Illustration : Éliane (@lily364)
J’ai un souvenir d’une conversation qui date de ma dernière année du secondaire. Moi et mes amies étions toutes assises à un pupitre. Je me souviens que le thème du travail en classe était Où te vois-tu dans 5 ans? Nous étions en cercle pour nous partager nos réponses plus intimement. Mes camarades ont eu des réponses brillantes et ambitieuses. Moi j’aimerais être directrice d’une boîte marketing ou quelque chose du genre. Mais moi, j’ai répondu : Je veux être dans un lit à fumer ma cigarette après avoir fait l’amour avec la personne que j’aime. Je me rappelle encore aujourd’hui du regard de jugement que m’a lancé une de mes amies.
Bref, durant cette dernière année du secondaire, je découvrais peu à peu ce qu’était la vie à l’extérieur de l’encadrement scolaire et parental. Je commençais à fréquenter une fille, alors que je m’étais toujours considérée comme hétérosexuelle avant. Honnêtement, je ne pourrais plus vous dire comment j’en suis arrivée là. Je crois que c’est un melting pot de circonstances. En gros, mon ex de cette période avait été un vrai douchebag. J’ai été blessé par ses mensonges et ses trahisons qui ont résulté en un petit souvenir empoisonné que je garderai toute ma vie. Ça m’a laissé un goût bien amer, une colère quasi-omniprésente, et j’ai associé ce sentiment à un agacement profond envers le pattern amoureux des hommes. J’ai donc décidé de faire le saut, fini les mecs! J’étais en phase de rébellion, je voulais partir en appartement, je voulais expérimenter quelque chose de nouveau, bref, j’avais un grand besoin de fraîcheur dans ma vie de jeune fille sage. Quand j’ai annoncé à mes proches que j’étais lesbienne, personne n’a eu l’air terriblement surpris. J’avais trouvé un certain réconfort dans cette « non-surprise », comme une validation que c’était bel et bien mon orientation sexuelle. Je me suis donc dit que c’était peut-être bel et bien ma destinée!
Donc, je suis partie en appartement avec la demoiselle en question. Au départ c’était bien. J’expérimentais enfin la liberté! Elle me donnait des cigarettes, on fumait du pot comme des hippies et on trainait le soir dans les rues jusqu’à minuit. J’aimais ce genre de lifestyle. Je me sentais vivre. Nous avions un grand cercle d’ami.e.s avec qui j’accumulais les histoires dangereuses et rebelles dont je rêvais auparavant. Par contre, elle et moi n’avions pas grand chose en commun. Et lors de nos moments plus intimes, j’étais moins reckless que j’essayais de me faire croire. Je n’aimais pas vraiment son corps, je ne voulais pas vraiment lui faire l’amour. Mais je ne pouvais pas faire autrement si je tenais à ce mode de vie. J’ai donc noyé mes craintes dans la drogue. Je m’étais prise d’affection pour l’extasy, car c’était plus facile de vouloir baiser et de garder mon cover-up. Même encore aujourd’hui, les femmes m’apparaissent comme étant mystérieusement magnifiques. J’ai l’impression que leurs corps sont façonnés de façon à toujours attirer le regard. Leur anatomie n’a rien à envier à celle des hommes! Et pourtant, ils me manquaient. Je m’éprenais d’affection en secret pour les amis de ma copine. Les fantasmes masculins s’enchaînaient, mais je ne voulais pas y croire et je ne voulais pas la blesser. J’avais dit à tout le monde que j’étais lesbienne! Je ne pouvais plus reculer maintenant! Elle était du type terriblement territoriale, et surtout, j’étais en appartement avec cette fille-là. Ça a vite tourné au cauchemar. J’étais prisonnière de moi-même. Je ne pouvais pas assumer mon hétérosexualité avec personne, mes seul.e.s ami.e.s était les sien.ne.s et j’avais coupé les ponts avec mes parents, car j’avais quitté le cégep.
La jalousie de ma copine prenait une grande place dans mon quotidien, tellement que mes amis de gars m’étaient interdits. Elle me demandait régulièrement si je la trompais, alors que ce n’était jamais le cas. Ça me blessait qu’elle puisse penser cela de moi, cela ne me ressemblait pas. Mais vous savez, la meilleure façon d’éloigner une personne qui vous tient à coeur, c’est de lui répéter chaque jour qu’elle fera une action pour vous trahir. Ça établit une méfiance omniprésente et ça vous oblige à toujours vous justifier alors que vous marchez déjà sur des oeufs. Au final, c’est un renforcement très négatif qui vous pousse exactement à faire ladite action… Et un jour, je l’ai fait. Je l’ai trompée avec un de mes meilleurs amis. Ça a bien sûr été une des pires erreurs de ma vie, je n’en suis pas fière. Mais je n’en pouvais plus de me mentir. Je lui ai tout raconté car je suis une personne honnête et je ne pouvais pas vivre avec ce genre de mensonge. C’est à ce moment que tout à basculé pour moi. Elle ne me faisait plus confiance, les hommes et les femmes m’étaient interdit.e.s de peur que je refasse la même erreur. J’étais dans une cage. Une cage que j’avais créée moi-même, dont elle détenait la clé. Cette histoire ne se termine pas sur une joyeuse note, malheureusement. J’ai beaucoup de regrets. Je suis terriblement désolée pour cette fille. Elle m’avait fait confiance et je l’ai trahie. Le plus désolant dans tout ça, c’est que je m’étais trahie moi-même pendant deux ans.
Mais de grâce, ne vous inquiétez pas, j’ai surmonté tout ça. Je suis retournée à l’école et mes parents m’ont sortie de ce bordel. Depuis, j’essaie de ne plus jamais me mentir à moi-même. C’est normal de se tromper, c’est normal d’expérimenter. Mais ne vous laissez au grand jamais menotter à des étiquettes de peur que les autres vous jugent. Votre sexualité ne regarde que vous. Et aujourd’hui je l’ai bien compris.
Où te vois-tu dans 5 ans? J’ai trouvé un compagnon de vie génial, et oui je fume ma cigarette après avoir fait l’amour et je sais enfin que j’ai choisi le bon chemin.
Mystique
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