Illustration : Laurène (@somepieceofsheet)
L’autre jour, j’écoutais Martine Delvaux parler dans un podcast, pis elle nous souhaitait, à nous les femmes, d’essayer de ne plus vouloir exister dans le regard des hommes. Pis c’est drôle parce que, pendant longtemps, quand on me parlait de ça, vouloir être attirante pour les hommes, se mettre belles pour eux, se sentir exister dans leur désir, ça me parlait pas pantoute.
Probablement parce que j’avais une attitude contraire. Genre, je ne me considérais jamais comme étant possiblement l’objet du désir d’un dude. Si je pouvais neutraliser ce sentiment là chez eux, et chez moi, je le faisais automatiquement. Souvent en adoptant une attitude overfriendly. Avec ma psy, on a découvert que c’était lié à ma peur d’être sexy. En gros, c’est un beau mécanisme de défense pour shutdown toute forme de tension sexuelle. Un mécanisme très (trop?) efficace.
Pis, je sais pas si ça explique entièrement le fait que j’ai beaucoup d’amis qui sont des gars, mais ça illustre certainement le fait que je ne souhaite pas exister dans leurs regards de manière sexuelle. Et, oui, obviously, j’ai aussi des amies qui sont des filles, mais disons que je me lie plus facilement d’amitié avec des gars. Quand j’y réfléchis, je pense que c’est dû à des préjugés négatifs que j’ai envers les filles (hello misogynie internalisée!). Je suis PERSUADÉE qu’elles vont me juger pour mon allure vestimentaire, qu’elles ne comprendront pas que je n’aime pas me maquiller, que je déteste « prendre soin de mon corps », que mettre des crèmes pis m’habiller soigneusement c’est une corvée pour moi. Dans ma tête, je suis convaincue qu’elles vont me trouver trop directe, qu’elles vont trouver que je prends trop de place, qu’elles vont me bitcher, que ça va créer des drames tellement facilement, que toute va être compliqué dans une amitié de filles. J’ai l’impression que je dois performer une forme de féminité pour être acceptée et que ça va être beeeen compliqué considérant mes poils, mes cheveux des fois gras et mon manque d’intérêt pour la mode. Ça fait que la majorité de mes nouvelles amitiés, genre depuis les dernières années, ce sont des dudes, parce que je suis convaincue que le premier contact va être plus évident, moins judgmental et que nos intérêts vont plus fitter.
Anyways. Cette phrase, cesser de vouloir exister dans leur regard, ça me tournait dans la tête depuis les dernières semaines. Pis j’me suis rendue compte de ma propre naïveté. Comment ai-je pu croire une seule seconde que je n’essaie pas, du plus profond de mon être, d’exister dans le regard des hommes? Peut-être pas de manière sexuelle, certes, mais j’ai ce désir brûlant d’être considérée comme leur égale. D’être juste un dude de plus dans la gang. But, spoiler alert, je ne serai jamais au même niveau qu’eux, parce que je suis une fille. Je ne partage pas leurs anecdotes de branlettes, je n’arrive pas à suivre quand ils parlent de hockey pis de gaming, je ne joue pas non plus à Donjon et Dragons avec eux, je ne peux pas relate quand ils parlent de se décoller les couilles, pis je connais pas les porn stars hype du moment chez les hommes hétéros. Je peux juste me contenter d’être curieuse, intéressée et de poser des questions.
Sauf que malgré ça, je suis constamment dans une posture où j’essaie de me prouver. J’essaie de prouver que je suis une fille chill, que je pète pas des coches pour rien, que je suis easygoing, que je suis capable de rire de leurs jokes de cul (pis desfois même des jokes sexistes quoi que vraiment vraiment moins depuis les dernières années), que je suis capable de chiller avec eux sans qu’il y ait d’autres filles, que je suis intelligente, que je suis drôle, que je suis intéressante, bref que j’ai une valeur pis que je vaux la peine d’être dans la gang. Un peu comme si basically, j’étais en compétition avec toutes les autres filles du monde. Comme si j’essayais de démontrer, par mes actions, que moi, Médusa, je ne suis pas comme les autres filles. Ce qui est complètement stupide et anti-féministe. J’veux dire, les gars ont pas par défaut un espèce de pouvoir magique qui les rendraient chill pis les filles sont pas automatiquement chiantes par naissance. Genre loooooooooin de là. Y’a des dudes crissement pas chill pis des filles solidement awesome. Sans oublier le fait que même s’il y a d’autres filles qui sont nices, ça m’enlève pas de la valeur à moi.
Pis même si j’arrive à rationaliser tout ça, j’ai quand même un gros syndrome de l’imposteure qui m’habite constamment quand je suis en présence de mes amis. Ce qui explique pourquoi je me sens en permanence dans le besoin de prouver que je suis la plus chill de toutes! Le pire dans tout ça, c’est qu’ils ne s’en rendent probablement pas compte, et me considèrent à part entière dans la gang. Sauf que ça m’en prend vraiment pas gros, genre pas être invitée à un événement, pour me faire sentir comme pas assez. Pas assez chill, pas assez nice, pas assez TOUTE pour join le fucking party.
Ça fait que pas exister dans le regard des hommes, turns out que c’est un défi un peu plus complexe que ce que je croyais au départ. C’est pas juste une question d’apparence physique, ni une game sexuelle. Cesser d’exister dans leur regard, c’est arrêter de censurer mes comportements « féminins » par peur d’avoir l’air moins fun. C’est cesser d’éviter de parler de mes menstruations parce que j’ai pas le goût de gosser (alors que ALLÔ c’est une part importante de ma vie, not really a choice si je souffre le martyr à chaque mois). C’est de proposer d’écouter des bands ou des films que j’aime parce que mon opinion vaut autant que la leur. C’est d’arrêter de prétendre que j’ai 100% les mêmes intérêts qu’eux parce que je voudrais tellement pas qu’on me dise que je suis plate pis comme toutes les autres filles. C’est de m’exprimer librement, comme si ma place était pas « à gagner » à leurs côtés, mais qu’elle était bel et bien acquise.
Donc comme Martine Delvaux, je vais vous souhaiter de cesser de vouloir exister dans le regard des hommes, peu importe ce que ça signifie pour vous.
Peace out,
Médusa
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Militante féministe jusque dans notre couple – c’est ici!