Illustration : (@viraesworks)
J’ai dépassé la métaphore du fond du baril depuis un esti de bout.
C’est moi le puit, pis le sceau touche le fond en criss.
Je suis à sec.
Je me lève le matin, j’ai l’impression d’être au bout de ma journée. Je marche vers le travail mais j’ai l’impression d’en revenir.
Je m’assois à mon bureau et j’ouvre mon ordi comme une robot, pis je fixe mes globes oculaires sur l’écran. Mais je vois rien. Décrocher le téléphone me demande un effort colossal.
Je suis à sec.
Je pense avoir déjà vécu des moments vraiment difficiles, de manière semblable. Je me souviens de l’année où je travaillais 15h par semaine à une job vraiment moyennement motivante, toujours seule dans un petit bureau pas d’fenêtres en plein milieu de mon université. J’essayais de rendre ça cute comme place, mais je me traînais jusque là deux-trois fois semaine pour organiser des événements dont presque tout le monde, profs, étudiant.e.s et mes employeur.e.s inclus, se crissaient solide. Tout ça sans collègues avec qui parler, échanger des idées. J’étais contente en esti quand la fin de mon contrat est arrivée. Moi qui a toujours de la misère à laisser un emploi sans tout bien organiser pour la future personne, je peux-tu te dire que j’ai droppé ma clé pis que je suis jamais retournée dans ce petit coin perdu de l’uni.
Je me souviens d’avoir travaillé sur une campagne politique, dans un poste de responsabilité, et avoir été tellement overwhelmed par le travail à faire que j’allais dans la cour du local électoral pleurer et hyperventiler un bout (à défaut de pouvoir pousser un grand cri, on était quand même en pleine ville).
Mais je me rappelle pas ne pas être capable de faire mon travail, ou me sentir si horriblement pas compétente. Dans le deuxième cas, les collègues ont été un soutien indispensable, et l’impression qu’iels étaient avec moi, tout comme le savoir de participer à quelque chose de plus grand que moi, m’ont poussée dans le cul assez pour finir la campagne avec ma santé mentale presque intacte (ça dure pas trop longtemps, heureusement). Dans le premier cas, j’ai procrastiné en criss et probablement slacké un peu vers la fin (je pense pas que mon rapport final était superbe, soyons honnête), mais de l’extérieur je pense que j’ai gardé l’air de faire une bonne job.
Là, c’est un autre level mettons. C’est comme si j’ai pu aucune confiance, et par le fait même pu de résilience. La moindre erreur (ce qui, let’s face it, arrive tout le temps, on est humain.e.s après tout) me décrisse solide. Je me trouve pourrie, je deviens pas fonctionnelle, j’ai besoin de sortir respirer vraiment fort en fumant une clope (très bon mix, je vous le recommande pas), et chaque fois ça m’arrache un bout de coeur. À la fin de la semaine, je me sens comme une zombie. Je dors et je fais rien toute la fin de semaine, puis je me fais croire le lundi que mon énergie est renouvelée. À la première erreur, à la première embûche ou au premier problème, je retombe. Et le cercle recommence.
Je suis à sec.
La plupart du temps, j’ai l’impression que je tiens à peine ma tête hors de l’eau. À certains moments, le cercle infernal me prend à la gorge solide. Et comme j’ai de la misère à travailler, que j’ai de la difficulté à finir une seule tâche, que ma concentration est boboche, ben je fais plus d’erreurs. Et je me pardonne moins mes erreurs, je les prends comme un reflet de mon incompétence dans mon emploi. Je me mets à penser que je suis juste… pas assez bonne pour faire la job que je fais.
J’essaie de me dire que c’est pas que je suis complètement worthless, juste que je suis pas la bonne personne pour faire cette job-là. Mais je suis en train de négocier avec moi-même du niveau d’incompétence que j’ai, plutôt que de me tirer vers le haut.
Je suis à sec.
Me semble que j’avais plus de résilience avant. Me semble que je dormais moins, travaillais plus, mangeais moins bien et que je m’en tirais mieux quand j’étais, mettons, à l’université. Je pense que ce que je faisais me paraissait moins important (c’est pas les travaux d’uni ou ma job au Starbucks qui allait faire la différence dans la vie des gens tsé), ou peut-être que je vivais juste mieux la pression que je me mettais, et que je me mets encore. Là j’ai l’impression que le verre est vide.
Je suis à sec.
Je sais pas comment reprendre de la force. Je sais pas non plus comment finir ce texte. Peut-être en disant que ça me fait du bien de l’écrire et de l’envoyer dans le monde comme un ballon. Et en disant que je tente vraiment fort de prendre soin de moi, et que je cherche le soutien nécessaire. J’essaie de me sauver avant d’empirer, avant d’être incapable de faire quoi que ce soit, avant le burn out. Ce dont j’ai vraiment peur, parce que je suis crissement à sec.
La Perdrix
Candidate à la maîtrise et militante féministe, La Perdrix est une jeune femme qui adore être en mode occupée tout le temps. Forte et fragile à la fois, elle peut déménager tes meubles et pleurer en lisant un livre. Rien ne lui fait plus plaisir que de défier des stéréotypes, ou voir quelqu’un renverser des idées préconçues.
Pour lire le dernier article de La Perdrix – M’étreindre aux petites heures du matin– c’est ici!
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