Illustration: Alice (@halissss)
Combien de victimes devront témoigner, dénoncer, porter plainte? Se souvenir de la couleur des rideaux de la chambre où on les a agressées. Le sens de la poignée de porte. Tous ces détails exigés aux victimes qui témoignent à la cour. Tout ça, pour éviter que les agresseurs fassent de nouvelles victimes. Pour « obtenir justice ».
Combien de plaintes et de poursuites judiciaires mènent à fuck all? Le doute raisonnable de douter des femmes, parce qu’on est douteuses et déraisonnables. Parce que dans notre société présumée égalitaire (j’ai un doute raisonnable là-dessus), nous, les femmes, on sera toujours menteuses jusqu’à preuve du contraire.
Agresseur présumé ou menteuses présumées ? Parce que l’opinion publique semble beaucoup mélanger ces deux points de vue. Pourquoi t’as pas porté plainte plus tôt ? Pourquoi tu te souviens pas de détails ultras précis dont personne ne se souviendrait dans un état de choc traumatique, hein?
En fait, les gens ont toujours quelque chose à dire. On est des aguicheuses. On l’a cherché. Pauvre coco, il pouvait pas savoir (même s’il n’a pas daigné s’y intéresser non plus, hein). On fait juste ‘’changer d’idée’’ le lendemain. Pis on porte plainte, parce que, t’sais, on veut juste du cash. Parce que c’est bien connu, nous autres les femmes, notre passion préférée, c’est de ruiner les carrières des hommes célèbres.
Ah oui, je suis certaine que les survivantes ont crissement du fun à porter plainte pour de faux, hein.
« Salut, moi c’est Daria. Mes passions, c’est le magasinage, les longues promenades sur la plage et … passer à travers le processus judiciaire pour une plainte d’agression sexuelle *qui est même pas vraie* dans l’objectif de me faire blaster sur la place publique par mon entourage et des milliers d’usagers en ligne. »
Y’a rien de logique dans la réaction des gens qui veulent pas croire les victimes. C’est juste une grosse dose d’himpathie (empathie envers lui, l’agresseur présumé être de bonne moralité).
Dites-le donc que vous vous en câlissez que les hommes agressent les femmes à la pelletée. Dites-le donc que vous voulez pas que ça change. Qu’on continue à avoir peur de vous. Peur de notre propre réaction, parce qu’on a figé la dernière fois que c’est arrivé. Fuckin peur tout le temps, parce que notre propre corps nous appartient pas vraiment. À cause de vous autres.
Y’en a qui parlent d’éducation à la sexualité. Pis si pour moi, l’éducation sera toujours essentielle, il reste qu’en tant que société, on passe à côté de la carte si on prétend que c’est juste un problème de manque d’éducation chez les hommes. Comme si les hommes étaient des caves qui savaient pas que ça se peut que ça nous tente pas de coucher avec eux autres. Je suis désolée. I’m sorry. Lo siento. Mais j’y crois pas vraiment.
Nope. J’étais au primaire et je savais déjà qu’y avait des gars qui pourraient me faire des attouchements. Que j’avais le droit de dire non. Que si y’avait un homme louche qui m’approchait dans le parc pour m’offrir des bonbons ou me montrer son chien, je devais m’enfuir en courant. Au secondaire, même chose. Mes parents qui me rappelaient de surveiller mon verre si j’allais dans un party. Que j’avais le droit de dire non (oui je l’ai entendu souvent). Que si je me sentais pas en sécurité, je pouvais les appeler à n’importe quelle heure et qu’ils allaient venir me chercher.
Qu’un homme qui a un minimum de bon sens voudra pas coucher avec moi si moi ça me tente pas. Toutes des paroles de mes parents, en passant.
Combien de fuckin de fois j’ai entendu la phrase « Sans oui, c’est non ». Les gars aussi l’ont entendu. Par nos professeurs, dans la vidéo de la tasse de thé, dans nos plans de cours au cégep ou à l’université, à la télé, à la radio, sur les réseaux sociaux. Fuckin partout.
Moi le seul résultat que j’ai vu, c’est de m’être fait harcelée jusqu’à ce que je dise « oui ». Et dès que je cédais et que je finissais par dire un oui (un peu forcé), c’était chill, on pouvait « enfin » avoir une relation sexuelle. J’aurais aimé ça, moi, pas avoir une vision fucked up de la sexualité, où je dois pas me forcer à coucher avec mes partenaires, parce que j’ai peur d’être le stéréotype de la fille coincée qui fait l’étoile.
Mais bon, ça doit juste être un problème de manque d’éducation? Il faut de l’éducation pour se préoccuper de ses partenaires? Pour s’assurer qu’iels se sentent bien avec nous?
Les agresseurs savent trop bien ce qu’ils font. Ils le savent qu’ils font de la coercition sexuelle, ils le savent qu’ils agressent sexuellement. Ils le savent qu’ils violent des personnes. Le problème, ce n’est pas qu’ils ne savent pas qu’ils sont des agresseurs. Le problème, c’est qu’ils s’en foutent. Le problème, c’est leur entitlement envers le corps des femmes et des personnes assignées femmes à la naissance.
Pour eux, c’est comme si nos corps et notre disponibilité sexuelle étaient des ressources qui leur étaient dues. Comme si dans leur tête, on n’existait que pour leur propre plaisir personnel. L’important, c’est qu’on comble leurs envies. On leur « doit » d’être belles et accessibles sexuellement en tout temps. Et si on est en couple avec eux, c’est la même histoire. Le devoir conjugal, ça existe bel et bien en 2022.
Fait que ouain. Ils le savent qu’ils nous ont agressées sexuellement, c’est juste qu’ils aiment pas se le faire mettre dans la face. Parce que c’est pas le fait d’avoir traumatisé des filles, d’avoir violé leur intégrité physique ou psychologique (ou de les avoir violées tout court, hein), qui les dérange.
Non. Ce qui les dérange vraiment, c’est de subir les conséquences de leurs gestes (genre leur pauvre carrière d’ingénieur innocent, dans le mauvais sens du terme). Et le jugement des autres qui peut aller avec.
J’ai de la misère à voir les agresseurs comme autre chose que des enfants qui sont frus d’avoir été pris en flagrant délit par leurs parents. Mais qui auraient recommencé si leurs parents avaient eu le dos tourné.
Encore là, peut-être que c’est juste moi qui est blasée. Peut-être que les agresseurs sont réellement nuls émotionnellement et que l’éducation va magiquement faire en sorte qu’ils vont devenir empathiques envers les femmes et les autres minorités de genre.
Peut-être que sans éducation, ils sont pas capables de figurer que c’est pas cool violer quelqu’un.e. Je sais pas. Est-ce qu’on est à ce point déshumanisées ? Au point qu’on doit les convaincre que c’est pas cool nous violer ? Genre, ils nous voient-tu comme des personnes à part entière? On peut-tu ne pas avoir à prouver notre fuckin humanité pour que les gars décident d’arrêter de contribuer à la culture du viol ?
Pas besoin de me dire que les gars sont pas tous de même et blablabla. Je le sais déjà. Mais si vous êtes des gars nices et tout, arrêtez donc de tolérer vos amis creepy et callez-les out vous-mêmes. Vous pouvez même vous faire un podcast pour ça, si ça aide (vous aimez tant ça, dire des niaiseries devant un micro…). C’est pas notre job de devoir vous gérer.
Prouvez-nous donc que vous êtes pas des enfants qui ont peur de se faire pogner. Prouvez-nous donc que vous êtes capables d’avoir de l’empathie pis de prendre des décisions rationnelles quand ça implique l’intégrité psychologique et physique de quelqu’un.e d’autre que vous autres.
And we’re supposed to be the emotional ones…
Daria
Étudiante en relation d’aide, Daria change de couleur de cheveux plus souvent qu’elle renouvelle sa passe d’autobus. Elle a soif de justice sociale et d’équité entre toustes en plus d’être drivée par les concepts de charges sexuelle et émotionnelle des femmes (cis ET trans). P.S. : sa Totally Spies préf, c’est Clover.