Illustration : Layloo (@mycrazycolouredmind)
Ça fait plusieurs années que j’ai commencé à prendre du poids.
J’ai plusieurs théories, même si je pense pas que c’est utile, dans mon cas, de comprendre pourquoi j’ai pris du poids. D’abord parce que j’ai arrêté la danse, que je pratiquais depuis que j’avais 6 ans. Ensuite, ben parce que je vieillis, tout simplement. Je n’ai plus 20 ans, mon métabolisme n’est plus aussi forgiving qu’il l’était. Surtout, plus récemment, je me suis embarquée dans une maîtrise, que je peine à finir ces temps-ci. J’ai dû quitter ma job pour m’y consacrer. Ça a fait en sorte que je bouge moins. Je suis devenue vraiment très stationnaire et aussi pas mal lonely, ce qui n’a certainement pas aidé. On dit que l’inaction engendre l’inaction, et ça a malheureusement été vrai dans mon cas. C’est pas facile pour toustes, la maîtrise. J’ai pris du poids et je ne me reconnais plus.
Je ne suis pas une fille sportive; je ne l’ai jamais été. J’ai dansé aussi longtemps que je l’ai fait pour le côté artistique de la chose, pas le côté sportif. J’ai lâché par manque de temps et d’argent, aussi plate que ça soit. L’over-achiever que j’étais, qui s’engageait dans mille projets à la fois, ne s’est pas rendue compte à quel point c’était une activité qui m’était bénéfique, et pas seulement au plan physique. Oh well.
Depuis deux ou trois ans, je ne porte plus de jupes ou de robes au-dessus du genou. Mon excuse c’est que je veux pas risquer des moments à la Marilyn Monroe à cause du vent. C’est pas vrai. C’est à cause de mes cuisses, qui s’affaissent quand je m’assois. De ma cellulite, qui prend du terrain depuis qu’elle est apparue quand j’avais 14 ou 15 ans. De mes genoux, qui sont gros et weird. Je ne porte plus de crop-tops non plus, puisque mes abdos se sont recouverts d’une mince couche de mou.
Le texte de La Perdrix, Si j’arrêtais de vouloir être attirante, m’a fessée dans le dash. Ça m’a vraiment fait réfléchir. Je vous invite sincèrement à lire son texte et à faire l’exercice proposé vous-même. Au-delà d’arrêter de vouloir être attirante pour les autres, je me suis demandé comment je pourrais réussir à me trouver attirante pour moi-même. Pas juste dans le miroir, pas juste des fois. Tout le temps. Même en photo!
Avant, quand on me prenait en photo, j’étais gênée, certes, mais jamais embarrassée par mon apparence. C’est sûr qu’il y avait des photos que j’aimais plus que d’autres, mais en général, je me trouvais photogénique, jolie. Quand je me promenais dans un beau outfit, je sentais des regards sur moi, sur mon corps. J’étais une jolie fille avec un corps enviable.
J’avais des complexes quand même, on s’entend, mais quand je me compare à ces moments-là, je me dis que je me plaignais don’ pour rien. Sérieux! j’avais une taille de guêpe, des abdos en acier, des jambes bien faites, des bras fins, un long cou, you name it. Voir que des fois, je me trouvais pas belle! Voir que je me comparais sans cesse à des filles qui apparaissent dans des magazines ou à la télé! Voir que je comprenais pas que je correspondais pas mal en tous points, ou presque, au très peu réaliste idéal de beauté occidental!
Maintenant, quand on me prend en photo, je suis ultra consciente de ma posture, de la façon dont mon menton va paraître, de mon ventre, de mes jambes. Et quand je vois le résultat, malgré tous les petits gestes que je fais pour me « diminuer », je ressens quand même un pincement. Je serre le ventre, je me mets un peu de biais pour pas avoir l’air aussi large, je sors le menton pour tenter de cacher son double, je fais attention à comment je souris. Mais j’me reconnais pas. Je ne peux pas m’empêcher de me demander si c’est à ça que je ressemble dans la vie, si les autres me voient comme ça. Et si oui… ouf. J’aime pas y penser. Les photos, c’est le seul moyen que j’ai d’imaginer comment les autres pourraient me percevoir, et l’image qu’elles me renvoient ne me plait pas du tout.
J’me reconnais pas en photo. Ni mon corps, ni mon visage. Pourtant, quand je regarde dans le miroir, il y a encore des bouts que j’aime. Ma taille s’est peut-être épaissie, mais elle est quand même définie. J’ai de beaux seins, même s’ils sont petits – c’est sans doute la seule partie de mon corps qui n’a pas grossi avec le reste. Le matin, quand je me lève pour aller pisser et que je vois mon corps nu dans le miroir plein-pied, je ne détourne pas le regard. Je n’ai pas de difficulté à me promener toute nue et à voir mon corps dans un miroir. Je sais que c’est difficile pour d’autres. J’aime aussi pas mal mon visage dans le miroir. Mais en photo… c’est comme si toutes les petites choses que je n’aime pas étaient décuplées.
J’ai récemment dû envoyer une photo de mon visage à une des merveilleuses illustratrices de ce blogue pour qu’elle puisse faire mon portrait. Ça a été tellement dur! Évidemment, tout le monde prend beaucoup de selfies avant d’arriver à un résultat satisfaisant. Mais pour vrai, ça m’a tout pris pour regarder les photos, les comparer, essayer de voir comment me placer pour que mes yeux, qui se ferment quand je souris, ne paraissent pas trop petits, que mes cernes soient moins visibles, que mon menton ait l’air bien pointu, que mes joues ne soient pas trop rondes. J’ai résisté de toutes mes forces au réflexe d’utiliser un filtre. J’ai réussi! Et au bout d’un bon moment, j’ai enfin trouvé une photo que je trouvais convenable, parce que pour une fois, je m’y reconnaissais. Ça faisait longtemps que c’était pas arrivé. Mais je me doute bien que si, dans quelques semaines, je tombe encore sur cette photo-là, je vais juste voir les mêmes choses que d’habitude.
Je sais que dans tout ça, il y a une bonne part de grossophobie internalisée. J’ai pris du poids, et alors? Plus facile à dire qu’à vivre. À tous les jours, quand je mets un chandail qui me fait un peu moins bien qu’avant, ou quand j’arrive pas à fermer une paire de jeans que je portais tout le temps il y a pas si longtemps, le combat rage dans ma tête. Accepte toi! Mange moins! Fais plus d’exercice! T’es belle comme t’es! T’es pas assez en santé! Tiens, des nouvelles vergetures sur mes cuisses…
Je sais pas encore comment dealer avec tout ça. Je pense pas qu’il y ait de solution miracle à mon dilemme interne. Je pense aussi qu’un « poids santé », ça ne veut pas dire grand-chose, étant donné que le poids n’a pas grand-chose à voir avec la santé. Je pense toutefois que je devrais être aussi gentille avec moi-même que j’essaie de l’être avec les magnifiques personnes autour de moi.
Perséphone
Candidate à la maîtrise et musicienne à ses heures, Perséphone est une nerd assumée et une grande fan de drames romantiques d’époque. Introvertie qui aime les gens (même si ça a l’air contradictoire!), elle croit fermement au droit des fxmmes de faire ce qui peut bien leur plaire!
Pour lire le dernier article de Perséphone – Vierge jusqu’à 25 ans – c’est ici!
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