Illustration : Éliane (@lily364)
4:27 du matin
La soirée a été coupée courte. Une nuit de printemps, quelque part en 2019, mais des fois c’est comme si c’était hier.
Mon plan, c’était de me péter la face jusqu’à la fin; m’éclater sur les murs du club jusqu’à 3h du matin; m’étendre dans un trip complet; pas m’étreindre aux petites heures du matin.
Vers 1h et quelques, pourtant, mon ami le feelait vraiment moins. La soirée était chaotique, trop à son goût. Les gens étaient dans un autre trip que nous. J’avais le désir de continuer la soirée, mais celui d’être son amie aussi. Alors on est parti.e en taxi, lui vers chez eux, moi vers chez nous.
Démaquillée, en pyjama, en total mode la-soirée-est-finie-bonne-nuit… Reste que mon cerveau était encore hyperactif et mon corps ne faisait que commencer quelque chose. La nuit était jeune et la soirée encore plus.
Derrière le rideau de mes yeux les choses dansaient. Des kaléidoscopes, des dessins rieurs, des corps se superposaient… Je sentais tout plein de désirs brouillons monter en moi.
Je ne me suis pas laissée aller tout de suite; j’ai plutôt observé, senti, analysé. J’ai senti ces désirs-là monter en moi; j’ai senti mon dos se courber; ma tête se pencher vers l’arrière; ma respiration s’accélérer; je me suis sentie m’exciter de plus en plus, et attendre encore quelque chose, sans savoir quoi.
Sans me fixer sur rien, sans m’imaginer dans un fantasme en particulier, sans chercher à en trouver la source, j’ai laissé l’envie monter encore un moment.
Avant ce soir là, j’avais passé ces moments avec moi-même, quand même… Mais sans beaucoup de succès. La redécouverte de ma libido était toute récente (c’est là le sujet d’un tout autre texte). Mais avec la masturbation, le coeur y était pas à date. Faire l’amour à deux, j’y trouvais tellement de doux, de beau; toute seule, pas mal moins. J’essayais ben fort, je tentais de m’imaginer des fantaisies excitantes et je m’étais acheté un traditionnel jouet… Mais j’y trouvais rien d’excitant. On dirait que je saisissais pas quelque chose. Et que j’essayais de me forcer à avoir du plaisir, parce que coudonc, le monde aime ça pourtant, pourquoi pas moi?
Ce soir-là… Sous la couette, seule aux petites heures du matin avec mes hallucinations, comme ça m’arrive souvent sur des drogues (d’où l’intérêt, et peut-être le danger…) mon corps et mon esprit se sont alignés pour faire réaliser quelque chose à mon cerveau.
Ce soir-là… Je n’ai pas cherché un fantasme, une autre personne à imaginer, une situation à inventer. Je n’ai pas imaginé les mains de quelqu’un d’autre sur moi, ni les actions d’une autre personne qui me font tant jouir autrement.
Ce soir-là… Je me suis fait l’amour à moi-même. Littéralement. Je me suis étreinte sans complexe, je me suis remerciée d’être moi-même, j’ai écouté chaque chuchotement de mon corps et je lui ai donné ce qu’il demandait. Je l’ai vu et senti prendre du plaisir. J’ai vécu chaque instant tellement intensément.
J’ai transcendé quelque chose, c’est certain.
La Perdrix
Candidate à la maîtrise et militante féministe, La Perdrix est une jeune femme qui adore être en mode occupée tout le temps. Forte et fragile à la fois, elle peut déménager tes meubles et pleurer en lisant un livre. Rien ne lui fait plus plaisir que de défier des stéréotypes, ou voir quelqu’un renverser des idées préconçues.
Pour lire le dernier article de La Perdrix – Si j’arrêtais de vouloir être attirante – c’est ici!