Illustration : Layloo (@mycrazycolouredmind)
J’ai une amie qui a ce que j’appelle affectueusement un complexe de Mère Theresa : elle tombe amoureuse des personnes qu’elle a l’impression de pouvoir aider. Pour une autre de mes ami.e.s, ce sont les personnes discrètes et introverties qui ravissent son coeur, alors que pour une autre, ce sont les artistes incompris.e.s. Moi, je tombe pour les âmes insaisissables, vagabondes, voyageuses, nomades. Comme un papillon de nuit qui se dirige instinctivement vers la lumière, quitte à s’y brûler les ailes, je suis irrésistiblement attirée par les amours aux futurs impossibles. Quitte à m’y griller les espoirs. Ça, ou ben les trous d’cul qui te rappellent jamais, même après t’avoir assuré qu’ils le feraient.
Bref, j’ai toujours eu des non-histoires amoureuses et sentimentales. Des histoires foireuses qui se terminaient avant même d’avoir commencé, un peu comme un yogourt passé date depuis trois mois. Tu l’ouvres pour voir, mais tu sais déjà qu’il s’en va direct à’ poubelle.
Sauf que récemment, j’ai eu une révélation. Une vraie révélation, style eurêka là. Le genre de réalisation qui te tombe dessus comme une tonne de briques ou qui te fait arrêter de marcher au beau milieu de la rue pour reprendre ton souffle. Le genre de révélation qui te fait sentir plus léger.ère, parce que, maintenant, tu comprends.
En gros, je me suis rendue compte que c’était pas vrai tout ça. C’est pas vrai que je n’ai toujours rencontré que des caves pis des vagabond.e.s. Bon, c’est vrai que j’en rencontre beaucoup, et que j’ai tendance à être très attirée par ces personnes-là, mais c’est pas vrai que je rencontre juste des gens de même. J’en ai rencontré des personnes gentilles, attentionnées, compréhensives et présentes. Même que j’ai eu des occasions de construire des relations avec ces personnes-là.
Sauf que, et c’est ce qui m’a slamé en pleine face l’autre fois, j’ai toujours saboté ces esquisses de relation avant qu’elles se dessinent. Pourquoi? Ben parce que c’est ben plus simple de s’engager dans des semblants de relations vouées à l’échec que de s’impliquer pour vrai et prendre le risque d’être la cause de ce possible échec. Ben non, on se voit plus, il est retourné en Australie, c’était la fin de son visa. Faut croire que y’en aura pas de 2e date, il répond pas à mes messages. Non non, ça ira pas plus loin entre elle et moi, elle part pour un an le mois prochain. Parce que, ouin, c’est ben plus rassurant de rejeter la faute sur l’autre sans se poser de questions quand la fin arrive que de se regarder en face et accepter ses torts.
Tsé, si je m’investis dans une relation, que je travaille à la construire, alors automatiquement je partage la responsabilité de son évolution. C’est ben nice si ça se passe bien, ça l’est un peu moins si ça chie.
Mais là, y’a quelques semaines, j’ai rencontré un homme avec qui ça a vraiment cliqué sur une app de rencontre. On s’écrivait des super longs messages à tous les jours. En moins d’une semaine on avait l’impression de se connaître depuis super longtemps tellement on s’était raconté de trucs. Faque on a décidé de se rencontrer, normal.
Sauf que ça rendait la situation réelle tout d’un coup. Il devenait une vraie personne, pu juste un profil en ligne avec quelques photos qui répondait à mes messages. Faque j’ai paniqué, normal. Ou pas. Je me pose encore la question.
J’avais juste envie de couper les ponts, de ne plus lui écrire, d’arrêter de lui répondre, de faire comme s’il n’existait pas, comme si on ne s’était jamais rencontré… Bref, rembarquer dans mon pattern d’auto-sabotage. Mais je trouvais ça lâche / pathétique / minable de ma part de refaire ça, encore. Surtout que cette fois-ci, j’en avais conscience. Faque j’ai fait des gros efforts pour contrôler mon stress. J’ai essayé d’être le plus transparente possible avec lui, en espérant qu’il comprenne mes moments soudains de froideur et ma réticence à le laisser s’approcher. Ça a fonctionné, il a été super compréhensif. Faque j’ai encore plus paniqué. Normal? Je commence à en douter.
Bon, là on arrive à la partie plate de l’histoire. On a continué à s’écrire beaucoup et on s’est revu.e.s à quelques reprises lui et moi. Ça cliquait toujours autant à l’écrit, mais en personne rien à faire, j’arrivais pas à me sentir à l’aise. J’étais super distante, super stressée. Faque je lui ai écrit pour lui dire que je n’y arrivais pas, que j’étais désolée, mais que j’avais besoin de prendre un peu mes distances. Pis maintenant, ben on s’écrit encore, mais beaucoup moins souvent, pis c’est pu aussi naturel qu’au début messemble.
Pis là ça fait des jours que je revire ça dans tous les sens dans ma tête, pis j’arrive pas à savoir si j’aurais pu / dû faire plus. Tsé, j’ai beau savoir que j’ai tendance à saboter mes relations, j’ai comme pas le goût de me forcer à le voir alors que j’en ai pas vraiment envie, pis que je ne me sens pas particulièrement à l’aise avec lui, juste pour me prouver que j’en suis capable. Juste pour me prouver que je ne sabote pas toujours tout.
Je sais pas trop comment gérer tout ça. Tsé, je suis pas mal tannée des relations qui viennent avec une date de péremption. J’en ai assez vu des gens qui disparaissent dans la brume à la sortie de mon lit, ou qui partent à l’autre bout de la planète. Messemble que là j’aurai envie d’autre chose, de quelque chose de plus. Mais en même temps, je me dis que je suis peut-être juste pas prête.
Je sais pas si j’ai la force et le courage de me regarder dans le miroir, droit dans les yeux, et de reconnaître mes torts, sans chercher à les justifier ou à les cacher, mais sans les transformer en montagne non plus.
Mais au final, je comprends pas pourquoi je recherche encore le modèle du couple classique. Je le sais que ça ne me convient pas. Pis je l’ai déjà ma belle relation stable et enrichissante, ma relation « sérieuse ». Alors pourquoi est-ce que j’essaie encore, over and over again, de caser toutes mes rencontres dans la boîte du couple?
Je ne suis pas encore habituée au modèle polyamoureux, et je cherche encore les types de relations sentimentales et sexuelles que je veux construire dans ma vie. Mais ce qui est certain, c’est que je suis tannée de calquer mes envies sur celles que me dicte la société et les comédies romantiques. Alors j’imagine que je vais continuer le mode essais-erreurs encore un petit moment, jusqu’à ce que je trouve un équilibre.
Padmé
Étudiante en physio, Padmé écrit pour se vider la tête et faire avancer ses réflexions. Drivée par les questions de genre, elle refuse de se faire enfermer dans une image stéréotypée de la femme. La preuve, il n’est pas rare de la trouver les deux mains dans la graisse de vélo en train de chanter du Céline Dion à tue-tête.
Pour lire le dernier article de Padmé – Je suis amoureuse de ma meilleure amie – c’est ici!
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