Lettre ouverte : réponse face à la banalisation médiatique de la violence conjugale vécue par Élisabeth Rioux
Lettre originalement publiée sur Le Devoir 12 Novembre 2020 : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/589575/sur-la-banalisation-mediatique-de-la-violence-conjugale-vecue-par-elisabeth-rioux
Mardi dernier, d’abord à LCN, puis sur les ondes de QUB Radio, une animatrice et ses collègues ont choisi de s’en prendre à une survivante de violence conjugale qui se trouve aussi à être une influenceuse.
Vous êtes peut-être au courant, peut-être pas.
Si vous êtes âgé·e·s entre 15 et 35 ans et que vous possédez un compte Instagram, il y a de fortes chances que vous connaissiez Élisabeth Rioux et sa situation. Pour les autres, voici de quoi il en retourne.
Élisabeth Rioux, c’est une influenceuse sur Instagram, notamment connue pour être à la tête d’une compagnie de bikinis. Elle est suivie par plus de 1,7 millions de personnes sur les réseaux sociaux.
Ça, c’est la façon dont elle aurait pu être décrite. Avec des faits. Des réalisations. Sans jugements de valeurs.
Mais non.
À LCN comme à QUB radio, on a choisi de la décrire comme une jeune écervelée, comme une fille qui n’a plus rien à cacher, comme une fille qui doit son succès entièrement au fait qu’elle publie des photos d’elle en bikini sur lesquelles on voit ses fesses. Comme une fille insignifiante qui aurait eu recours à des chirurgies esthétiques et qui publierait des photos retouchées.
On pourrait se demander si ces dires sont véridiques, si les personnes qui ont tenu ces propos en ondes ont fait une véritable recherche avant de parler d’Élisabeth Rioux. On pourrait se demander aussi si c’était pertinent ou nécessaire de la décrire de la sorte. On pourrait également se demander si le fait de la dénigrer pour ces raisons ne serait pas une manifestation claire du sexisme ordinaire et de la culture du viol.
Enfin, passons. Comment se fait-il qu’on parle de cette influenceuse dans les médias traditionnels?
Élisabeth Rioux a dénoncé publiquement les comportements violents de son ex-partenaire vis-à-vis d’elle et de leur enfant, sur sa propre page Instagram. Elle a d’ailleurs partagé une photo de son cou et de son menton avec des bleus pour soutenir ses propos et a affirmé avoir déjà porté plainte à la police. Des proches ont également corroboré la situation. Bref, elle a eu le courage d’exposer son histoire de violence conjugale aux yeux de tous et de toutes.
Ça, c’est la façon dont la situation aurait pu être décrite, et encore là, la chronique manquerait de contexte.
On aurait pu se servir de l’histoire de l’entrepreneure pour collectivement aborder la question de la violence conjugale. Spécifiquement en ces temps de confinement, où on le sait très bien, les violences faites aux femmes sont en hausse. On aurait pu parler des organismes qui sont débordés, du fait qu’il manque de places d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale. Mais non.
Dans les médias, on a jugé plus pertinent de parler des fesses d’Élisabeth Rioux, de sa supposée superficialité, de l’impact dit négatif qu’elle aurait sur les jeunes. On a jugé plus pertinent de se moquer du nom de son enfant. On a jugé plus pertinent de parler de son accouchement qui a été filmé.
On a aussi jugé plus pertinent de basher le mode de vie des influenceuses, de remâcher le débat entre médias traditionnels et réseaux sociaux, plutôt que de parler de sa situation de violence conjugale.
L’animatrice, qui se dit habituellement féministe, s’inquiète des valeurs que ces influenceuses pourraient transmettre à nos filles. Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt s’interroger sur les valeurs que les médias traditionnels pourraient transmettre, eux aussi, à nos filles? Parce qu’une survivante qui s’affirme, qui se reconstruit, n’est-ce pas là un modèle inspirant?
Est-ce qu’on ne pourrait pas s’inquiéter plutôt que les seules victimes de violence conjugale qui sont considérées valides par notre société sont celles qui correspondent à notre idée de la « bonne fille »? Est-ce qu’on ne pourrait pas s’inquiéter plutôt du fait que les femmes doivent être des « victimes parfaites » pour être crues? Pour que leurs histoires soient entendues?
Pour mériter le soutien des autres, il faudrait apparemment être habillée modestement, ne pas avoir bu, ne pas en montrer « trop » sur Instagram, ne pas avoir parlé ouvertement de sexualité sur Facebook.
Est-ce qu’on ne pourrait pas s’inquiéter plutôt du fait qu’en publiant des photos de leurs fesses sur Instagram, les femmes deviennent automatiquement étiquetées comme des victimes non crédibles? Parce que c’est le cas d’Élisabeth Rioux. Elle met son corps de l’avant pour vendre des maillots de bain et donc on décrédibilise automatiquement son histoire.
Combien de vagues de dénonciations est-ce que ça va nous prendre pour qu’on arrête d’examiner le passé et les agissements des victimes de violences sexuelles ou conjugales afin de juger de la véracité de leurs témoignages?
« Qu’est-ce que tu publies sur ta page Instagram? » Est-ce que c’est la nouvelle question qu’on pose aux victimes en ajout aux non moins problématiques « Qu’est-ce que tu as porté ce soir-là? » ou encore « Qu’est-ce que tu as fait pour le provoquer et le rendre violent? »
Est-ce que « Qu’est-ce que t’as dit dans ta story? » devient le nouveau « T’aurais dû t’y attendre, avec ton attitude! » Sur quoi les enquêteurs et enquêtrices, les avocats et avocates et les juges vont-ils et vont-elles se baser désormais? Nos comptes Facebook et Instagram vont-ils être fouillés et nos selfies examinés à la recherche de raisons pour remettre en doute nos dénonciations? Est-ce déjà pratique courante? Notre utilisation d’emojis de pêches et d’aubergines pourra-t-elle être citée à la Cour?
Par ailleurs, les plates excuses de l’animatrice n’effacent pas le message envoyé. Le mépris du métier d’influenceuse (une autre dévalorisation d’un travail majoritairement féminin, tiens!), la banalisation de la violence conjugale, la réaffirmation de la culture du viol rendent très difficile la prise au sérieux des victimes, encore plus lorsqu’elles ne représentent pas la « victime parfaite ». Malgré les excuses, ces messages ont été entendus et restent dans les esprits.
Ce que cette animatrice et ses collègues nous disent, c’est qu’en tant que femmes, on ne sera jamais véritablement libres. On ne pourra jamais vraiment porter ce qu’on veut. On ne pourra jamais vraiment dire ce qu’on veut. On ne sera jamais à la hauteur, jamais assez crédibles. Parce que ce ne sont pas les victimes qui choisissent ce qui est acceptable ou non. Ce sont les autres qui choisissent si la violence que l’on subit vaut la peine d’être écoutée. Et ça, ce n’est vraiment pas un message qu’on aimerait transmettre à nos filles.
Parce qu’on n’est peut-être pas toutes influenceuses, mais le continuum des violences faites aux femmes, on sait malheureusement toutes ce que c’est.
Si vous ou une personne autour de vous est victime de violence conjugale, entrez en contact avec SOS violences conjugales.
Les Péripatéticiennes
Co-signée par :
Léa Clermont-Dion, étudiante au doctorat et autrice
Alice Paquet, étudiante en études autochtones
Kimberley Marin, co-fondatrice Québec contre les violences sexuelles
Jessica Prudencio, créatrice de contenu
Blanche St-Pierre, créatrice de contenu pour adultes
Naïla Rabel, comédienne
Charlie Bourdeau, illustratrice
Cassandre Pomerleau, administratrice du Collectif
Catherine Perron, administratrice du Collectif
Charline Robert-Lamy, membre du Collectif
Maude Savaria, membre du Collectif, historienne et archiviste
Laurène Valette, membre du Collectif
Valérie Bellefeuille, membre du Collectif
Garance Bélair-Boileau, membre du Collectif
Océane Pomerleau, membre du Collectif
Jade Pomerleau, membre du Collectif
Léa Champagne-Mercier
Sarah Gouin
Éliane Dussault, candidate au doctorat en sexologie, UQAM
Sarah Beaudoin, autrice et activiste
Magali Bélair-Boileau, étudiante en Beaux-arts, Concordia
Mélodie Lévesque, étudiant.e
Maggie-Anne Samson, étudiante
Esther Painchaud, étudiante en travail social, UQO
Rébecca Morin, Bs. Psy et étudiante en travail social, UQO
Maya Couillard
Dominique Gingras, étudiante en travail social
André Turpin, directeur de photographie
Pénélope Jolicoeur, éditrice
Alice Pagé Vanier, étudiante en sciences politiques, Concordia
Jules Monday, étudiant en travail social
Noémie Bérard-Timon
Stéphanie Kassis, étudiante en travail social UQO
Jérémy Arcand, étudiant
Frédérique Charbonneau, étudiante en travail social, McGill
Thomas Cattaneo, étudiant en psychologie, University of New England
Jade Roy, étudiante en économie et politique, UdeM
Annie Grisé
Faiza Bensouiah, étudiante en travail social , UQO
Valérie Maisonneuve
Emy Langevin Cere, Bs.Psy et étudiante en travail social, UQO
Jessica Carrière, étudiante
Marylène Royer, étudiante
Stéphanie Couture, candidate au doctorat en sexologie, UQAM
Catherine Lapensée, étudiante
Kyla Joseph
Marie-Pier Durocher, intervenante et étudiante en sexologie, UQAM
Isabelle Prud’Homme, étudiante à la maîtrise en géographie, UQAM
Valery Brunelle, étudiante au baccalauréat en travail social, membre du GUTS et élue au conseil de module en TS à l’UQO
Vanessa Giroux, criminologue et intervenante auprès des victimes d’actes criminels
Stéphanie Brown-Richer, étudiante au baccalauréat en travail social, UQO
Élise Beaupré, étudiante en communication
Audrey Gervais, étudiante au baccalauréat en travail social, UQO
Shanel Cloutier-de Grâce, étudiante au baccalauréat en travail social, UQO
Catherine Pageau, étudiante au baccalauréat en travail social, UQO
Marilou Tanguay, conseillère en gouvernance et soutien communautaire
Maxim-Ugo Baribeau, étudiant au baccalauréat en travail social
Sandrine Gagnon, étudiante au baccalauréat en travail social
Mélya Gariépy, étudiante au baccalauréat en travail social à l’UQO
Katia Forget, étudiante en travail social, UQO
Marie-Claude Therriault, étudiante en travail social, UQO
Joëlle Bruneau Beauvais, étudiante en travail social, UQO
Florence Desputeau, étudiante en travail social, UQO
Patricia Monette, étudiante au baccalauréat en travail social, UQO
Antoine Morin, candidat à la maîtrise en géographie, UQAM
Adrien Néret, candidat à la maîtrise en gestion, HEC Montréal
Pascal Drainville, étudiant en travail social, UQO
Érika Laverdière, étudiante en travail social, UQO
Mariane Mayrand, intervenante psychosociale en santé mentale
Amy Lebel, étudiante en travail social, UQO
Audrey David-Lemelin, étudiante en travail social, UQO
Alex Lavallée-D’Amour, étudiant au baccalauréat en géographie, UQAM
Alissia Scheggia, étudiante en travail social, UQO
Sarah Deguire-Morin, étudiante en travail social, UQO
Camille Bergeron-Séguin, étudiante en travail social, UQO
Véronique Durocher, doctorante en communication sociale et membre du GAFUQTR
Cloe Canivet, doctorante en sexologie UQAM
Anne-Julie Lafrenaye-Dugas, PhD sexologie, sexologue et psychothérapeute
Carol-Ann Hobbs, étudiante en éducation, UQTR et membre du GAFUQTR
Carol-Ann Guilbault, étudiante au baccalauréat en travail social, UQO
Mariepier Daneau, étudiante en gestion des organismes culturels, HEC
Geneviève Brodeur, M.A sexologie et étudiante au doctorat interdisciplinaire en santé et société, UQAM
Éliane Lalonde, étudiante en géographie, UQAM
Louis Boivin, étudiant en géographie, UQAM
Jade Cloutier-Leblanc, étudiante en géographie, UQAM
Ariane Rancourt, étudiante en cinéma, UdeM
Mélissa Dauphinais, horticultrice et étudiante en santé mentale, UdeM
Ariane Brisebois, étudiante en scénographie, Concordia
Fanny Melul Astiasarain, étudiante, CDITM
Nolann Chaumont, B.Sc. Sciences environnementales
Miriam Vaillancourt, étudiante en animation et sociologie
Alexe Brisebois, étudiante en communication marketing, UQAM
Elena Dakka, étudiante en communication, McGill
Kelly-Ann Tourangeau, étudiante en gestion et design de mode, UQAM
Korine Tesire, étudiante en sciences infirmières
Zoé Ntumba, étudiante en psychologie, UdeM
Catherine Leblanc, BFA Painting & Drawing, Concordia
Jade Denis, étudiante en média interactif, UQAM
Théo Tremblay, étudiant en Liberal arts, Concordia
Annabelle Podlasiewicz, travailleuse en milieu syndical
Hachemi Habbari, étudiant en sciences politiques et philosophie, UdeM
Mélanie Ederer, étudiante en travail social, UQAM
Sandrine Demers, étudiante
Eve Buissière, étudiante
Michèle Frenette, doctorante en service social, Université d’Ottawa
Julie Pigeon, traductrice
Amélie Barsalou, étudiante au D.E.S.S. en études internationales, UdeM
Mathilde B-P, étudiante en histoire de l’art, Concordia
Naomie Léonard, étudiante au doctorat en études urbaines
Marie-Hélène Dion, infirmière clinicienne
Sophie-Anne Morency, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM
Jeanne LaRoche, étudiante à la maîtrise en études urbaines
Léa Martin, travailleuse culturelle
Alexandre Brisebois, croupier casino Montréal
Fardousa Abdillahi, étudiante en travail social, UQO
Mathilde Baumann, étudiante au doctorat en psychologie, UQAM et M.A. sexologie
Alexandra Dupuy, candidate à la maîtrise en linguistique, UQAM
Sara Tessier-Suarez, étudiante en géographie, UQAM
Catherine Côté, étudiante en psychologie et en droit, UdeM
Annie Pelletier
Louis-Jérôme Belleau
Annabelle Pelletier, étudiante en sciences humaines au Vieux-Montréal
Marie-Léa Thibault, étudiante en communication marketing, UQAM
Marie-Ève Drolet, étudiante en film d’animation, Concordia
Marie-Pierre Angers, rédactrice
Jean-Étienne Ladouceur, étudiant en graphisme à Ahunstic
Valérie Groulx-Feeney, étudiante en psychologie, UQAM
Julie Boivin
Lina Heckenast, étudiante en journalisme
Camille Pépin, illustratrice
Cloé Gratton, étudiante au doctorat en psychologie, UQAM
Nick Paré, étudiant en travail social, UQO
Mary-Mai Laporte, étudiante
Edwige Lafortune, étudiante
Maelle Lazure, étudiante, UOttawa
Norma Berger
Gabrielle Dionne-Legendre
Camille Rousseau
Alyssa Bouchenak
Katherine Messier, étudiante
Élizabeth Larrivée, étudiante
Agathe Louet, étudiante
Camille Leroulley, étudiante
Mégane Laberge, étudiante
Sandrine Chaussé, étudiante en sciences économiques, UdeM
Bianca Potter-Hopf, étudiante en design de costume
Renaud Deslauriers, Bs Psy, étudiant en sciences infirmières, UQO
Marion Larose, doctorante en psychoéducation, UdeM
Geneviève C. Ferron, chorégraphe
Audrey Monette, M.A., consultante en prévention de la violence
Samuel Laberge, étudiant en mécanique industrielle
Florence Ferland
Ève Marcotte
Nathaniel D’Anjou
Laurianne Bonnici, diplômée du HEC
Cassandra Bordeau, Consultante en transformation des ressources humaines
Élodie Plamondon
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