***Lumière sur des femmes inspirantes du passé***
Recherche et rédaction : Maude Savaria – Historienne et archiviste (@msavacou)
Illustration : Arielle (@ririelle16)
Isabelle Couc-Montour (1667-1752)
Isabelle Couc est une interprète métisse née à Trois-Rivières d’un père français, parmi les premiers colons, et d’une mère Anishinaabeg (Algonquine). Selon les sources disponibles, il est indéniable qu’elle ait été présente et somme toute influente dans la diplomatie entourant la traite des fourrures et le contrôle territorial entre les peuples autochtones et les colonies américaines avec son travail d’interprète. On retrace ses déplacements et ses contacts avec différentes autorités coloniales et autochtones entre Trois-Rivières, les Grands Lacs et la Pennsylvanie.
Isabelle se marie à 17 ans à Joachim Girmano et ils ont un fils, Michel. Le couple s’installe vraisemblablement, avec les sœurs d’Isabelle et leurs maris, à Michilimackinac, un poste de traite central. En 1693, Joachim disparaît et est reporté décédé. Isabelle prend alors le nom de Montour, comme son frère avant elle. Veuve à 26 ans et vivant dans le pays d’en haut (les postes de traite des grands lacs) avec des coutumes plus libertines, Isabelle se crée une réputation de femmes de petites mœurs parmi les autorités coloniales. À ce moment, elle entre en conflit avec le gouverneur de l’endroit, Antoine Laumet dit de Lamothe Cadillac qui l’accuse de mauvaise vie et la fait arrêter pour parjure afin qu’elle soit ramenée à Québec. Est-ce un conflit lié à la traite ou à son frère Louis, estimé par les peuples autochtones ? Est-il un amant éconduit ? Ou le père de sa (possible) fille Marie-Anne retracée à Montréal en 1730 ? En chemin vers Québec, le chef Ottawa Outoutagan la libère ou l’enlève pour la ramener au village de sa nation près des Grands Lacs. Elle restera à ses côtés quelques années.
On la retrouve en 1701 à Détroit, alors en couple avec le soldat français Pierre Tichenet, où elle agit en tant qu’interprète comme son frère Louis. Elle parle, en plus du français et de l’anglais, de nombreuses langues algonquiennes (Anishinaabe, Ojibway, Miami, Ottawa) et iroquoises (Huron, Oneida, Cayuga) en raison de ses nombreuses relations familiales dans différentes nations. En 1706, elle préfère Étienne de Véniard de Bourgmond comme partenaire et iels désertent la colonie française à cause de Louis Montour, le frère d’Isabelle.. Quand il est assassiné par le gouvernement français, elle s’installe dans la région d’Albany alors habitée par les 5 (puis six) nations haudenosaunee et les colonies anglaises.
En 1710, elle a 43 ans et est reconnue comme une Française blanche qui vit comme une Iroquoise-Oneida, mère de clan par mariage « à la coutume du pays » au chef Carodowana. Elle continue son travail d’interprète – notamment dans une grande conférence à Philadelphie – et est aussi responsable de la création de ceinture Wampum, un cadeau cérémoniel pour les traités entre nations.
Après la mort de son mari – le chef Oneida Carodowana – en 1729, elle se retire dans un village de Pennsylvanie avec son fils Andrew, sa nièce Margaret et la fille de celle-ci, Catherine. Toustes ont joué un rôle dans la diplomatie américaine de l’époque, en interprétant et en traitant des informations.
Pour aller plus loin :
Serge Bouchard, Métisse algonquine, Canadienne-française, Anglaise, Iroquoise : Madame Montour, Cap-aux-Diamants, no 90, été 2007.
Alison Duncan Hirsch, The Celebrated Madame Montour : Interpretress Across Early America Frontiers, Exploration in Early American Culture, 2000, vol. 4, p. 81-112.
William A. Hunter, Couc, Elisabeth, 1974, http://www.biographi.ca/fr/bio/couc_elizabeth_3F.html