Illustration : (@viraesworks)
Un souvenir marquant de mon secondaire un, c’était cette fameuse journée de carnaval, où les cours en après-midi étaient suspendus pour nous laisser la chance de faire toutes sortes d’activités. Dans la cafétéria, c’était la « discothèque ». Je me rappelle très bien d’y être entrée, et de m’être immédiatement sentie mal à l’aise. D’être super impressionnée par ces filles qui osaient, non seulement danser debout sur les speakers, mais surtout qui dansaient de manière sexy. Et de me sentir incapable de bouger mon corps de cette façon.
Mais quand j’y réfléchis maintenant, c’est probablement que, déjà à cet âge-là, j’avais peur d’être sexy. J’ai réalisé ça récemment lors d’une séance avec ma psy absolument trop fabuleuse. Moi, Médusa, j’ai peur d’être sexy, pis ça date pas d’hier. Oh non. Ça date pas d’hier pis je suis loin en crisse d’être sortie du bois. Pis là vous vous dites peut-être, wow, calme-toi, être sexy à 13 ans, t’as pas besoin de ça! Mais, pour moi, être sexy, c’était (et ce l’est toujours) dans un sens très très large. Genre, ça pouvait se manifester dans tellement de comportements. Juste le fait d’essayer consciemment d’être jolie, ça me rendait hyper mal à l’aise. Bref, c’était une pensée omniprésente dans ma tête : être sexy, vouloir être belle, rechercher l’attention des autres, à mes yeux, c’était mal.
Au secondaire, je n’aurais jamais osé porter de talons hauts, ni de décolleté. Porter une robe m’angoissait au plus haut point. Je n’aurais jamais eu le guts de parler de manière sexy (tsé genre, parler presqu’en slowmotion, avec une voix grave, mais de manière très très fluide et surprenamment naturelle?) ou de flirter ouvertement avec un gars (c’est d’ailleurs toujours le cas, malgré certains récents progrès). J’étais overconsious de la façon dont je marchais. Est-ce que mes hanches ondulent trop? Marche plus droit, marche plus droit!
Pis les premières fois où j’ai fait l’amour aussi. Mon dieu. J’osais pas bouger mes hanches, parce que crisse, je voulais pas avoir l’air d’une salope (logique right?). I mean, j’étais pas pour actually aimer ça le sexe? Pis chevaucher mes partenaires! Je sais pas combien d’années (et de courage) ça m’a pris pour le faire et surtout pour me sentir confortable et l’aise de le faire.
Encore aujourd’hui, je me sens pas à l’aise de danser de manière sexy. Je m’en suis rendue compte en Amérique du Sud (quand je suis allée faire mon échange étudiant là-bas), où c’est assez banal et culturellement de base de savoir danser en bougeant ses hanches de manière lascive. Pis moi, la fucking gringa (une étrangère vivant en Amérique latine), ça me terrorisait au plus haut point.
Après quelques séances avec ma psy, j’ai réalisé comment, au travers de mon adolescence pis de ma vie de jeune adulte (à 24 ans, c’est un bon qualificatif jeune adulte right? haha), j’ai appris à neutraliser toute forme de tension sexuelle entre moi pis des dudes. Aussitôt que je reçois un compliment qui s’attarde directement à mon physique genre t’as un beau sourire, t’as vraiment des belles fesses ou que s’installe une quelconque forme d’atmosphère de cruise, je fais tout pour briser ce moment-là. Rire nerveusement du compliment, le nier, changer de sujet, adopter une attitude overfriendly, demander au dude s’il trouve une autre fille chixe, peu importe! C’est presque maladif. Je peux pas m’en empêcher. Ça sort tout seul! J’ai pas un PhD en la matière, mais pas loin! Un beau comportement défensif (j’ai recours à quand même pas mal de comportements pour me protéger de ma peur d’être sexy) comme dirait ma psy aha!
Pis ce que je suis en train de me demander en ce moment c’est pourquoi j’ai cette peur-là, autant internalisée, d’avoir l’air sexy? Pourquoi j’ai cette peur-là en moi, alors que je suis all in que mes amies aient un compte onlyfan, envoient des nudes, prennent des selfies, soient des camgirls, dansent comme des déesses, etc? Je veux dire, nos identités de femmes se résument à pas mal plus qu’être soit mère, soit vierge, soit pute. Comme le dit si bien Aphrodite dans son texte Ode à la féministe à jupe courte, « Un corps dont on est fière ne discrédite pas le cerveau avec qui il fait une paire ». Alors pourquoi j’ai si peur d’être sexy?
Peut-être parce que depuis le plus loin que je me souvienne, on m’a rentré dans la tête que vouloir du sexe pour du sexe, ou encore afficher des désirs en tant que femme, c’est juste sale / pas approprié. Qu’être sexy, c’est pas moral, c’est mal, c’est dévalorisant. On m’a rentré ça dans’ tête à coup de jugements sur les filles qui dansaient dans les vidéoclips. À coup d’affirmations genre she fucked her way there quand des belles femmes ont aussi du succès. À coup de « ces filles-là » se respectent pas. À coup de se faire dire que porter une camisole c’était pas approprié pour l’école, ni porter des shorts courtes d’ailleurs. À coup de se faire dire que notre valeur en tant que femme était diminuée quand on se présentait comme étant aussi une personne sexy.
Ça fait que je suis en plein travail de déconstruction en ce moment. Est-ce que je ne me présente pas comme une personne sexy parce que je n’aime pas ça? Ou parce que je pense que je ne peux pas le faire? Parce que la différence entre les deux est tellement immense. Genre, est-ce que j’envoie pas de nudes parce que c’est pas mon thing, ou parce que deep down inside, ça me fout la chienne?
Pis après ça, c’est quoi être sexy? Quand j’y réfléchis, se sentir sexy, ou trouver quelqu’un sexy, c’est hautement contextuel pis c’est TELLEMENT différent pour chaque personne. Tu peux te sentir sexy en essayant de la nouvelle lingerie pis en envoyant des nudes, mais aussi juste en buvant une coupe de vin blanc. Ou en dansant sur de la bonne musique avec abandon, en faisant du vélo, en te maquillant, en faisant de la mécanique, en portant des crop-tops ou des décolletés, en marchant dans la rue avec des nouvelles bottines, name it! Tsé, se sentir sexy, c’est pas nécessairement dans des contextes sexuels. À bien y penser, ça peut être « juste » dans des contextes où t’as confiance en ton corps et en tes aptitudes. Genre, se sentir crissement powerful. Nada mas.
Malgré tous ces questionnements, je suis pas prête à dire que je suis une personne sexy, ou que je suis capable de séduire quelqu’un en le regardant dans le fond des yeux dans un bar, mais, tranquillement, pas trop vite, je commence à accepter l’idée que mon identité de femme est multidimensionnelle. Je suis féministe, je suis drôle, je suis crinquée en tabarnak comme diraient mes amies, je suis masculine, je suis féminine, je suis intelligente pis crime, pourquoi pas sexy aussi, une fois de temps en temps avec ça?
Peace out,
Médusa
Médusa, bachelière en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Pas besoin de plan en amour – c’est ici!
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