Illustration : Éliane (@lily364)
L’autre fois, au travail, quelqu’un m’a approché avec l’air un peu gêné. Il m’a dit hey, est-ce que je peux te poser une question personnelle? Je veux pas être indiscret, là…
J’étais en grosse alerte. Déjà n’importe qui te demande ça tu te dis mon dieu mais qu’est-ce qu’il va ben me poser?? Mais au travail, en plus, c’est pas la place pour, genre, te faire demander si t’as un chum ou une blonde, ou si tes parents sont divorcés ou pas!
En fait. C’était pas mal plus funny que ça. Il m’a demandé : Portes-tu des pantalons des fois? J’ai quand même ri. Je m’étais fait toutes sortes d’attentes (basées sur ben trop de questions indiscrètes reçues dans des contextes pas rapport, je dois dire!!). Fait que j’ai juste répondu franchement : pas vraiment, non. Et j’étais sérieuse. Je porte des robes, pour vrai, 95% du temps.
Flashback à moi en 5e année : ma mère essaie de me faire mettre une belle petite jupe en jean et je veux RIEN SAVOIR. Avec, je ne pouvais pas faire des roues et grimper dans les modules (ouais, je trippais encore vraiment beaucoup sur les modules dans la cour d’école en 5e année, bon). Surtout, c’était au moment où j’essayais de disparaître le plus possible, sauf pour ma petite gang d’ami.e.s, et m’habiller dans le genre me paraissait beeen trop engageant. J’allais avoir l’air de m’être forcée pour m’habiller, et tout le monde allait beeen trop me remarquer. Comme la fois où j’étais full contente d’aller à l’école avec une coiffure funky et que je m’étais fait ramassée et traitée de laide par le petit criss de la classe.
Au secondaire, c’était mille fois pire; si j’avais pu être un mur, mon dieu j’aurais aimé ça. J’aimais bien m’habiller en une seule couleur et avoir l’air juste assez soignée pour pas me faire niaiser, mais sans trop attirer l’attention. C’était legit gênant pour moi de mettre un peu de temps dans mon apparence parce que j’avais, je pense, l’impression de ne pas mériter d’attention puisque je me trouvais TELLEMENT. FUCKING. ORDINAIRE. Alors qu’au fond, comme n’importe quel humain, j’avais aussi besoin que quelqu’un me dise que j’étais intéressante. Et, si je suis honnête, j’aurais même aimé que quelqu’un me dise que j’étais belle. Quelqu’un d’autre que ma mère.
Honnêtement, j’étais convaincue que j’étais… pas LAIDE, mais certainement pas cute. Et comme je me disais que j’étais pas intéressante ou belle, je me disais que je voulais ABSOLUMENT pas avoir l’air de me trouver moi-même belle. J’avais vraiment intense peur d’avoir l’air de vouloir des compliments et de pas en recevoir. La honte. Maintenant quand j’y repense, après le chemin que j’ai fait depuis… Ça me rend triste de me dire que je pensais ça. Que je pensais que si j’avais l’air fière de mon apparence, j’allais plutôt avoir l’air ridicule. Je regarde des photos de ce temps-là et je vois pas tous les défauts que je me trouvais, mais je vois surtout une fille pas ben dans sa peau, dans son corps.
Les rares fois que des amies m’ont maquillée, que j’ai mis mon meilleur chandail, que je me sentais bien et belle… Je le regrettais. Comme j’avais pas confiance, je me trouvais anyway laide en photo, je trouvais que j’avais l’air pathétique de m’être trouvée belle un mini moment.
Et ça n’a pas arrêté au cégep; j’ai juste changé mes vestes du secondaire pour des cardigans (oui oui, TOUS. LES. JOURS. Clairement je ne variais déjà pas beaucoup mon linge) puis des joggings pour des jeans, mais j’avais toujours cette même envie de disparaître. Évidemment, le fait que je me comparais beaucoup et que c’était surtout cool à mon cégep d’avoir l’air super naturel.le n’aidait vraiment pas. J’avais l’impression que tous les gens étaient suuuper beaux et belles direct en sortant du lit.
J’ai fais un long bout de chemin depuis. Il est vraiment pas fini, let’s be honest, mais il a commencé quand j’ai décidé que c’était correct de me trouver cute. Honnêtement, je me suis permise de mettre de l’effort dans ce que j’avais l’air et de me trouver belle de m’être forcée. Ça a commencé parce que j’ai commencé un emploi où les femmes badass qui m’entouraient portaient des belles robes, étaient super féminines mais ROCKAIENT dans leurs jobs et m’inspiraient beaucoup. Ça a chamboulé mes idées de : robes = full féminin = tu peux pas porter ça et avoir l’air sérieuse / être respectée. Ça m’a donné le goût, en les voyant, de choisir des vêtements qui me faisaient sentir bien, plutôt que mettre des couches de camisoles+cardigans qui me cachaient le plus possible.
Ça l’air petit, sûrement, pour certain.e.s. Ça peut avoir l’air anodin, pour d’autres. Sauf que c’est de commencer à mettre des robes qui m’a fait sortir de ma coquille. Je m’en suis acheter une, j’ai aimé de quoi j’avais l’air. De moins me sentir comme si je me cachais dans des vêtements lousses m’a fait sentir bien, j’ai eu quelques compliments très gentils, et j’étais partie pour la gloire. Petit à petit, je me suis mise à en porter de plus en plus, et on s’est mis à me connaître pour la fille en robe (qui l’eût crû!). J’ai aussi détaché mes cheveux et je me suis mis à me peindre les ongles.
Quand j’y pense bien, c’est pas mon linge qui m’a attiré des compliments, parce que les plus touchants et sincères sont pas les t’es belle aujourd’hui!, c’est les t’as l’air dont ben bien!. C’est d’être confiante qui me faisait rayonner alors que je préférais attirer l’attention le moins possible, avant.
Honnêtement, les robes, entres autres, ont semé quelque chose en moi qui pousse depuis. Comme une p’tite graine qui est pas loin d’être une fleur. Je me suis donné le droit d’aimer de quoi j’ai l’air. Et je pense que ça a pas besoin d’être superficiel, et que si mon chemin est somme toute conventionnel, ça peut être mille choses différentes pour mille personnes différentes; du mascara à sourcils ou des beaux bas, une nouvelle couleur ou coupe de cheveux, mais c’est surtout ce qu’on fait pour soi avant tout et qui nous fait du bien, que ça paraisse ou pas! Se laver la face plus, se tenir plus droit.e, pas se raser les dessous de bras, un chapeau funky…
Facque mon ode aux robes, c’est une façon – ma façon – de commencer un chemin pas facile vers me trouver cute. Qui m’a permis de réaliser que d’être féministe ne m’empêchait pas de me trouver badass en robe avec des ongles gels. Que mon féminisme s’exprime surtout, et férocement, dans la défense du droit de chaque personne à porter du vernis à ongles ou à se les ronger, à porter des brassières ou pas, des talons hauts ou des running shoes. Qu’avant tout, c’est pas le linge que je porte mais la confiance que j’ai qui (on m’aurait dit que j’allais écrire ça y’a 5 ans je l’aurais pas cru!!) me rend sexy. Que c’est de me sentir hoooot qui me rend désirable. Et c’est ce que je trouve sexy chez les autres, d’ailleurs!
Honnêtement, c’est ben assez rushant de s’aimer soi-même dans ce bas-monde, sérieux… Prendre soin de son apparence, s’occuper de soi-même de la façon que l’on désire, le self-care pi toute, c’est pas de la vanité! C’est possible de s’occuper de soi pour soi, et de se sentir cute pour soi avant tout!
Facque j’ai trouvé de quoi qui me fait sentir bien et j’ai décidé que je portais des robes tout le temps, SUE ME!
La Perdrix
Candidate à la maîtrise et militante féministe, La Perdrix est une jeune femme qui adore être en mode occupée tout le temps. Forte et fragile à la fois, elle peut déménager tes meubles et pleurer en lisant un livre. Rien ne lui fait plus plaisir que de défier des stéréotypes, ou voir quelqu’un renverser des idées préconçues.
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