne pour le restant de mes jours et être drivée par les mêmes désirs qu’elle. Pis là c’est vraiment pas une question d’égoïsme, c’est une question de rester fidèle à moi-même. Genre, j’ai zéro envie de faire des compromis avec la personne que je suis. J’ai pas envie de devenir quelqu’un d’autre pour pouvoir mieux cadrer dans la vision qu’une autre personne a de moi-même pour le futur. J’ai pas envie de me retenir de partir parce que je devrais me sentir mal d’abandonner quelqu’un à la maison. Et j’ai souvent l’impression, à l’intérieur d’un couple, que les deux personnes s’effacent pour laisser place à une entité, à des désirs qui sont pas tant que ça les leurs. Pis honestly, je trouve ça triste à mourir.
Ça fait qu’après trois relations de couple monogames, je commence à me dire que ça me correspond peut-être pas. Pis je me demande si ça se résumerait pas justement à mon expérience de voyage. Genre, y’a une petite voix à l’intérieur de moi qui me dit que c’est pas moi, que j’essaie d’imiter le seul modèle qu’on m’a toujours présenté comme étant LE bon, comme étant désirable. Parce que c’est confortable d’avoir « sa » personne à soi. Genre, je me sens pas autorisée à le faire, mais peut-être que je devrais ouvrir mes horizons et explorer d’autres façons d’être. Le célibat, le polyamour, le trouple… comme je disais plus tôt what if sky was the limit?
Et en ces temps de pandémie (shoutout avril 2020), me retrouver avec moi-même (même si ça peut être rough parfois), ça me fait un bien fou. C’est un bon moment pour me remettre en question, réfléchir aux différentes configurations relationnelles, et à ce qui pourrait mieux me convenir. Pis dans tous les cas, peu importe ce que je choisirai de faire, tant que je m’écoute pis que je respecte mes limites, je vois pas ce qui pourrait m’arriver de pire que d’être (encore) en couple!
Peace out,
Médusa
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Quand le capitalisme take over les luttes féministes – c’est ici!