***Lumière sur des femmes inspirantes du passé***
Recherche et rédaction : Maude Savaria – Historienne et archiviste (@msavacou)
Illustration : Laurène (@somepieceofsheet)
Jackie Shane (15 mai 1940 – 21 février 2019)
Jackie Shane est une femme trans et chanteuse soul et R&B populaire sur la scène torontoise des années 1960.
Née à Nashville, dans le Sud ségrégé des États-Unis, son premier contact avec la musique est dans la chorale de son Église. Déjà un esprit rebelle, elle voulait chanter sans avoir à écouter les sermons. Elle joue du drum et aurait, selon certaines sources, été choriste pour Little Richard, une star de l’époque.
Adulte, elle s’engage dans un Carnaval qui tourne dans le Chitlin Circuit, un réseau de scènes acceptant les Noir-e-s aux États-Unis. À l’époque, elle se définit comme un homme gai ou une drag queen et sa performance, habillée en femme, choque et amuse. En 1960, elle est à Montréal, puis l’année suivante à Toronto, où elle s’installe et rejoint Frank Motley and his Motley Crew. En 1963, elle sort son plus gros hit Any Other Way. Il s’agit d’une reprise, mais les paroles “Tell her that I’m gay” prennent un tout autre sens. À ce moment, le terme “gay” commençait à être revendiqué par les homosexuels, mais encore peu utilisé. Bien qu’elle n’affirme sa transitude publiquement qu’à la fin de sa vie, elle refuse plusieurs opportunités parce qu’on veut lui imposer un style plus masculin, sans maquillage.
Pour le reste de la décennie, elle chante des reprises de Ray Charles et Bobby Bland sur Yonge Street, notamment à la Sapphire Tavern, participant à la création du “Toronto Sound”, un style musical caractéristique de la région. Elle se produit aussi dans des spectacles aux États-Unis. Au début des années 1970, elle disparaît de la scène pour s’occuper de sa mère à Los Angeles. En 1996, elle retourne à Nashville alors que des rumeurs la font passer pour décédée, par suicide ou meurtre. Quinze ans plus tard, l’intérêt pour son art est renouvelé, malgré le fait qu’elle ne performe plus. Sa musique est rééditée, plusieurs documentaires sont produits au Canada sur son parcours hors du commun, ainsi qu’une murale sur Yonge Street à Toronto. Affirmant sa transidentité dans une entrevue avant son décès, Jackie Shane ne remonte jamais sur scène, mais sa courte carrière reste une inspiration pour la communauté queer et noire pour son audace et sa présence musicale.
Pour aller plus loin :
Balado Pionnières, Jackie Shane, pionnière transgenre de la soul canadienne, Radio Nova, 15 octobre 2019.
Collectif, Any Other Way: How Toronto Got Queer, Coach House Books, 2017, 368 p.
Laura Darling, Jackie Shane Partie I et II, Making Queer History, février 2020. www.makingqueerhistory.com