Illustration : Layloo (@mycrazycolouredmind)
J’ai une moustache. Pis osti qu’elle m’a complexée cette moustache. Depuis le secondaire 1, il me semble. Ça m’obsédait tellement que je la remarquais chez toutes les personnes que je rencontrais. Ah, chanceuse Magali, elle c’est assez blond et pas trop velu. La pauvre Arianne, elle a juste quelques poils, mais telleeeeement foncés! Ah ben crisse! Coralie, elle, a pas pantoute de pilosité faciale (exception faite des sourcils).
À l’école, les gars se moquaient souvent des filles qui avaient plus de pilosité faciale que la « normale ». Eille Myriam, t’as plus de moustache que moi! Avez-vous vu Valérie? On dirait un vrai gorille! Avec du recul, j’me dis qu’ils devaient être juste ben ben jaloux de pas en avoir encore. Parce que duuuuuuuh poils égale virilité! Et tant qu’à y être aussi, duuuuuuh virilité égale homme. Bref, c’était des commentaires tout simplement cruels. J’avais tellement peur qu’on parle de moi dans mon dos comme « la fille à la moustache », qu’une fois rentrée à la maison, je suppliais ma mère de me laisser me faire épiler ces satanés poils qui décoraient les coins de ma bouche. Rien à faire.
Et les moqueries continuaient. Elles ne me visaient jamais directement, mais ô comme je me sentais concernée. Sauf que, pour une des rares fois de ma vie, je restais muette comme une carpe. J’aurais voulu défendres mes amies ou les autres filles, mais à ce moment là, j’étais beaucoup trop terrorisée d’être la victime de ces insultes, pour faire un geste aussi noble. Je marchais la tête basse et j’espérais ainsi sauver ma peau.
Après beaucoup de discussions ou plutôt plusieurs complaintes-existentielles-très-très-insistantes à la maison, ma mère a finalement partiellement cédé, et nous avons commencé à me bleecher (décolorer) la moustache. Une solution des plus temporaires. OK, y’a beau être blond le poil, mais il est là pareil, on le voit encore! Sans compter qu’il finit toujours par retrouver sa maudite couleur naturelle! Je ne me sentais pas tout à fait à l’abri des regards.
Un jour, j’ai fini par gagner mon combat! Enfin, j’allais pouvoir me débarrasser de ces indésirables mauvaises herbes! Mais à quel prix? Ha. Ha. Ha. La douleur d’une épilation de la moustache, ou lèvre supérieure (parce que heureusement, chez l’esthéticienne, on a des termes moins humiliants pour décrire notre pilosité faciale) est de loin la plus atroce de toutes les douleurs liées à l’épilation. Oui, fille. Tu pleures aussi rapidement (et automatiquement) que si tu venais de recevoir un ballon de soccer en pleine yeule. Sans compter qu’après, ça laisse une trace toute rouge. Plein de petits picots où les poils ne sont finalement plus. Autrement dit, ça donne pas plus le goût de sortir en public parce qu’une moustache rouge aura remplacé la moustache de poils.
Mais quel soulagement, le lendemain, d’aller à l’école. Je me sentais attirante, belle et surtout tellement en confiance. Fini le temps de me sentir overconscious de mon corps! Sauf que… Mauvaise nouvelle, ça repousse du poil. Et c’est comme ça que le cycle sans fin de l’épilation de ma moustache a débuté. Une séance d’épilation, suivie d’une semaine de pure joie et d’empowerment. Puis, une deuxième semaine où les repousses commençaient à apparaître, sans pour autant être assez longues pour être arrachées de nouveau. En résultait un sentiment grimpant de malaise et de dégoût envers moi-même jusqu’à… la prochaine épilation. Répétez.
Et, à un moment donné, il y a un garçon qui est entré dans ma vie. Ça fait qu’il était plus ou moins au courant de mes allées et venues chez l’esthéticienne. Un jour de grand soleil, alors que nous étions sur le point de nous embrasser tendrement, il m’a fait une déclaration des plus romantiques : Eille! On dirait que t’as du poil de moustache! J’ai ravalé mes larmes et rétorqué un : Ouin j’sais, pis? avec un regard de suffisance en prime.
En réalité, j’avais envie de tout brûler autour de moi. Ça faisait à peine deux jours que j’étais allée chez l’esthéticienne. J’M’EN DÉBARASSERAI DONC JAMAIS!?!?!?!??! J’en voulais au ciel, à l’esthéticienne, à la génétique de mes parents, bref, à tout le monde. Étais-je vouée, malgré tous mes efforts, à être hideuse pour toute la vie?
Pourquoi je vous raconte tout ça? Parce qu’il y a environ cinq mois, j’ai tout simplement cessé de m’épiler. De partout. Oui, oui. J’ai laissé libre cours à mes poils pubiens, à mes poils d’aisselles, à mes poils de jambes, à mes moins délicats sourcils et surtout à mes gracieux poils faciaux. Oui, moi, personne angoissée par ses poils, j’ai réussi à me sortir du cycle de l’épilation sans fin. Yes we can! Et savez-vous quoi? Je vis bien avec cette décision (bon, I must admit, c’est plus facile aussi durant l’hiver). D’ailleurs, c’est un changement qui a été fort positif dans ma vie : j’ai beaucoup plus d’argent dans mes poches et pas de gestion de poils à faire du tout!
Car, quand on y pense, est-ce qu’une femme avec des poils c’est foncièrement laid, où c’est plutôt ce qu’on nous apprend depuis l’enfance? Je crois tout simplement que si on avait plus de modèles différents, plus de personnes s’assumeraient avec des pilosités différentes. Ça fait que aujourd’hui, j’ai envie de remercier une femme en particulier, pis c’est Manon Massé. Merci d’apporter une nouvelle forme de représentativité au sein d’une instance aussi rigide et protocolaire que l’assemblée nationale! Merci de ne pas te plier à cette vision essentialiste de la « vraie femme » et de continuer, malgré les commentaires dégradants de plusieurs personnes, à tout simplement, faire ton travail.
Et maintenant, WARNING. Si, toi, fille, ça te rend bien dans ta peau de t’épiler, de te raser ou encore de te payer une session d’électrolyse, you go girl. Rien de mieux qu’une femme ou une fille qui se sent bien dans sa peau. Sauf que, ne reproche pas à une autre femme de ne pas l’être ou de pas être « présentable », parce qu’elle ne s’occupe pas de ses poils comme tu le fais.
Manon Massé, you the best xoxoxox
Peace out,
Médusa
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – La fellation – c’est ici!
Allo! Merci pour ce texte! La beauté d’une femme ne se mesure pas à sa pilosité!
Bonjour Marc-Antoine,
Merci d’avoir lu avec attention notre texte! Nous t’invitons à lire notre autre article « Maudits poils ». Et nous sommes tout à fait d’accord avec ton commentaire! 🙂
Coucou !
Aujourd’hui marque mon 8ième mois d’arrêt d’épilage. Fini la peur de la repousse, la quête du poil incarné et la torture lorsqu’on m’arrachait au final, une partie de moi-même.
Je n’irai pas à dire que je les trouvent beau, mais je les acceptent, comme j’accepte mes yeux verts et mes cheveux châtains. J’ai des poils, ils sont là, c’est tout. Pourtant je n’ai pas de moustache, je n’ai jamais dû endurer ce que tu as vécu. Alors je passe ici pour te dire bravo. Tu as du courage d’assumer tes poils et de laisser ta moustache voler au vent, tu dois être super belle puisque tu n’as pas peur d’être toi avec tes poils.
Je te souhaites de continuer à faire ça, de t’accepter peu importe, même si un jour tu te décides à te re-épiler. (je ne sais pas pour toi, mais moi j’ai fait des petites rechutes dans le genre : hup, je me rase l’aisselle à Noel parce que je ne supportes pas le regard de ma famille…)
Bonjour Vivinnes! D’abord bravo! C’est vrai que la phase d’acceptation des poils n’est pas toujours facile. Après tout, on se fait constamment envoyer des message comme quoi ils sont laids. C’est certain qu’on est pas à l’abri d’une rechute, mais je crois que l’important dans tout ça c’est de s’accepter comme nous sommes 🙂 Je te suggère également la lecture de notre texte « Maudits poils » ! 😉