Illustration : Garance (@garancebb)
J’étais plutôt réticente au départ à l’idée de prendre tous les jours une pilule qui viendrait supposément balancer mon cycle hormonal. Mais comme tout le monde le faisait, j’ai commencé à y penser sérieusement. Puis, à 16 ans, j’ai finalement pris la décision de commencer la pilule, mais uniquement pour des mauvaises raisons.
Régulariser mon cycle? Diminuer les crampes et autres symptômes pré-menstruels? Contrôler l’acné? Pas besoin. J’étais tout à fait satisfaite de ma semaine qui arrivait sans prévenir et, oui, avec parfois un peu (ou même beaucoup) de retard, mais qui surtout passait sans trop se faire remarquer.
Ce qui m’attirait le plus en fait, c’était l’aspect contraceptif. Pas que j’en avais besoin, non. Mais plutôt que j’aurais aimé en avoir besoin. Et quand je regardais autour de moi, la corrélation entre les filles-qui-prenaient-la-pilule et les filles-qui-étaient-actives-sexuellement était très forte. Donc, en toute logique, je croyais que de commencer la contraception augmenterait mes chances de perdre ma virginité. Comme si les gars allaient le sentir et se mettre soudainement à me trouver intéressante. Ben oui, c’est ça Padmé!
Mais, comme de fait, par le biais d’une impressionnante coïncidence, avant même de me rendre à mon premier comprimé de sucre, je commençais à sortir avec mon premier copain. Ça y était, le miracle avait agi! La pilule pouvait maintenant m’en faire baver en sortant son attirail d’effets secondaires.
Maux de têtes, migraines, crampes, fatigue, sautes d’humeur vertigineuses, perte d’intérêt pour tout (même les trucs que j’adorais d’habitude) irritabilité et j’en passe. Jusque-là, je m’en faisais pas trop, ça allait ben finir par se tasser. Les effets secondaires c’est très fréquent, et même normal, au début, mais ça finit généralement par se régler au bout de trois mois, en tout cas c’est c’qu’ils disent. Trois mois. C’était rendu mon objectif. Plus que deux mois, un mois, trois semaines… et tout va s’arranger. Ah, la belle pensée magique! Mais quoi, si mon docteur le dit, c’est que ça doit être vrai, non?!
En vérité, plus le temps passait et plus mon cas empirait. Quatre à sept jours avant le début de mes menstruations, je commençais à avoir des pertes brunâtres et – surtout – brûlantes. J’étais menstruée pour une bonne semaine et les pertes revenaient me brûler pour quatre-cinq jours de plus. Faites un petit calcul rapide : sur un cycle de 28 jours, ou même moins parfois, ça me laissait très peu de journées sans écoulements dérangeants plein les culottes. Tout au plus une semaine, ou deux quand j’étais vraiment chanceuse, par mois. Et chaque mois, c’était pire. Ça se déclenchait plus tôt, ça persistait plus longtemps, brûlait plus intensément…
En parallèle de mes mésaventures vaginales, j’ai aussi développé des problèmes de peau avec une fulgurante crise d’eczéma qui m’a recouverte de plaques rouges démangeantes et disgracieuses des oreilles au nombril. Mon ventre, mes côtes, mes seins – j’en suis arrivé plus d’une fois à me gratter les mamelons jusqu’au sang, je vous laisse imaginer la douleur – mon cou, le contour de mes lèvres, le pli de mes coudes, le devant de mes poignets, le dessus de mes mains et de mes jointures, entre mes doigts… Bref, j’en avais partout. Tellement que transpirer, me laver ou même porter des vêtements en devenait douloureux.
Évidemment, tout ça ne préoccupait pas trop mon médecin qui me disait de persister, que c’était juste une question de temps avant que ça s’améliore. Pas que ça se règle quand même, parce que c’est apparemment normal et acceptable que les femmes vivent tous les désagréments et prennent tous les risques de la contraception hormonale, mais que ça s’améliore tout de même. Comme ça, t’auras plus de raison de te plaindre ma p’tite fille, t’auras déjà connu pire! Et bien, croyez-le ou non, j’ai persisté pour un total de six mois, testant trois pilules différentes, cherchant la moins pire, avant de me décider – enfin! – à arrêter. Et pendant tout ce temps, jamais le docteur n’a paru considérer que peut-être c’était pas pour moi finalement la pilule. Pire encore, il était outré et a tenté de me faire sentir coupable quand j’ai arrêté de la prendre. J’étais trop polie (une bonne fille bien élevée quoi!) à l’époque pour lui dire, mais maintenant je ne me gêne plus : vas chier! C’est mon corps, je vais ben faire ce que je veux.
Pis en plus, faut croire que les effets secondaires n’ont pas reçu le mémo annonçant la fin de la guerre, parce qu’ils ont continué à me suivre un petit moment. Les pertes sont restées quelques mois et j’avais encore des plaques d’eczéma un an plus tard. Quant aux SPM, que je n’avais jamais vraiment expérimentés, ils se pointent maintenant le bout du nez à chaque mois.
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Je n’écris pas ce texte pour basher la pilule, loin de là. L’arrivée de la contraception hormonale sur le marché a été une réelle révolution, participant à l’émancipation sexuelle des femmes. Tout ce que je veux dire, c’est qu’elle n’est pas parfaite ni adaptée à toutes, et qu’elle ne devrait pas être prescrite de la même façon qu’on distribue des barres protéinées dans les événements sportifs. Elle induit des tas d’effets secondaires bénins comme ceux que j’ai vécus, mais aussi d’autres beaucoup plus graves comme l’augmentation des risques d’AVC ou d’embolie pulmonaire par exemple. Chaque année, plusieurs décès prématurés mettent en cause la prise de contraceptifs oraux et personne n’en parle. C’est devenu tellement normal, tellement banal, de prendre la pilule en traversant l’adolescence, et après, qu’on ne se pose même plus de questions avant de la demander, ou de la prescrire. C’est maintenant un comportement si fréquent qu’on oublie les implications de la prise d’hormones. C’est devenu une solution tellement facile que les médecins font beaucoup d’efforts pour ignorer les conséquences de cette pilule.
Et en plus, on ne cherche même pas d’alternatives. Depuis quelques années maintenant, je me contente des condoms et je m’en porte très bien. Mais il m’arrive de temps en temps de me dire qu’un deuxième contraceptif ne ferait pas de tort. Que je me sentirais peut-être plus safe si j’utilisais plus d’un moyen pour me protéger. Parce qu’un moyen de contraception c’est bien, mais deux c’est mieux! (Sauf dans le cas des préservatifs : deux condoms un par-dessus l’autre c’est tout à fait contre productif!) Mais crime, il n’y en a pas d’autres, des options. La pilule, l’anneau, l’implant, les injections, le stérilet : c’est toutte la même esti d’affaire. Ils nous donnent une impression de variété, mais y’a juste la méthode d’administration des hormones qui change. Il y aurait bien le stérilet au cuivre quand même, mais ça augmente, et de beaucoup paraît-il, les douleurs menstruelles, alors c’est pas top non plus. Donc, en somme, si les hormones ça te convient pas, pour toutes sortes de raisons, ben t’es baisée (ou pas, en fait).
Et la question que je me pose est la suivante : si c’était les hommes qui vivaient toutes les complications de la contraception – et de l’absence de contraception – est-ce qu’on en parlerait plus? Et surtout, est-ce qu’on chercherait plus activement des solutions? Probablement que oui…
Live long and prosper,
Padmé
Étudiante en physio, Padmé écrit pour se vider la tête et faire avancer ses réflexions. Drivée par les questions de genre, elle refuse de se faire enfermer dans une image stéréotypée de la femme. La preuve, il n’est pas rare de la trouver les deux mains dans la graisse de vélo en train de chanter du Céline Dion à tue-tête.
Pour lire le dernier article de Padmé – Parce que les exercices musculaires c’est pas juste pour ton chest pis tes bras – c’est ici!
Super article, merci du partage ! Comme tu dis la pilule ne devrait pas être donnée comme un bonbon… J’ai moi même fais une thrombose cérébrale (AVC) à cause de la pilule. Les médecins préfèrent continuer à donner la pilule sans prévenir davantage (notamment les jeunes filles) des effets secondaires car les victimes ne sont pas assez nombreuses à leurs yeux… ?
Merci d’avoir lu avec attention notre texte. Nous sommes peinées d’apprendre que tu as été une des malheureuses victimes de la pilule contraceptive. Continuons de dénoncer ces injustices! En espérant que tu te portes désormais mieux,
Les Péripatéticiennes
Bonjour les péripatéticiennes,
J’ai recommencé la pilule il y a un an, mon eczema est revenu. Même si mon gyneco ne me croit pas , je suis convaincue que cela est dû à la reprise de la pilule. Je l’ai donc arrêté il y a presque 3 mois, mais j’ai toujours des plaques. Quand a vraiment disparu votre eczema ?
Merci 🙂