Illustration : Charlie (@CharlieBourdeau)
Tu connais le stéréotype? Que les couples de femmes lesbiennes ou bi arrivent à leur première ou deuxième date avec le contenu de leur appart dans un camion de déménagement, prêtes à emménager avec leur nouvelle blonde directement? On dit qu’on Uhaul. On lie nos vies très vite, ou du moins bien plus vite que des couples hétéro ou d’hommes cisgenres.
J’ai publié sur Instagram une photo de mon macramé sur le mur de chez ma blonde, en disant « Nouveau chez moi, tranquillement ». Une personne m’a écrit « Lol t’as tellement Uhaul! Vraiment content.e pour toi though » et j’ai pu juste répondre « oui, j’ai 100% Uhaul haha », et « merci, c’est le bonheur » !
J’ai chuchoté à l’oreille de ma blonde quelques heures après « Je suis vraiment contente d’avoir Uhaul chez vous » et comme on se parle souvent en chanson à répondre, elle a dit, « Je suis vraiment contente que tu aies Uhaul chez moi ».
Je lui ai dit « Je suis vraiment bien, je capote sur toi » et elle m’a dit « Je suis vraiment bien, je tripe sur toi ».
L’autre nuit, collée, je me suis mise à me formuler une phrase dans ma tête, et lorsque la syntaxe m’a apparut correcte, j’ai pu lui dire; « Je veux pas dire que t’es ma moitié, parce qu’on est deux personnes complètes, et tout. Mais à voir comment nos cœurs, nos corps et nos vies fittent ensemble, c’est dur de ne pas dire qu’on est comme deux pièces de puzzle qui se sont trouvées ».
Pourquoi si vite? Pourquoi ça m’a pas fait capoté tant que ça, moi qui pourtant n’a jamais habité en couple, de prendre mes plantes et mon chat (et mes effets personnels lol) pour changer de quartier? Surtout, pourquoi, comme plein d’autres femmes avant, après et autour de nous, on bouge aussi vite?
Sur le Uhaul en général comme pour moi personnellement, j’ai la même théorie. Quand tu es vraiment franche, ouverte et t’as une correcte, pas pire ou grande intelligence émotionnelle, tu peux te permettre de bouger vite. Je sais qu’on pourra avoir des problèmes ou des désaccords plus ou moins importants. Mais on sera capables d’en parler, on est capable d’en parler. Si on reste en communication même quand c’est dur, je peux nous voir traverser plein de tempêtes, quoique je nous en souhaite le moins possible.
Lorsque deux personnes dans la relation sont socialisées femmes, ben les deux sont peut-être bien socialisées à régler leurs conflits, à partager des émotions, à vouloir en parler, etc. Évidemment, y’a des exceptions, je parle de socialisation. Je dis pas que de manière « naturelle », les personnes assignées femmes à la naissance seraient des pros de gestion des émotions.
Mais les femmes apprennent à l’être en grandissant, on nous force en quelque sorte à acquérir de l’intelligence émotionnelle, et honnêtement ça nous prépare à gérer les émotions des hommes autour de nous. J’ai grandi en voyant ma mère le faire pour mon père. L’amener à parler, à consulter, à les gérer mieux… Et j’ai fait ça aussi, dans une relation précédente, même si je me suis dit que j’accepterais jamais de tenir ce rôle de médiatrice, de conciliante, de psy. Calmer de la colère, rassurer des pleurs, marcher sur la pointe des pieds autour de sujets comme l’antiracisme ou le féminisme… Là, j’ai l’impression d’être en couple avec une personne qui gère ses shits autant que moi, sorry les boys (j’entends déjà le #notallmen, oui fine, mais comme d’hab, #yesallwomen en relations avec des hommes ont dû gérer ça).
Dans ce contexte, pourquoi attendre pour habiter ensemble, right? Pourquoi se dire dans trois mois, si ça va toujours aussi bien? Dans six mois, si c’est toujours aussi beau? Dans un an, si c’est toujours le bonheur?
C’est le bonheur, c’est l’amour et ça va bien maintenant. J’ai envie de rentrer chez moi et que ce soit chez nous deux, là là, pas dans trois mois, six mois, un an. Si ça va pas bien dans trois mois, on gérera. Si dans six mois on se chicane, on réglera. Je vois pas non plus pourquoi j’essaierais d’imaginer ce qui arriverait si on s’aimait plus dans un an. On s’aime, je l’aime, je l’aime avec tendresse et avec fougue, je l’aime le matin et la nuit et le midi. J’aime ses éternuements et j’aime sa cuisine et son chat et ses yeux. J’aime sa déco et sa voix et son sourire et ses meubles.
Donc j’ai Uhaul. #Aucunregrets
La Perdrix
Travailleuse dans le milieu communautaire et presque détentrice d’une maitrîse en études féministes, La Perdrix est une jeune femme qui adore être en mode occupée tout le temps. Forte et fragile à la fois, elle peut déménager tes meubles et pleurer en lisant un livre. Rien ne lui fait plus plaisir que de défier des stéréotypes, ou voir quelqu’un renverser des idées préconçues.