Illustration : Alice (@halissss)
J’étais dans l’ascenseur avec Marian. Il m’avait proposé d’aller prendre une bière chez lui. Pis, on le sait ben, une proposition d’aller prendre une bière passé 4h du matin, en tête à tête, c’est pas vraiment « pour aller prendre une bière ».
Ça fait qu’une fois arrivé.e.s dans sa chambre, on tourne pas très très longtemps autour du pot, if you know what I mean… On s’embrasse avec l’intensité dont seules deux personnes complètement saoules en sont capables. Ses mains sont partout à la fois, nos respirations sont saccadées, et je le sens de plus en plus dur contre moi. Pis ostie que je suis mouillée. On se déshabille. Peu à peu. Une veste, des chandails, deux paires de pantalons… Et moins on a de vêtements sur le corps, plus je panique.
Dans ma tête fille, dans ma tête. Parce qu’en vrai j’avais juste l’air d’une personne qui avait le contrôle sur la relation sexuelle qu’elle allait éventuellement avoir avec son partenaire. Je retardais le moment où on allait finalement enlever nos sous-vêtements, exacerbant par le fait même la tension sexuelle présente entre nous deux.
L’affaire, c’était que j’étais en voyage, en sac à dos, toute seule, depuis environ deux mois. Et disons que l’épilation était le dernier de mes soucis. I mean, je trouvais ça plus important me trouver un divan où dormir le soir plutôt que d’avoir des jambes lisses, que personne de verrait sous mes pantalons de toute façon. Jusqu’à ce soir là.
Parce que, si mes dites jambes sont tolérables et que mes aisselles passent incognito dans le noir tant que je ne lève pas trop mes bras, mon bikini, lui, passe crissement moins inaperçu.
*Retour à mon état d’esprit tourmenté sur le coup*
Fuck. Mon bikini n’est pas fait. Fuck. Fuck. Fuck. J’ai envie qu’il me touche, j’en meurs d’envie. Mais je peux juste pas. Je peux pas m’empêcher d’avoir un blocage. Je serre les jambes, je suis terrorisée à l’idée qu’on me voit ainsi.
Pis quand j’y repense, quelle hypocrisie de ma part! Quand bien même que mes poils sont coupés à une certaine longueur et consignés à un espace parfaitement délimité sur mon pubis, ils sont quand même là. Pourquoi alors avoir l’impression d’être sale? De ne pas être moi-même? D’être terrorisée par le regard que mon partenaire allait poser sur moi? De sentir qu’il fallait que je justifie pourquoi j’étais dans cet « état » là? Parce que mes poils sortaient de ma petite culotte? Parce que mes poils étaient plus longs qu’à l’habitude?
Heureusement, un préjugé ridicule a fait surface dans ma tête : les Européen.ne.s sont plus à l’aise avec leur pilosité que nous, les imberbes Nord-Américain.e.s ! Somehow, je me suis convaincue que la culture des poils était différente en Autriche, et en Europe de façon générale, et que je pouvais coucher avec Marian en toute tranquillité d’esprit.
Pis fuck, j’ai passé un esti de bon moment et lui aussi. Mais, j’étais à un cheveu (haha) de tout laisser tomber pour des poils.
Sauf que ce sentiment de honte par rapport à mes poils je l’ai trop souvent vécu.
Quand à 13 ou 14 ans, je refusais d’enlever mon chandail pour faire mon entraînement de gymnastique parce que mon maillot allait inévitablement dévoiler mes poils d’aisselle.
Quand je me justifiais à tous les cours d’éduc, dans les vestiaires. Les filles, capotez pas, j’ai juste pas encore pris de rendez-vous chez l’esthéticienne… Et elles, toutes compréhensives, comme si on partageait ensemble un secret bien gardé. Ou encore les Est-ce que ça parait que mes jambes sont pas faites? Ben non, inquiètes toi pas fille, sont blonds tes poils. Et les fois où une sortie à la piscine était organisée par l’école. Avez-vous prévu votre rendez-vous pour être clean dans votre maillot?
Quand, à 16 ans, j’avais peur que mon chum ne comprenne pas pourquoi je n’étais pas rasée, mais bien épilée, et que c’était propre pareil. Que j’avais l’air d’une femme mature et que les poils sur la vulve c’était normal.
Quand plus tard, au cégep, dans mon équipe de volley, on me félicitait lorsque je faisais ENFIN mes jambes. I mean, je jouais pas tant pour avoir les jambes lisses, mais plutôt pour kill des balles.
Quand un autre chum, plus tard, m’avait dit qu’il me préférait bien épilée, mais qu’il me tolérait malgré tout avec un peu de poils. (Quelle grandeur d’âme… #not).
Bref, ce crisse de sentiment d’avoir l’impression d’être legit PAS soi-même sans avoir arraché tous ses poils.
Pis you know what? I wish qu’on aurait eu d’autres modèles quand on était plus jeunes. Qu’on aurait pu voir des femmes arborer fièrement leurs poils. Que la différence entre une femme avec ou sans poils serait aussi banale qu’une femme avec les cheveux plats ou frisés.
Ça fait que les jours où j’ai pu le courage de porter mes poils longs, je pense à l’ado ou la petite fille que j’étais. Pis aux modèles qu’elles n’ont jamais eu.
Médusa
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, mais qui n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Un prince charmant toxique – c’est ici!
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