Illustration : Laurène (@somepieceofsheet)
On sait jamais à quel point l’infidélité peut nous affecter jusqu’à ce qu’on la vive. On dirait que je me disais que si ça m’arrivait, j’allais juste crisser le gars là et move on. Mais la réalité, c’est que ça m’affecte quotidiennement depuis que j’ai appris l’infidélité de mon ex, il y a 11 mois. Particulièrement dans ma dating life. J’ai souvent l’impression d’être too much pour être aimée.
Je n’ai jamais été la personne qui a le plus confiance en elle, que ce soit au niveau de mon physique ou de ma personnalité. Il faut dire que j’ai vécu beaucoup de rejet dans ma vie en lien avec ma personnalité. J’ai souvent été qualifiée de trop sensible, de personne qui réagit trop fortement. Même si ça peut être une qualité qui me permet d’être très empathique et à l’écoute des émotions des autres, souvent je le vois comme un défaut majeur. C’est difficile de ne pas sentir comme si c’est un défaut quand on te reproche constamment que tu es trop susceptible ou que tu exagères. J’aimerais des fois que les gens comprennent davantage que les émotions, ça ne se contrôle pas.
Au secondaire, mes amies avaient toujours l’air de vouloir me reprocher quelque chose. Chaque fille de mon groupe d’amies a eu un moment où je lui « tapais sur les nerfs », qu’elle parlait dans mon dos et / ou m’ignorait. Puis, arrive mon premier chum à la fin du secondaire / début cégep, qui finit par me laisser après presque un an, parce qu’il ne m’aime plus. On dirait que la majorité des personnes qui sont proches de moi à un moment de ma vie finissent par me trouver trop intense, trop difficile à gérer pour m’apprécier et rester dans ma vie. Bon, ça fait des années aussi, ma personnalité a beaucoup évolué depuis; j’ose espérer que je suis une meilleure personne que je l’étais à l’époque. Mais tout de même, on entend souvent des gens dire sur les applications de rencontre qu’ils cherchent une personne « simple », et je sais bien que je suis loin d’être simple.
À l’université, quand j’ai eu mon diagnostic de dépression, mes amies se sont éloignées de moi parce qu’elles trouvaient ça « trop lourd à vivre ». Ma fréquentation de l’époque m’a aussi laissée, parce qu’il « n’avait pas à vivre ça ». J’avais une réputation de « problématique » dans la faculté. Je dérangeais parce que j’étais (et suis toujours) directe, honnête et proche de mes émotions. J’ai eu une relation de trois ans avec celui que je pensais être « l’homme de ma vie », qui a fini par me laisser parce qu’il ne m’aimait plus. Puis j’ai appris quelques semaines plus tard qu’il m’avait trompée.
Ça fait que je me demande est-ce que je suis too much au point qu’on peut juste m’aimer temporairement? Trop sensible, trop réactive, trop susceptible, trop honnête (toute émotion se lit sur mon visage de toute façon), trop à cheval sur mes principes même?… Pis encore là, too much, mais en même temps pas assez parce que mon ex est allé voir ailleurs. Ça me laisse l’impression qu’il est allé chercher quelque chose que je ne pouvais pas lui offrir. Bref, l’infidélité de mon ex a renforcé ce sentiment général que j’ai de ne pas pouvoir être aimée à long terme. Ce sentiment d’être too much ou pas assez est aussi tellement renforcé par le fait que j’ai de la difficulté à me trouver un emploi dans mon domaine. Chaque fois que je ne suis pas convoquée par un.e possible employeur.e auquel / à laquelle j’ai soumis mon CV ou que je reçois un courriel du type « malheureusement, nous n’avons pas retenu votre candidature », c’est comme un nouveau rejet. Comment je peux me sentir compétente si je ne décroche pas un travail alors que j’applique à tellement d’endroits? Mais bon, ça c’est un autre dossier.
Maintenant, quand je date quelqu’un, je n’affiche pas ma personnalité au complet dès le départ. J’ai l’impression que je m’ajuste pour fitter dans ce que je pense que le gars voudrait que je sois. Je tone down qui je suis. Je texte moins en premier, de peur d’effrayer mon prétendant. Quand je texte, je regrette toujours sur le coup et je me traite de conne parce que je vais paraître trop intense pis que ça va le faire fuir. Est-ce que j’agis comme ça parce qu’une femme qui exprime haut et fort ses émotions et ses opinions est encore mal vue dans notre société? J’ai pas envie d’être étiquetée comme pas attirante. Mais en même temps, ça sert à quoi de fréquenter un gars qui connaît même pas ma vraie personnalité? Elle va finir par ressortir, pis je me dis qu’il va me rejeter parce que je lui ai menti et que je suis trop pour lui. Pis quand je me fais un tant soit peu rejeter, même par un gars qui m’intéresse pas vraiment, je me dis toujours que c’est parce que je suis trop. Too much pour être aimée.
Et quand il se passe quelque chose avec un gars, on dirait que je veux le garder dans ma vie le plus longtemps possible. Je me dis que je suis mieux de profiter du temps qu’il me trouve assez potable pour me côtoyer / pour coucher avec moi avant qu’il me largue ou qu’il découvre que je suis vraiment too much to handle. Je me dis que je suis mieux de coucher plusieurs fois avec chaque partenaire sexuel. Mais bon, c’est peut-être aussi lié au fait que je suis brainwashée par la société qui dit qu’une femme ne doit pas avoir un nombre de partenaires sexuels trop élevé.… On a tellement souvent entendu la métaphore « une clé qui ouvre toutes les serrures est extraordinaire, une serrure qui s’ouvre à toutes les clés est de la marde »… SAUF QUE JE NE SUIS PAS UNE MAUDITE SERRURE. Même à ça, quand j’ai essayé d’entretenir une relation de fuckfriends avec un gars, pis que je lui ai dit que j’aimerais me sentir comme plus qu’un corps, ben il m’a ghostée (beaucoup trop de men are trash).
C’est difficile de croire qu’on est pas too much pour garder une personne à long terme dans sa vie quand on a vécu plusieurs rejets. Anyway qui pourrait aimer quelqu’un qui est en dépression, qui essaye de surmonter une infidélité, qui est directe et qui est sensible? C’est ben trop à accepter et à supporter… Mais en même temps, c’est moi… Deal with it or leave I guess.
Il y a donc une forte possibilité que je n’arrive jamais à ne pas me sentir too much ou pas assez dans ma vie. Je sais que je devrais m’accepter et m’aimer comme je suis, mais c’est loin d’être évident quand on dirait que l’univers veut te faire croire que tu n’es pas valide, compétent.e et aimable.
Sauf que parfois, on peut tomber sur quelqu’un qui trouve qu’on est plus que ce qui pouvait être espéré. Même si c’est encore trop, c’est un trop positif. Ça m’a permis de déconstruire l’idée que l’excès est nécessairement négatif. Pis j’ai beaucoup de difficulté à y croire et je pense toujours que le côté négatif de l’excès va finir par arriver et tout ruiner. Mais le bonheur que procure l’amour d’une personne qui embrasse toutes les facettes de ma personnalité, même ou en particulier celles plus extrêmes, vaut le risque. Et avec le temps, je me rends compte que je ne suis pas tombée sur cette personne par chance, malgré que je me sente too much or never enough, mais parce que je me rends compte que mes côtés plus intenses seront toujours en moi d’une manière ou d’une autre. Ces côtés peuvent être de véritables forces, pour défendre mes convictions et aider les autres, et je me rends compte que je mérite mieux qu’une personne qui me fait sentir comme une flaque d’émotions injustifiées. J’imagine que je suis devenue plus attirée envers des personnes qui me voient comme je devrais (dans un monde idéal) me voir : une belle personne avec plein de belles émotions justifiées. Et ça m’aide énormément à m’accepter.
Sur ce, je vais continuer à travailler là-dessus avec ma psy.
Ruth
Avocate en devenir, Ruth est entrée dans le domaine par désir de justice sociale qui lui vient de sa grande empathie. Elle n’a pas peur de dire ce qu’elle pense pour informer les gens sur les divers enjeux d’égalité et cherche toujours à s’éduquer davantage sur le sujet.
Pour lire le dernier article de Ruth – À toi, ex – c’est ici!
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