Illustration : Alice (@halissss)
Il était devenu tellement beau. En plus d’avoir gagné quelques centimètres, il avait subi une véritable transformation vestimentaire qui l’avantageait au plus haut point. Les filles le dévoraient des yeux, et moi comprise. La différence entre elles et moi, c’est qu’il n’était pas amoureux d’elles, et je l’appris ce soir-là. Je l’observais d’un air faussement détaché alors qu’il fumait un joint. Qu’est-ce que c’est sexy un gars qui fume, hein? Quelques semaines après cette soirée, nous formions un couple. Un heureux couple, parce qu’une relation amoureuse commence toujours avec des débuts heureux. Sinon ben, wtf, no excuses! End this relationship right now.
Au fil des semaines, il était devenu à la fois mon meilleur ami et mon confident. Je découvrais à quel point ses qualités me plaisaient. Il était attentionné, affectueux et par-dessus tout, il était follement amoureux de moi. Et ça, c’était important. Je me rappelle d’ailleurs qu’avec mon amie la plus proche, qui fréquentait d’ailleurs son meilleur ami à lui, nous nous félicitions d’être tombées sur des garçons de la sorte. Ils étaient tellement marginaux, tellement à l’extérieur du moule. Ouais, encore le maudit cliché du bad boy…
Plusieurs années plus tard, une amie me dira : We want boys to be special, to be crazy, to think out of the box, but when they truly are, we’re just wondering why the fuck can’t they be normal? Be careful of what you wish for! Et je ne pourrai pas m’empêcher d’aquiescer vivement face à autant de sagesse! Bon. Retour à l’histoire principale.
Je possédais une capacité étonnante à m’inventer toutes sortes de scénarios futurs avec lui. Dans la grande majorité d’entre eux, notre relation, et donc moi par le fait même, parvenait à le sortir définitivement de ses problèmes de consommation. Car, oui, je croyais au plus profond de mon cœur que je pouvais le sauver. Oh yes, here it comes le complexe de Mère Thérésa.
Alors, je m’évertuais, de toutes les façons possibles, à le motiver à aller à l’école, à réduire sa consommation de drogues en plus de l’encourager à courir plus. J’investissais tellement de temps et d’énergie, que je m’effaçais souvent devant lui et dans notre relation de façon générale. Il était ma priorité, je n’étais plus la mienne. Mais cela ne m’importait peu, parce que j’avais l’impression que je bâtissais notre avenir, notre bonheur.
Pour être honnête, je ne me rendais absolument pas compte de ce que cela me coûtait. Jusqu’au jour où une professeure, qui détenait mon total respect, me fit observer que je serais beaucoup plus performante sans lui. Ce fut comme une gifle en pleine figure. J’veux dire, il fallait vraiment qu’elle trouve qu’il me nuisait en taaa pour me sortir en plein milieu d’un cours pour me dire ça! En même temps, je trouvais son affirmation tellement absurde, limite déplacée. Comment aurais-je pu être plus performante sans lui, alors qu’il était la source même de mon bonheur? Oh oui, j’étais l’incarnation même de l’amour de la chanson de Céline Dion Pour que tu m’aimes encore. Sorry Céline, c’est pas tant un compliment que ça.
Je ne comprenais pas le raisonnement de ma professeure. Mais elle avait tout de même semé le doute dans mon esprit. Ce discours n’était qu’un parmi tant d’autres. Elle ne fut pas la seule enseignante à tenter de me faire entendre raison par la suite. Pourtant, à chaque fois que j’y avais droit, je me contentais de sourire poliment, et de nier le tout dans ma tête. Or, ma relation amoureuse se détériorait incontestablement.
Je ne saurais expliquer ce qui m’a finalement poussée à rompre avec lui, mais cela arriva à la fin de cet été-là et si la douleur qui s’en suivit n’était pas particulièrement atroce, elle était permanente. Voir un couple s’embrasser me donnait l’impression d’avoir fait une grave erreur. Je n’arrivais tout simplement pas à comprendre comment je pourrais être heureuse à nouveau.
Alors, de fil en aiguilles, nous avons fini par nous revoir, de façon particulièrement occasionnelle, certes, mais cela me permit de comprendre à quel point je me sentais plus épanouie sans avoir à m’effacer devant lui. C’était pratiquement comme une relation de fuckfriend, mais sans le sexe comme il est souvent entendu (sans la sacro-sainte pénétration quoi!). Je vivais ironiquement un rebound avec mon ex-chum.
Malheureusement, lui, il en voulut plus. Toutefois, cette fois-ci, je ne voulais pas exister dans ses problèmes. Il a vu cela comme de l’indifférence de ma part, et n’a cessé de me faire sentir coupable. Il me donnait le sentiment que si sa vie ne fonctionnait pas à merveille, c’était probablement parce que je ne faisais rien pour y remédier. C’est finalement à ce moment qu’une certitude s’est installée dans mon esprit : il n’y avait plus aucune possibilité d’avenir avec lui, puisqu’il ne me rendait plus du tout heureuse. C’est ainsi que j’ai inauguré ma rentrée au cégep : libre.
Mais pourquoi avoir souffert tout ce temps? Pourquoi est-ce que ma conception de l’amour a fini par me donner l’impression « d’avoir les poches remplies de roches pis la face étampée dans le ciment » ? Pourquoi avoir souhaité au plus profond de moi-même, alors que j’écrivais ces lignes il y a quelques années, qu’un autre garçon me prendrait par la main, pour aller de l’avant, pour venir me sauver à son tour?
Désormais, je crois être déliée de mes chaînes, sortie de cette caverne. Parce que ma conception de l’amour est beaucoup plus simple qu’avant. Parce qu’elle n’est plus calquée sur tous les ostis de films d’amour qui répètent des scénarios à la Belle-au-bois-dormant. Parce qu’une relation qui fonctionne, pour moi, il faut que les choses soient simples. Comme un bon spagatt’ au beurre!
Peace out
Médusa
Étudiante dans le domaine de la communication, Médusa, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Passionnée par les langues (mais pas le fourchelangue), elle adore serpenter à qui mieux-mieux les différents continents. Ironiquement, Médusa a une peur bleue des reptiles.
Pour lire le dernier article de Médusa – Si tu savais combien d’agresseurs je connais – c’est ici!
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