***Lumière sur des femmes inspirantes du passé***
Recherche et rédaction : Maude Savaria – Historienne et archiviste (@msavacou)
Illustration : Garance (@garance_bb)
Les domestiques des Caraïbes (1955-1966)
De 1955 à 1966, près de 3000 femmes noires des Caraïbes viennent s’établir au Canada en tant que domestiques sous le West Indian Domestic Scheme (WIDS), un programme pour les travailleuses immigrantes de cette région. Le WIDS offre à des femmes noires la résidence permanente après un an seulement, sans obligation de rester en service par la suite. Le programme se différencie des lois générales sur l’immigration qui sont racistes jusqu’en 1962 : les personnes non-blanches ne pouvaient s’installer au Canada de manière permanente même si le gouvernement les incitait à venir sous visa de travail temporaire.
Avec une résidence permanente, les femmes noires venues grâce au WIDS peuvent ensuite parrainer leur famille et demander la citoyenneté canadienne (après cinq ans). Les critères du WIDS sont : avoir entre 18 et 35 ans, être célibataire, détenir une 8e année, subir un examen médical et passer une entrevue avec le ministère de l’immigration. Même si on prévoit moins de 100 immigrantes par an au départ, elles sont près de 3000 à venir en 10 ans, principalement à Montréal et à Toronto.
Les promesses du programme sont vite déçues : les conditions sont difficiles. Elles subissent le racisme des locaux, en emploi et en logement, souffrent d’isolement culturel et sont surchargées de travail. Alors que dans leur pays d’origine, il y a une domestique affectée à une tâche, ici, elles doivent s’occuper autant du ménage que de la cuisine et du soins des enfants. Elles travaillent et vivent chez des particuliers et, si certaines sont accueillies comme de la famille, d’autres se retrouvent sans espace personnel, avec un salaire moindre que promis.
Peu d’entre elles restent en service domestique après leur année obligatoire. Plusieurs font des études, notamment en soins infirmiers ou en enseignement. C’est le cas de Jean Augustine, venue de Grenade en 1960. Diplômée de l’Université de Toronto en arts (baccalauréat) et en éducation (maîtrise), elle devient directrice d’école et activiste communautaire, ce qui l’amène à être la première femme noire élue à la Chambre des communes en 1993 et nommée au Cabinet fédéral en 2002.
Pour aller plus loin :
Monique Milia-Marie-Luce, “Crise” de la domesticité au Québec : le recours aux bonnes guadeloupéennes, 1910-1911, Conférence du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal, UQAM, 18 février 2020. https://youtu.be/q8Cc2qCRpNI
Marilyn Barber, Les domestiques immigrantes au Canada, Société historique du Canada, 1991.
BAC-LAC, Thematic Guides : Records of the Immigrationof Domestics,
Agnes Calliste. « Race, Gender and Canadian Immigration Policy: Blacks from the Caribbean, 1900-1932 », Journal of Canadian Studies, 1993-1994.
Bee Quammie, The Black Women Who Helped Build Canada, 18 janvier 2016. https://medium.com/the-establishment/the-black-women-who-helped-build-canada-ed8e08e2dfde
Audrey Macklin, Foreign Domestic Worker : Surrogate Housewife or Mail Order Servant?, Revue de droit de McGill, 1992.
Ethel Tunhogan et Kwentong Bayan Collective, Caregiving Work in Canada, Poster Remember | Resist | Redraw du Graphic History Collective, https://graphichistorycollective.com/project/poster-3-caregiving-work-canada