Illustration : Pénélope (@pennypancakes_038)
Hey, je dis pas ça pour me vanter, mais… avec mon bacc en relation d’aide pis ma job d’intervenante, mon cerveau est tout le temps en train d’analyser mes émotions pis mes pensées. Tout le temps. Dans le jargon, on dirait que j’intellectualise tout ce qui me passe par la tête. Ouin, intellectualiser. Ça veut dire expliquer comment tu te sens. Pourquoi tu vis telle émotion, mettons. « Oh c’est à cause de ta mère », – Freud, probablement. J’explique tout le temps, j’analyse tout le temps. J’analyse le moindre feeling de la pointe de mes orteils jusqu’à la fuckin racine de mes cheveux bleachés. J’explique tout le temps, pis j’ai l’air full en contact avec mes émotions. J’ai l’air d’être capable d’être vulnérable. Mais, honnêtement, je le suis pas tant ? Expliquer, c’est juste un détour pour pas ressentir. Quand t’expliques, tu réduis ta souffrance dans un sens, parce que tu comprends d’où elle vient. Sauf qu’en même temps, faut ben qu’un jour tu la vives et que tu la confrontes cette souffrance-là, tsé.
Hey, ça me dérange zéro de parler à des étrangers de mes traumas d’enfance ou de mes relations amoureuses fucked up. Mais, dire à un de mes amis de longue date qu’il est fuckin important pour moi ? Aaaaaah. Non, je crois pas. C’est sûr que j’ai crissement fait du chemin depuis mon enfance ou mon adolescence dans ma manière d’interagir avec les autres, de gérer mes émotions, et tout. Mais, je réalise que j’ai encore fuckin peur de me faire abandonner. J’ai encore peur de me mettre vulnérable et d’être rejetée pour la personne que je suis réellement. J’ai peur de dire comment je me sens pour vrai. Sans distance ou masque de façade. Je réalise que j’ai encore peur de pas être assez. Que j’ai gardé la même mentalité de quand j’étais enfant. Pas assez belle, pas assez drôle, pas assez intéressante, pas assez intelligente, pas assez d’entregent, pas assez de caractère, pas assez sociable, pas assez sportive, pas assez… Oh j’oublie le plus important : pas assez dans l’abnégation. Parce que quand on est une femme, plus on se sacrifie pour les autres, plus on est des bonnes personnes. On est des bonnes personnes, quand on est personne.
Le sacrifice de soi, c’est tellement honorable. C’est tellement généreux. T’es l’ultime bonne personneTM. T’es aussi fuckin malheureuse. Mais, ça c’est pas grave, parce qu’au moins comme t’aides tout le monde, ben t’es une sauveuse. Pis là tu peux te définir en aidant tout le monde qui profite de toi. Passer ton temps à chialer contre le monde qui profite de toi, que t’as choisi délibérément d’aider. Même si honnêtement, t’as autant besoin d’eux qu’ils ont besoin de toi. Tu peux pas être une sauveuse s’il y a pas de victimes à sauver. Tu peux pas booster ton égo blessé sans le moteur d’un autre char (lire une autre personne). Si t’aides personne, ben là t’es forcée à voir ta propre réalité en face. Que toi aussi, t’es une victime.
Ces patterns-là, je les ai depuis que je suis enfant. Je voulais aider tout le monde et me sentir importante. Mon monde à moi était en noir et blanc. Y avait les gentil.le.s et les méchant.e.s. Y avait les victimes et les violent.e.s. Pis si je voulais être une gentille, j’avais pas le droit de m’affirmer ou de déranger. Alors, j’ai appris à passer les besoins des autres avant les miens. À jouer à la sauveuse. À vivre ma vie pour les autres pis à leur en vouloir pour ça. Pis à travers tous mes patterns de people-pleaser, je me protégeais. C’est sûr qu’en faisant ce que les autres attendaient de moi, pis en étant la personne qu’iels voulaient que je sois… ben on pouvait pas m’abandonner.
Aujourd’hui, j’essaie de déconstruire tous ces patterns-là. Sauf que je pensais que c’était quand même derrière moi… Et là, je réalise… je suis peut-être en train de déconstruire mes patterns. Mais, je suis encore à la case de départ. J’ai encore peur de m’attacher à des personnes qui, au final, sont pas tellement attachées à moi. J’ai peur d’être moi-même pis que cette personne-là plaise pas aux autres. J’ai peur de redevenir la petite fille dans la cour d’école, trop gênée et qui avait pas vraiment d’amies. J’ai peur de me mettre vulnérable pis qu’on ridiculise comment je me sens. J’ai peur d’être la fille gossante ou trop collante qu’on méprise secrètement.
Pis tsé, y’a quelques années encore, je me tenais avec des gens que je m’en foutais. Parce que je savais que si ces personnes m’abandonnaient, ça me ferait pas grand chose. Oui, j’avais peur de l’abandon à ce point. Pis, je réalise aussi que j’ai fréquenté des gars auxquels je m’intéressais pas vraiment, juste pour me blesser. Je me sentais comme de la marde, alors j’allais parler à des dudes. Ils finissaient par développer des sentiments envers moi. Là, je me sentais fuckin mal de leur avoir laissé penser que j’étais intéressée. J’avais ce discours mental, où je me voyais comme une mauvaise personne qui brisait des cœurs, ou un truc du genre. Ça a l’air weird dit de même, et je suis vraiment pas fière. Mais, il y a des moments dans ma vie où je me haïssais tellement, que je me mettais délibérément dans ces relations qui me rendaient malheureuses pour me punir. En même temps, je sais que c’est tabou, je sais que c’est wrong, mais la validation masculine… des fois, ça fait du bien. Ça m’arrive encore. D’avoir soif de validation masculine.
Mais à chaque fois, c’est comme avoir soif en pleine mer. T’es entourée d’eau, mais plus tu bois, plus tu feel déshydratée. Pis… c’est cru ce que je vais dire, mais les gars tombent tellement plus facilement en amour. T’as pas besoin de faire grand-chose pour les impressionner. Ben c’est exactement ça. C’est un band-aid sur une blessure bien plus profonde. Genre, je pouvais ben parler à des dudes, les dater, sortir avec eux ou whatever. Mais, au final, je me détournais du véritable problème : je m’aime pas tant. Et crois-moi, je pensais que leur intérêt pour moi m’aiderait à m’aimer un peu plus. Dans les faits, je les ai surtout jugés d’être intéressés par moi. D’un côté, je les méprisais quasiment pour ça. Je croyais que cet intérêt qu’ils portaient sur moi, c’était surtout en termes de ce que je pouvais leur donner (du sexe, une oreille attentive, du réconfort, etc.). Pas qui je suis, en tant que personne. Peut-être que ça reflète surtout le fait que je crois pas qu’on peut m’aimer réellement. On m’a toujours aimé avec des conditions pis des p’tits caractères, fait que pourquoi ça serait différent avec eux ?
Aujourd’hui, j’ai encore peur de m’ouvrir. Mais je me mets pu dans ces situations-là, j’essaie de sortir de ce réflexe d’aller parler à des gars quand je feel pas. Pis, je m’aime un peu plus. Sauf que dès que je rencontre du nouveau monde, là mes vieilles insécurités remontent à la surface. Là, j’ai encore peur de pas être assez. Je veux des relations authentiques. Je veux du vrai, mais j’ai encore de la misère à m’ouvrir. Je pense encore que je suis pas assez cool. J’ai peur de me mettre vulnérable, parce que j’ai encore intériorisée le fait que c’est clairement moi qui care plus dans mes relations. Pis paradoxalement, le reste du temps, j’ai peur que ce soient les autres qui carent plus que moi, et que je sois malhonnête envers eux. Genre, projection 101. Je projette mes propres insécurités sur les autres. Et j’haïs ça.
Quand j’ai l’impression de pas être assez importante, I push and pull. C’est une danse. Tu fais un pas à l’avant, pis je recule. Je fais un pas à l’avant, pis toi, tu recules. Je suis juste essoufflée pis c’est vrai que je connais la danse par cœur, mais je veux que la musique arrête. Je veux être capable d’être honnête pis vulnérable. Je veux pouvoir accepter que je peux pas être aimée de tout le monde. Qu’anyway j’aime pas tout le monde, moi non plus. Qu’y a des gens qui m’aiment vraiment, pis c’est pas juste du fake ou une manière de pouvoir profiter de moi. Faque je dois continuer à avancer et arrêter de revivre mes patterns relationnels à travers les autres.
Daria