Illustration : Charlie (@charliebourdeau)
Ça fait seulement quelques mois que j’ai fait mon coming-out en tant que femme queer. Pas juste à ma famille et à mes amies, mais aussi à moi-même. Pour la première fois, je pense, je vois le dating comme quelque chose d’excitant et de plaisant. J’ai le goût de rencontrer une femme, d’apprendre à la connaître, de ressentir une boule de chaleur au creux de mon ventre quand je suis avec elle. Juste ressentir de quoi. J’ai besoin d’agir par rapport à mon attirance envers les femmes. J’veux arrêter de m’imaginer être avec des femmes, pis actually être avec des femmes. J’ai hâte d’aller en date, pis de peut-être me faire une blonde.
Fait que j’ai pris mon courage à deux mains, j’ai réinstallé Tinder et j’ai changé mes préférences pour « Femmes ». Je me suis aussi inscrite sur Her, qui est pas mal l’équivalent féminin de Grindr (application pour hommes qui veulent rencontrer d’autres hommes). Je suis fébrile, j’ai un peu peur. Je sais qu’en faisant mes profils de rencontre, je me out – à d’autres personnes queer, mais quand même. C’est une chose que ta mère ou ta meilleure amie sache que t’es queer, mais c’en est une autre quand c’est des personnes que tu connais pas. Mais bon, j’y vais quand même ! Je commence à swipper à gauche pis à droite, un peu paniquée à l’idée d’avoir un match… mais aussi à l’idée de pas en avoir ?
Pis une chose que je remarque assez rapidement, c’est à quel point il y a des profils de couples hétéros qui se cherchent une femme pour un trip à trois. Pis, t’sais, je le savais en me plongeant tête première dans l’univers du queer dating que j’allais tomber sur des couples hétéros qui veulent une licorne; c’est-à-dire une troisième personne, idéalement bisexuelle, pour avoir une relation sexuelle avec les deux membres du couple, sans attache et sans complication (c’est assez rare pour être nommé licorne). Je le savais. Ce que j’avais pas prévu, c’est à quel point ça allait me faire sentir comme de la marde. J’ai l’impression d’être fétichisée. Dans le sens où je sens que mon orientation sexuelle est vue comme « excitante » et je trouve ça même un peu traumatisant. Pis, je fais un disclaimer ici : je veux pas shamer les personnes qui ont le goût d’être une licorne ni les personnes qui aiment les trip à trois ou les couples poly. Entre adultes consentant.e.s, je vous souhaite d’avoir du plaisir.
Pour ma part, ça me fait chier de voir autant de profils comme ça affichés dans mes profils de dating app. Genre, cool si ton chum devient dur à l’idée de voir deux filles baiser. Mais, j’ai comme pas le goût de le savoir. L’idée que ma sexualité et mon attirance envers les femmes soit instrumentalisée pour donner une érection à ton chum me rend mal à l’aise. Ça me fait sentir comme si ma sexualité était juste valide si y’a un gars hétéro à quelque part dans l’univers qui peut en profiter. Pis, t’sais, si c’était juste lui qui me fétichisait, ça serait déjà ça.
Parce que, à mon avis, des femmes peuvent aussi contribuer à la fétichisation des femmes queer, c’est-à-dire que de les réduire à leur orientation sexuelle, de les sexualiser voire les déshumaniser. Je suis une expérience de plus dans leur check-list de trucs wild à faire dans leur vie sexuelle. Ma présence, c’est l’équivalent humain des menottes en froufrou rose achetés à La Senza : un peu de spicy dans votre couple. Ma sexualité rend curieux.se. Elle est juste un spectacle. Je suis leur spectacle. Mes seins, mes fesses, ma vulve, mon vagin… Dans leur tête pis celle de leur chum, je suis la catégorie lesbian sex sur Pornhub. Je suis leur version 3D.
Pis en fait, est-ce qu’iels pensent réellement que je suis attirée par les femmes, ou bien dans leur tête, je suis la fille « hétéro » qui, saoule dans les partys, frenche sa meilleure amie pour exciter les gars autour d’elle ? T’sais, le principe de juste mettre mes préférences à « Femmes » sur Tinder, c’est de pas tomber sur des hommes cis. C’est de pouvoir dater des femmes pis des personnes non binaires. Je viens juste de découvrir ma sexualité alors que je suis dans la vingtaine, et l’une des raisons pour lesquelles ça m’a pris autant de temps, c’est que j’avais jamais considéré le fait que je pouvais ne pas être attirée par des hommes. C’est pas parce que tout le monde agit comme si désirer les hommes c’était l’option par défaut, que ce l’est pour toutes les femmes.
Alors, je pense que c’est relativement raisonnable de ma part de me sentir décrissée quand je me fais constamment rappeler sur les apps de dating que pour plusieurs personnes hétéros, mon identité sexuelle c’est juste un moyen de pimenter leur couple. Pour moi, mon identité sexuelle, c’est tellement plus que ça… C’est une partie de moi que je me suis jamais laissé la chance d’explorer, mais que j’essaie de plus en plus de m’approprier. Fait que d’être vue comme une licorne potentielle, je le vis comme quelque chose de vraiment intrusif. Genre un autre moyen pour les hommes hétéros d’avoir accès aux corps des femmes queer. En même temps, je comprends qu’il y a des personnes qui aiment être des licornes, et c’est super valide aussi! Il reste qu’il existe des apps spécifiquement pour les licornes hunters. Pis que dans les apps non spécifiques aux licornes hunters, comme Tinder, c’est vraiment nul que certains profils cachent leurs véritables intentions… Expliquer qu’on recherche une licorne super loin dans la bio (ou bien en messages privés après avoir matché), mettre seulement des photos de la fille du couple, etc.
Au final, j’ai juste envie de dater des filles, sans avoir l’impression de me faire checker par des dudes cis-hétéros sur les apps de dating, t’sais.
Daria
Étudiante en relation d’aide, Daria change de couleur de cheveux plus souvent qu’elle renouvelle sa passe d’autobus. Elle a soif de justice sociale et d’équité entre toustes en plus d’être drivée par les concepts de charges sexuelle et émotionnelle des femmes (cis ET trans). P.S. : sa Totally Spies préf, c’est Clover.