Illustration : Layloo (@mycrazycolouredmind)
Qu’arrive-t-il quand tu tombes en amour avec une personne qui ne partage pas les mêmes opinions que toi sur des sujets qui te tiennent vivement à cœur? Ou qui n’a pas reçu la même éducation que toi et qui ne dispose pas des mêmes connaissances générales?
Parfois, je trouve qu’il est difficile d’avoir des conversations sur des sujets « controversés » lorsque ton interlocuteur.trice a une opinion complètement opposée à la tienne. En tant que féministe, je fais beaucoup d’efforts pour refléter mes idéaux dans mes projets personnels et j’ai de fortes convictions que je souhaite partager et faire entendre. Je veux que mon entourage puisse m’encourager dans mes projets et croire en mes idées. C’était donc important pour moi, comme ce le serait pour quiconque, d’avoir un petit ami qui me supporte et m’aide à atteindre mes buts.
Des réalités distinctes
J’ai rencontré un jeune homme qui avait parcouru un chemin très différent du mien et qui avait une vision très différente de la société. Élevé dans un environnement culturel très religieux, il avait été porté à croire que l’homosexualité était un pêché, que l’avortement était un crime et qu’il y avait des règles sociétales qui devaient séparer les hommes et les femmes. Sa culture avait créé des tabous autour de sujets tels que le sexe et les menstruations. En tant que féministe dévouée, je ne pouvais tourner le dos à de telles divergences d’opinions qui attaquaient directement mes idéaux. Voici l’histoire d’amour de Princesse Chihiro et Prince Ali.
La croisée de nos chemins
Une rencontre anodine. Il travaillait près de chez moi dans une friperie où je regardais les CD. Une conversation agréable qui a mené à une date. Une sortie très simple où nous sommes allé.e.s dans un petit café prendre un chocolat chaud pour ensuite admirer les bateaux sur le quai au clair de lune. Cette date qui a déboulé en fréquentation. Durant ce mois, il venait me chercher à ma porte en auto presque chaque jour et nous passions la soirée à parler de tout et de rien. Après cinq semaines, nous étions un couple affiché. Tout s’est passé si vite, mais nous avions l’impression que nos âmes se connaissaient depuis des siècles. Quétaine, je sais.
Dans nos premières semaines de relation, nous avons beaucoup appris l’un.e sur l’autre. D’où nous venions, nos intérêts, nos passions, nos modes de vie, nos familles respectives, nos croyances – religieuses ou non -, nos cultures, notre environnement. Il avait déménagé au Canada à peine cinq ans auparavant, j’y étais née. Il était passionné d’informatique et je préférais de loin le monde des affaires. Il vivait chez ses parents, tandis que j’avais mon propre appartement. Il préférait improviser son horaire, tandis que je planifiais chaque minute de ma vie. Il est le bébé dans sa famille et je suis l’aînée dans la mienne. Il est religieux et je suis athée. Il n’avait jamais vraiment voyagé, alors que c’était ma principale raison d’économiser. Nous avons vite réalisé que nous ne pourrions pas être plus différents. Nous ne pouvions pas avoir moins de liens qui nous réunissaient : nous n’avions aucun.e ami.e en commun, nous n’étions pas de la même école et nous ne vivions pas dans le même quartier. Pourtant, la flamme de notre relation brillait de plus en plus.
Préjugés
Nos différences identitaires n’étaient pas un obstacle à notre relation jusqu’à notre premier accrochage. Cela devait faire deux mois que nous étions en couple. Il était venu chez moi une soirée et nous bavardions comme d’habitude. Je lui ai demandé comment avait été sa sortie avec ses amis la veille. Il m’a raconté qu’au bar, un jeune homme saoul l’avait approché et avait commencé à lui faire des avances. Il a continué son histoire en expliquant qu’il était devenu tellement enragé que ses amis ont dû le retenir pour l’empêcher de frapper le flirteur. Il me disait :
« Je ne veux pas qu’un fif me touche »
« Je ne veux rien savoir de ses avances, c’est répugnant »
« Je te jure, je voulais le frapper, est-ce que j’ai l’air gai moi?? »
J’étais très surprise de sa réaction vis-à-vis la situation, ne le connaissant pas comme quelqu’un de violent. Je lui ai vite montré ma déception face à ses agissements homophobes. J’ai tenté de lui expliquer pourquoi ses paroles étaient particulièrement dénigrantes.
Au début, son point de vue est resté le même, mais il faisait plus attention à la formulation de ses commentaires. Il a cessé d’utiliser un langage offensant pour parler de personnes homosexuel.le.s, il choisissait ses mots pour ne contrarier personne et me questionnait quant à la meilleure façon de s’exprimer s’il doutait de l’interprétation de sa phrase.
N’ayant jamais côtoyé des gens de la communauté LGBTQ+, il ne comprenait pas leur expérience et ne pouvait s’imaginer leur réalité. Nous savons toustes que l’inconnu fait peur. Et que ce que nous ne comprenons pas, nous avons tendance à le repousser. Je ne lui en voulais donc pas pour ses remarques, parce que je savais que c’était de l’ignorance. D’un autre côté, il était difficile pour moi de ne pas m’emporter. Après tout, c’était une cause pour laquelle je me battais tous les jours. J’ai donc essayé de me mettre dans sa peau pour comprendre son raisonnement. Alors, au lieu d’être impulsive dans mes réactions, j’ai voulu partager mon propre point de vue dans l’espoir qu’il ouvre son cœur et démontre de l’empathie pour la communauté LGBTQ+. Si on lui avait appris à être homophobe, je pouvais certainement lui apprendre à être tolérant des préférences amoureuses et sexuelles des différentes personnes de la société.
Une introduction bienvenue
Tout a changé lorsqu’il a rencontré un nouveau collègue au travail. Il était tan tan tan… homosexuel! Prince Ali était tellement excité quand ils sont devenus amis. C’était son premier ami gai. C’était comme s’il avait rencontré une personne bien normale, « mais » qui avait une préférence sexuelle opposée à la sienne. Ironique! Depuis, il ne fait plus de commentaires homophobes. Il va même jusqu’à reprendre ses amis qui utilisent le langage homophobe qu’il employait avant.
Évidemment, je suis très fière du chemin qu’il a fait et je suis reconnaissante de son ouverture à parler d’homosexualité, même s’il était très inconfortable au début. Par contre, il est encore maladroit pour tout ce qui touche l’identité sexuelle et les différents spectres de la sexualité.
Un terrain miné
La première fois que je lui ai parlé de mes propres questionnements quant à ma sexualité, il n’a pas flanché, mais il n’a pas enregistré ce que j’ai dit dans sa tête non plus. C’était dans les débuts de notre relation et je ne crois pas qu’il avait une compréhension assez profonde de l’asexualité ou de la bisexualité. J’ai dû revenir sur le sujet quelques mois plus tard et cette fois-là, il était à l’écoute du message que je lui transmettais. Il a pris le temps de bien réfléchir à mes propos. Il m’a assuré qu’il m’aimerait peu importe comment je voulais me définir et qu’il me faisait confiance. À ce moment-là, je savais que je ne parlais pas au même Prince Ali que j’avais rencontré presque un an plus tôt.
Tel un papillon qui bat des ailes
Maintenant, mon nouvel homme veut m’accompagner dans des manifestations de femmes. Il me propose d’aller voir des spectacles de Drag Queen. Il s’efforce de comprendre la réalité d’un monde dont il s’acharnait à ignorer l’existence depuis si longtemps. Parallèlement, je continue de semer des graines sur les sujets incompris dans son esprit avec des liens d’articles, des suggestions de vidéos et des discussions axées sur l’échange.
Mon but n’a jamais été de changer qui il était ou d’influencer sa culture, mais justement de me concentrer sur les valeurs qu’on avait en commun pour explorer des sujets autrement tabous. En adoptant une vision inclusive du monde, il n’allait pas contre sa religion, sa culture ou sa famille. Il a su trouver ses propres limites de ce qu’il était prêt à changer en lui et ce qui était encore trop complexe à questionner. Par exemple, il m’a toujours tenu tête face au débat sur l’avortement.
Tout au long de notre relation, j’ai aussi beaucoup appris de lui. Comme nous avons grandi dans des contextes complètement différents, j’ai beaucoup gagné à l’avoir dans ma vie. Il nous reste des désaccords, mais nous marchons côte à côte maintenant.
Merci Prince Ali,
Princesse Chihiro
Princesse Chihiro, jeune femme d’affaires accomplie, enthousiaste des sports et fanatique du continent asiatique, elle voudrait donner une voix à celles.ceux qui ne peuvent pas se le permettre et est horrifiée lorsque les survivant.e.s d’agressions sexuelles ne sont pas pris.e.s au sérieux. #metoo
Pour lire le dernier article de Princesse Chihiro – Les hormones du démon – c’est ici!
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