Illustration : Layloo (@mycrazycolouredmind)
C’est jeudi soir. Je suis déjà au lit aux côtés de mon copain. Je me colle sur lui et je lui donne un bisou sur la joue. Je lui donne un bisou dans le cou et puis sur l’épaule. Je remonte vers sa bouche et je la parsème de baisers. Ma main glisse de son bras à son ventre. Mes mains baladeuses se promènent de haut en bas de son torse. Puis une aventure vers le haut des cuisses. L’autre tente de se positionner sur une fesse. Je continue de le bécoter sur le visage. Ma main remonte pour lui toucher les cheveux, l’autre se glisse entre ses cuisses… Dans ce moment d’intimité que j’ai créé, j’espère qu’il va me retourner mon affection. Mon corps aussi a envie d’attention. J’ai envie de mains douces sur mes fesses, de bisous partout sur mon corps et d’amour. Ce que je souhaite, c’est de vivre un moment d’intimité. Ce que je ne veux pas, c’est une relation sexuelle.
Est-ce que je suis en train de teaser mon copain? Est-ce que je risque de l’exciter en étant aussi entreprenante? Je répondrais non au premier et oui au deuxième. Je crois que mon désir de vivre un moment attentionné et dirigé vers nos corps n’est simplement qu’un set up à une intimité propre à nous, même si je suis très consciente du fait que je risque d’éveiller un désir sexuel dans ma quête de proximité émotionnelle.
C’est là que la ligne est fine! En quoi est-ce que la sensualité que je me permets de faire naître entre mon copain et moi n’est pas intrinsèquement reliée à une quête vers le sexuel? Je m’explique. Je ne suis pas une personne particulièrement sexuelle. En fait, je me considère demi-sexuelle, ce qui signifie que je n’ai de l’attirance sexuelle qu’envers la personne que j’aime (*dans mon cas, le terme est vaste et englobe plusieurs réalités). Il est facile pour moi de séparer une envie sexuelle d’une envie d’intimité ou de sensualité simplement parce que je n’ai presque jamais envie de sexe (une fois aux supers pleines lunes ça compte-tu comme presque jamais?). Sans tomber dans des définitions de dictionnaire, je voudrais quand même décortiquer ce que chacun de ces concepts représente pour moi.
Premièrement, l’intimité est un signe de proximité, de profondeur des sentiments. Je vis cette intimité avec mon copain en dormant nu.e.s. En prenant des bains ensemble face à face. En dansant seul.e.s dans le salon. En partageant des fous rires sur des insides biens à nous. Pour moi, l’intimité est un concept parapluie qui englobe l’amitié, l’amour, la sensualité et la sexualité.
Alors la sensualité n’est pas inconnue à l’intimité, mais ne représente qu’une facette de celle-ci. Techniquement, la sensualité c’est le plaisir des sens. En réalité, ce sont les massages de fins de soirées. Ce sont aussi les bains ensemble où je suis couchée sur son corps. Ce sont les douches où nous sommes enlacé.e.s pour partager l’eau chaude qui coule. Ça se métamorphose aussi en french intenses. Tant que je suis aux aguets pour bien percevoir les sensations physiques, ça se qualifie pour moi de sensuel.
Où il y a pour moi une coupure claire, c’est dans la sexualité. Si une relation sexuelle comprend et intimité et sensualité, ce qui la distingue réellement est le désir. Jusque-là, le désir sexuel n’est pas venu cogner. Chez nous, il est rarement invité, mais c’est plus facile pour mon copain d’accueillir la visite. Et c’est à ce moment que ma quête vers une expression d’amour innocente en vient à être chavirée par les attentes sexuelles de mon partenaire, comme les gestes peuvent être interprétés différemment.
C’est pourquoi quand mon copain devient bandé, je ne peux plus autant apprécier le moment présent. Alors que je souhaite recevoir des caresses douces et tendres de l’homme que j’aime, je fais face à des craintes que nos câlins virent sexuels. Puis je crois que c’est normal que cette corrélation existe. Un bain peut être intime, sensuel ET sexuel selon la façon dont tu vis le moment. Et comme les premières fois que j’ai pris un bain avec mon copain, on a fini par faire l’amour dans son lit, ben le lien entre les deux s’est créé.
Alors, quatre ans plus tard, le toucher passe vite de sensuel à sexuel. Il y a une habitude qui s’est installée au fil des années, à interpréter certains gestes comme étant des signaux que l’autre souhaite diriger le partage d’intimité vers une relation sexuelle. Oh, elle m’a touché le pénis, elle est sûrement excitée. Ah, il m’a touché la vulve, il veut sûrement faire l’amour. Cette progression des événements est devenue naturelle pour nous, comme pour de nombreux couples probablement. Les caresses au lit sont une voie directe vers les relations sexuelles.
En fait, ce qui arrive c’est que j’ai internalisé, tout comme lui, que le contact physique devait certainement mener à une relation sexuelle. À force de constamment voir l’intimité, la sensualité et la sexualité comme un trio du McDo, j’ai appris à accepter que le coke, les frites et le BigMac ne peuvent plus vivre l’un sans l’autre. J’interprète les gestes sensuels comme un signe de désir et d’excitation de mon partenaire. Parfois, ils le sont, mais d’autres fois, ils ne le sont pas!
Par contre, il est encore vrai que quand je le touche ou que je me colle sur lui, je cherche une certaine intimité, et même de la sensualité, mais cela n’est pas synonyme pour moi de sexualité. Alors, même si j’arrive à mettre en mot le fait que je veux me sentir aimée physiquement sans aspect sexuel, c’est difficile à mettre en pratique.
Il nous arrive parfois de nous sentir brimé.e.s par nos propres gestes, et ça devient lourd en fait. Il y a souvent un stress de se faire mal comprendre en se touchant ou en initiant des caresses. La majorité du temps on ne cherche qu’à s’aimer, mais les sous-entendus associés à certains gestes sont difficiles à ignorer, tel que caresser les organes génitaux de l’autre. Il faut déconstruire notre compréhension de ce qu’est le consentement dans notre couple et apprendre à dire oui et non. Car il peut être difficile en réalité de dire non alors que dans la même situation par le passé, tu avais dit oui. Quand j’ai dit oui à ce qu’il me touche le clitoris dans le bain la semaine passée, ça veux tu dire qu’il a acquis ce droit? C’est stupide, mais je suis sûre que je ne suis pas la seule qui se pose des questions comme ça! Le consentement c’est simple. Pourtant, dans un couple, on dirait que ce l’est beaucoup moins. J’ai cette crainte d’envoyer des signaux mixtes, alors j’essaie d’être le plus transparente possible avec mon copain, de m’ouvrir à lui assez souvent à propos de ma sexualité.
Ce que j’ai appris dans ma relation, c’est qu’il vaut mieux trop communiquer que pas assez. Il vaut mieux se répéter jusqu’à ce que le message soit passé. Facque j’ai déjà eu des discutions avec mon copain du genre :
– Heille, je voulais juste te dire que c’est pas parce que je te touche le pénis que j’ai envie de toi.
Ou encore :
– J’aime full ça que tu joues avec mon corps, que tu me caresses les fesses, que tu embrasses mes seins, mais j’ai pas toujours envie que ce soit perçu comme un signe d’excitation ou de désir…
Et il me renvoie la pareille :
-C’est pas parce que je veux que tu joues avec mon pénis que je veux faire l’amour.
Comme quoi, les deux on souhaite se faire toucher sans allusion au sexe! À force de parler de nos désirs ouvertement, il y aura moins de malentendus et plus de plaisir. Parfois, j’ai juste besoin d’un toucher doux et sensuel pour combler un petit vide. J’espère que bientôt, mon copain et moi réussirons à déconstruire les acquis de notre passé pour faire plus de place à la sensualité!
Je vous souhaite des petits bisous et des mains réconfortantes.
Princesse Chihiro
Princesse Chihiro, jeune femme d’affaires accomplie, enthousiaste des sports et fanatique du continent asiatique, elle voudrait donner une voix à celles.ceux qui ne peuvent pas se le permettre et est horrifiée lorsque les survivant.e.s d’agressions sexuelles ne sont pas pris.e.s au sérieux. #metoo
Pour lire le dernier article de Princesse Chihiro – La voix de la grossophobie internalisée – c’est ici!
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