Illustration : Layloo (@mycrazycolouredmind)
J’écris beaucoup.
J’écris au travail : des documents de formation, des demandes de subventions, des courriels… TELLEMENT DE COURRIELS.
J’écris dans des cafés : un mémoire (avec grande peine).
J’écris partout : c’est comme ça que je communique avec la majorité des gens dans ma vie (soyons honnêtes, j’appelle pas grand monde).
J’écris sur les autres, aux autres, pour les autres.
C’est pas que c’est pas passionnant, au contraire; j’aime mon travail, mes implications diverses et mon mémoire me passionnent X1000. Même les jours où je me traîne le cerveau jusqu’à mon ordi pour pondre quelque chose de passable.
Mais c’est confortable aussi; c’est assez détaché de moi. Malgré le fait que je vis bien intensément les classiques : doute, syndrome de l’imposteur.e, la gêne de partager le fruit de mon travail avec quelqu’un d’autre, ça reste supportable. Je pense que tout le monde vit ce type de sentiment un peu, beaucoup, passionnément, et je sais que les personnes socialisées femmes encore plus. Écrire comme ça et me sentir comme ça, ça reste… Commun.
Par contre, rien n’est aussi paralysant que l’idée d’écrire sur moi-même, sur des aspects intimes de moi, et de le partager. C’est me mettre à nu d’une toute nouvelle manière. C’est sous le couvert d’un pseudonyme, heureusement, mais c’est quand même de dévoiler des pensées chuchotée à ma meilleure amie, des réflexions profondes seulement partagées autour d’une clope avec mon coloc, des peurs secrètes juste confiées à ma maman.
Je pense que c’est plus rare pour ça; c’est comme partager mon journal intime, m’ouvrir vraiment; et ça me fait peur. C’est un peu la peur d’être reconnue par quelqu’un en particulier, un peu la peur que d’autres autrices trouve pas ça bon, la peur que des lectrices trouvent que mes expériences ne sont pas intéressantes. Si je passe des heures à mettre difficilement en mots une expérience vécue, des réflexions que j’ai, et que personne s’y reconnaît, ai-je perdu mon temps?
Et puis, surtout, même sous le couvert d’un pseudonyme, écrire sur des aspects intimes de ma vie, sur ma vie sexuelle, sur mon avortement, sur mes parents… C’est un dévoilement qui prend du courage, et je l’ai pas toujours. Même si ça devient plus facile à chaque fois que la glace est brisée sur un sujet en particulier. Et ça a quelque chose de thérapeutique (évidemment, qui ne remplace pas de la vraie thérapie) de mettre en mots des pensées secrètes. Même à ça, y’a encore des sujets sur lesquels y’a un blocage. Comme quelque chose qui m’empêche de vouloir publier des textes TROP intimes. Publier le texte sur ma mère, déjà, c’était comme un mur à grimper; ce sont des réflexions que j’ai osé dire à peut-être… une personne? Et un texte sur une expérience sexuelle super personnelle dort dans mes brouillons depuis des mois. C’est comme si même anonymement, ça touche à quelque chose de tellement tabou que ça devrait pas être mis en mots, encore moins publiquement.
Comme si ça donnait accès à trop de gens à un coin trop secret de mon cerveau. J’ai énormément d’admiration pour chaque autrice de ce blogue, desquelles j’ai lu des réflexions personnelles présentées avec tellement de force. Je trouve ça magnifique, ici et ailleurs, de lire ces expériences sans honte, et qui permettent, je suis sûre, à d’autre de se reconnaître.
Même si d’écrire sous un pseudonyme, c’est un peu avoir l’impression de crier dans le vide, parce que les gens qui me lisent, en majorité, ne savent pas qui je suis. Le feedback est donc, somme toute, peu présent. Même les gens qui connaissent tout des sujets que j’écris ici ne me lisent pas. Soit iels ne savent pas que j’écris ainsi, soit ne connaissent pas mon pseudonyme; dans tous les cas, je ne partage pas mes textes avec mes proches.
Parce que EN PLUS de l’angoisse du fond d’un texte, y’a celui de la forme. C’est peut-être que l’envie que les gens autour de moi trouvent que je fais du bon travail est bien trop importante pour moi, mais c’est assez central dans ma personnalité. L’essai, le témoignage, c’est pas comme un travail d’université, un mémoire; j’écris comme je le sens, mais je n’ai pas étudié pour savoir comment faire. Qu’est-ce que vont penser les autres de mon texte? Est-ce que j’écris trop académiquement, pas assez près de mon coeur, ou alors je m’étends trop dans mes sentiments? Est-ce que je suis trop froide, ou trop geignarde? Pour écrire comme ça, il faut se donner le droit à l’erreur, et ça c’est pas facile pour moi.
Mais reste l’envie. L’envie de faire quelque chose de différent pour une fois, de m’ouvrir et partager des trucs que j’ai rarement partagé avant, ou du moins pas en public. L’envie d’écrire pas pour le travail, pas pour mettre sur mon cv, pas pour remplir des obligations militantes, pas pour finir mon MAUDIT mémoire, juste pour moi. Pour le plaisir, pour me libérer de quelque chose, pour crier fort que j’ai pas honte de mes réflexions, de mes expériences.
Un sujet à la fois, une note de clavier devant l’autre, j’écris en voyant où ça me mène.
La Perdrix
Candidate à la maîtrise et militante féministe, La Perdrix est une jeune femme qui adore être en mode occupée tout le temps. Forte et fragile à la fois, elle peut déménager tes meubles et pleurer en lisant un livre. Rien ne lui fait plus plaisir que de défier des stéréotypes, ou voir quelqu’un renverser des idées préconçues.
Pour lire le dernier article de La Perdrix – Quand le poids du sexisme frappe aussi ta mère – c’est ici!
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