Illustration: Charlie (@CharlieBourdeau)
J’ai commencé à m’intéresser au polyamour au début de la vingtaine, alors que j’étais dans ma première relation amoureuse. Relation qui était 200% monogame, pas pratique, on s’entend. Mon partenaire de l’époque n’était pas du tout intéressé à explorer cette avenue, alors que ma curiosité grandissait de plus en plus… J’ai commencé par lire sur le sujet (The Ethical Slut étant une de ces lectures), et par m’informer sur les différentes configurations de relations, les façons saines de gérer les insécurités et la jalousie, bien communiquer, bien gérer son temps, etc. Plus je lisais sur le polyamour, plus ça résonnait. Et ça me troublait un peu, parce que je réalisais petit à petit que la monogamie n’était peut-être pas adaptée à mes besoins.
Ça devenait délicat quand il y avait des mismatchs entre mes désirs et ceux de ce premier copain pro-monogamie, que ce soit le fait de se coller ou d’avoir du sexe. En voyant à quel point on était à l’opposé moi et mon premier chum, j’ai découvert que j’étais demi-sexuel.le. J’avais des (parfois longues) périodes où je n’avais pas d’envies du tout sexuellement parlant, et ce n’était pas nécessairement bien reçu. Je devenais vraiment frustré.e de sentir toujours une pression de devoir lui plaire même quand ça me tentait pas, comme si c’était écrit dans le contrat de notre couple. Vive l’hétéronormativité toxique han! Alors bon, j’pense que c’est assez clair pourquoi ça n’a pas duré cette relation-là!
Après ça, j’ai eu besoin d’un changement, de me virer à 180 degrés, et c’est là que le polyamour s’est pointé dans mes descriptions de profil sur les sites de rencontre.
Ma première expérience polyamoureuse était avec un partenaire que j’ai rencontré via une application. On a commencé notre relation amoureuse direct dans le polyamour. On avait pas de règles strictes, on était libres d’avoir les relations et les expériences qu’on voulait, tant qu’on s’en parlait librement et que, bien sûr, on gardait du temps pour notre relation. La règle du fais ce que tu veux, mais j’veux pas le savoir, ça marchait pas avec nous. On avait vraiment les mêmes besoins : de s’engager émotionnellement et d’être honnête sur toute la ligne. Je suis de nature insécure, donc si je sais pas ce qui se passe, je freak out solide! Je m’imagine plein d’affaires, genre que ma.on partenaire voit un million de personnes plus intéressantes que moi, même si je sais que c’est pas réaliste pantoute. Et pour désamorcer la bombe, je sais aussi que ça me prend énormément de transparence. J’étais conscient.e que c’était un challenge mais je me sentais prêt.e à le relever parce que j’avais l’intime conviction que cela en valait la peine.
Pour dire vrai, j’aimais vraiment ça que mon partenaire me raconte ses dates et ses aventures, avec juste ce qu’il faut de détails croustillants, mais en tournant un peu les coins ronds des fois pour pas me mettre trop mal à l’aise. Il faut dire que ni l’un ni l’autre n’avait d’autre partenaire au moment où on s’est rencontré.es, ce qui a facilité mon immersion dans cette nouvelle configuration relationnelle. Puis, lorsqu’il y en a eu, ça m’a rassuré.e qu’il se confie à ce sujet, parce que je me sentais plus connecté.e à lui; je sentais qu’il me faisait assez confiance pour m’en parler. Ça renforçait notre lien. On avait très peu de sexe ensemble, ça me tentait pas vraiment à ce moment-là, mais j’étais ravi.e qu’il comble ses besoins sexuels avec d’autres personnes et me revienne heureux. Je ne sentais plus cette pression que j’avais constamment sur les épaules avant. Et même si j’ai passé des soirées à faire les cents pas, et binge-watcher Netflix en mangeant des chips, du chocolat et toutes les cochonneries qui pouvaient me tomber sous la main quand il avait des dates, je savais que cette relation-là m’apportait beaucoup plus de bien que de mal.
Notre dynamique a pris un tournant inattendu, quand mon partenaire a commencé à dater un couple! Et oui! Et après un mois à les fréquenter, il m’a demandé.e si j’étais intéressé.e à les rencontrer, parce qu’elleux l’étaient! J’avoue que j’avais la chienne comme ça se peut pas, mais j’étais aussi curieux.se de mettre des visages et des personnalités sur leurs noms, alors j’ai dit oui. C’était la première fois de ma vie que je rencontrais des métamours (petit nom qu’on donne aux partenaires de nos partenaires), et je me sentais vraiment en terrain inconnu. Ma tête commençait à générer tout plein de questions : Comment j’allais me sentir? Comment j’allais réagir? J’en avais aucune idée. Et je suis pas full à l’aise avec la surprise et le flou, d’où ma nervosité maladive.
On est allés souper dans un resto coréen, c’était vraiment sympa comme endroit. Moi et mon copain, on est arrivé.es d’avance (évidemment), et je shakais de la jambe pour essayer de me calmer. J’avais déjà communiqué à mon copain que j’étais vraiment stressé.e, et ça m’aidait beaucoup de savoir que j’étais compris.e et que je ne vivais pas mon inconfort tout.e seul.e. Quand iels sont arrivé.es, nous avons échangé des allôs gênés, mais rapidement la conversation a embarqué. Il faut dire qu’il y a souvent des chances que les métamours s’entendent bien, puisqu’on partage déjà un point en commun (mon copain dans ce cas-ci), c’est facile de connecter ensemble, de partager des anecdotes pour briser la glace et de bien s’entendre!
J’avoue que pendant le souper, j’avais des pensées anxieuses qui popaient : est-ce que j’étais un.e bon.ne partenaire pour mon copain? Est-ce que j’étais une bonne personne tout court? Est-ce que mon copain allait pas préférer passer plus de temps avec ses nouvelles fréquentations qu’avec moi? Mais je réussissais à mettre mes pensées de côté pour me concentrer sur la soirée. D’ailleurs, je sentais vraiment une intention de ces nouvelles personnes de m’inclure dans leur bulle, ce que j’ai beaucoup apprécié. D’autant plus que j’avais la chienne de finir en third wheel. Spoiler alert : j’ai survécu avec brio malgré tout!
Mais ce qui m’a profondément marqué de cette rencontre, c’est la fin de la soirée. Les deux partenaires, pour dire au revoir à mon copain, lui ont fait un long câlin rempli de douceur et de bienveillance à tour de rôle. J’ai tout de suite senti une vague de bien-être dans tout mon corps, un sentiment d’amour et de compassion absolue pour ce moment dont j’étais témoin. Mon insécurité s’est alors dissoute complètement pour faire place à de la gratitude. J’étais juste tellement heureux.se soudainement que mon partenaire, que j’aimais beaucoup, puisse être autant aimé par d’autres personnes. Je n’étais pas au courant à l’époque, mais le sentiment que je décris était de la compersion!
L’intention du couple que j’avais ressenti envers moi s’est ensuite confirmée quand chacun.e m’a fait un câlin consenti pour me dire au revoir. Et d’un coup, tout cet amour m’a été transféré aussi ! C’est précisément là que j’ai compris que l’amour, ça ne se divise pas, au contraire! Il se partage et se multiplie. C’était très stressant au départ comme expérience, mais finalement, j’ai adoré, je me suis vraiment senti.e à ma place. Ça a littéralement changé ma vie!
Fun fact: on a fait un retour ensemble sur la soirée après, moi et mon copain, et il m’a avoué que ses deux autres partenaires lui avaient confié qu’iels se sentaient aussi insécures et fébriles que moi avant et pendant le souper. Iels avaient les mêmes peurs, les mêmes inquiétudes! Cette confidence a contribué à renforcer ma compassion pour elleux et m’a aidé.e à mieux accepter et donc gérer mes propres insécurités, c’est juste fou! Je ne dis pas que c’est quelque chose d’évident à faire, c’est du travail quand même. Ça prend beaucoup de vulnérabilité pour passer à travers tout ça et accepter de montrer aux autres mes côtés plus sombres, plus anxieux, mais ça me fait grandir comme être humain, parce que les liens authentiques que je crée avec d’autres personnes me révèlent toutes les parties de moi-même et m’apprennent aussi à les aimer.
C’est à ce moment-là que j’ai vraiment compris que je voulais un cercle de soutien autour de moi. Plusieurs relations de toutes sortes, amicales, platoniques, amoureuses, à intimité variable, pour continuer de faire circuler cet amour démultiplié-là. Pour que moi et mes partenaires, on apprenne ensemble à communiquer et à combler nos besoins. Pour que je puisse me respecter là-dedans, et recevoir le niveau d’intimité émotionnelle et physique dont j’ai vraiment envie et besoin! Ça implique que je dois me connecter avec moi-même pour bien cerner mes limites et mes besoins en relation. Mais aussi que j’apprenne à me responsabiliser pour affronter mon anxiété, mes peurs et mes insécurités personnelles. Le polyamour m’aura finalement permis de bâtir des relations en dehors des sentiers battus (comme de la romance sans sexe, par exemple), et de toujours apprendre et me renouveler. À un tel point qu’aujourd’hui, je peux dire avec certitude que le polyamour, c’est vraiment fait pour moi!