Illustration : Laurène (@somepieceofsheet)
Je peux pas, je suis dans ma semaine…
Je ne compte même pu le nombre de fois que j’ai pensé ou dit cette maudite phrase. Et que je me suis donc empêchée de faire quelque chose dont j’avais vraiment envie sur le moment.
Je peux pas écrire à mon fuckfriend pour lui proposer de passer ce soir, même si j’aurais vraiment envie de baiser, je suis dans ma semaine. Je peux pas aller flirter avec le gars que je trouve que trop cute au bar alors que je suis dans ma semaine, d’un coup que ça clique pis qu’on ait envie de sexe. Je peux pas initier de rapprochements physiques auprès de mon nouveau copain, d’un coup que ça le dégoute le sang menstruel, je voudrais pas lui avoir créé de faux espoirs en le touchant.
On dirait que j’avais jamais vraiment réfléchi en profondeur à la question du sexe pendant les menstruations avant de lire le texte de Médusa sur le sujet. Probablement parce que c’est tellement tabou de parler de règles, pis que la majorité des gens trouve ça dégueu, mais ça m’était juste jamais vraiment passé par la tête que ça puisse tenter à quelqu’un de faire ça. Pis même si maintenant je suis rendue pas mal à l’aise avec l’idée, pis que j’ai réalisé que ça devrait pas être un big deal, j’ai encore – malheureusement – dans la tête que mon sang menstruel va être perçu comme sale et que mes partenaires ne voudront pas me toucher. Tout comme y’a encore une genre de p’tite voix dans ma tête qui essaie de me faire croire que mon plaisir est secondaire à celui de mon partenaire et que la pénétration se doit d’être le point culminant de toute relation sexuelle.
Pis même si rationnellement je sais que c’est faux. Que mes menstruations ne sont pas sales, qu’elles ne devraient même pas être gênantes et qu’elles ne devraient pas m’empêcher de faire quoi que ce soit dont j’ai envie. Que mon plaisir est tout aussi important que celui de la personne en face de moi. Que la pénétration n’est qu’une façon parmi tant d’autres de se donner du plaisir à deux, qu’elle n’est jamais obligatoire et qu’elle ne marque ni le début ni la fin d’une relation sexuelle. Même si je sais toutes ces choses, quand vient le temps d’appliquer tout ça dans ma vie sexuelle, ça se complique pis je dois lutter contre toutes sortes d’idées préconçues que j’ai intériorisées au fil des années. À force de médias de masse et de pas-de-cours d’éducation à la sexualité peut-être…
Facque bref, j’ai réalisé que l’approche rationnelle n’est peut-être pas la meilleure façon pour moi de déconstruire ma vision phallocentrée de la sexualité, vu que dans le feu de l’action ma petite voix reprend le dessus pis j’ose pu exprimer ce dont j’aurais envie. Mais heureusement, dans les dernières années, j’ai rencontré plusieurs personnes exceptionnelles et vécu plusieurs belles expériences qui m’ont permis de voir les choses sous un angle différent. Et comme le fait de repenser à certains moments marquants, ça me redonne espoir et ça m’aide à me réapproprier mon désir petit à petit, ben j’ai décidé de vous partager quelques anecdotes.
L’année dernière, un soir de printemps. Je suis au lit avec mon copain de l’époque. On jase de tout et de rien en s’embrassant et en se caressant doucement depuis un moment. Je viens de commencer ma semaine, et je n’ai vraiment pas envie d’une pénétration à cause des crampes et de la douleur à l’entrée de mon vagin que je ressens toujours le premier jour de mon cycle. Par contre, j’ai vraiment envie d’être dans ses bras. Et j’ai envie de sexe, de plaisir, d’un orgasme. Si j’étais toute seule, clairement que je me masturberais. Mais je n’ose rien initier, pour pas risquer de passer pour une agace en lui refusant la pénétration en bout de ligne.
Sauf que lui n’est pas au courant de tout ce qui se passe dans ma tête, alors les caresses continuent et s’accélèrent, et le désir monte de plus en plus.
En as-tu envie? Est-ce que je devrais sortir un condom?
Hum, ben c’est pas que j’en ai pas envie, ou que j’ai pas envie de toi, au contraire, c’est juste que je suis menstruée depuis ce matin pis que je suis vraiment vraiment sensible la première journée…
Ok, pas de problème, qu’est-ce que t’aurais envie alors? Dis le moi, j’ai envie de te faire plaisir.
Long silence de ma part. Chaque fois qu’on me pose cette question, c’est toujours pareil, je freeze pis je panique un peu, à la recherche d’une réponse appropriée. Genre je dois legit ressembler vaguement à un chevreuil qui se fait surprendre en train de traverser l’autoroute. Ou en tout cas, c’est un peu comme ça que j’me sens. Et c’est pas que je sais pas ce dont j’aurais envie. Non, vraiment pas. Je le sais que trop bien, pis même que je le pense très fort dans ma tête en espérant un jour développer des dons de télépathie. Ce que je veux, wow, ben commence par m’embrasser dans le cou. Pis caresse-moi les seins, masse-moi les fesses. Lèche-moi doucement le clitoris. Fais-moi jouir. Ça c’est ce que j’aurais envie de répondre, mais j’ose pas le dire, je me sens pas légitime de l’exprimer, parce que j’aurais l’impression de « demander » trop. Déjà que je lui « refuse » une pénétration. Facque comme toujours, je réponds quelque chose de plutôt évasif.
Euh, ben, je sais pas là, c’est bien en ce moment, on est pas obligé.e.s de faire plus… Comme tu veux en fait.
Come on, dis le moi, je vois bien que tu penses à quelque chose qui te ferait plaisir.
Respiration profonde pour trouver du courage, pis : Ben mettons que je dirais pas non à un cunni…
Ce à quoi il a répond par un sourire en coin très très sexy et plusieurs minutes le visage enfoui dans mon entrejambe, jusqu’à me faire venir.
Wow! Ok, ton tour maintenant, moi aussi je veux te faire plaisir. De quoi t’as envie?
Ben, en ce moment, j’aurais juste envie de me coller et de m’endormir en te serrant dans mes bras.
BOUM! Explosion violente de mes préjugés sur les hommes et le sexe. Pas de dégoût ou de rejet de sa part parce que j’étais menstruée. Pis pas de pression pour avoir une pénétration, ou au moins une stimulation de son pénis en érection, en échange du cunni qu’il venait de me faire, le genre de troc sexuel que j’ai parfois (souvent) l’impression de devoir satisfaire. Non, rien de tout ça. Juste de la douceur et de la communication. J’étais flabergastée!
Pis là, parce qu’on pourrait se dire que c’est peut-être juste mon ex qui est une personne à part, l’exception qui confirme la règle, ben je vais renchérir avec deux autres exemples.
Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de faire l’amour à trois avec un homme et une femme que j’avais rencontré.e.s en voyage. J’ai failli chocker à la dernière minute pis pas le faire. Parce que j’étais dans ma semaine, pis que je me sentais mal de leur « imposer » ça. Jusqu’à ce que les deux m’assurent, sans aucune hésitation, que c’était vraiment pas un problème. Pis même qu’on a décidé les trois ensemble qu’il n’y aurait aucune pénétration qui aurait lieu, pour pas risquer d’exclure momentanément une personne de l’expérience. On voulait que tout le monde ait du plaisir, et que la relation soit équitable. Pis savez-vous quoi? Ben on en a eu en masse du plaisir. Ça a été une relation sexuelle tout ce qui a de plus complète et satisfaisante. Malgré mon sang menstruel retenu par ma cup. Et malgré l’absence de pénétration.
Autre exemple. Y’a quelques mois, j’étais avec un amant, on se caressait mutuellement et l’excitation montait de plus en plus entre lui et moi. Il s’est spontanément couché sur le dos et m’a fait m’installer un genou de chaque côté de sa tête, presque assise sur son visage, pour me faire un cunni (oh my, je sais pas si vous avez déjà testé, mais moi c’est vraiment ma position pref pour me faire lécher le clitoris!). C’était vraiment incroyable! Sauf qu’après un petit moment, je me suis mise à me sentir mal d’être la seule de nous deux à recevoir du plaisir. Facque j’ai voulu me dégager pour faire autre chose qui impliquerait aussi ses genitals. Mais il m’a agrippée fermement par les fesses.
Non, non, attends, stp, laisse-moi continuer. J’aime tellement ça regarder ton corps comme ça, pendant que je te donne du plaisir.
PAF! Une autre claque dans la face de mes préjugés! J’avais du mal à y croire. Il était presque suppliant. Il aimait vraiment ça. Tout le contraire de ce que j’ai toujours cru : que les gars attendent juste la pénétration avec impatience et que le reste leur sert juste à se rendre là.
Facque ouain, je suis en train de me rendre compte à quel point je suis bourrée de préjugés, pis que c’est quand même malsain mon affaire des fois. Malsain pour moi, parce que j’ai tendance à m’effacer pour tenter de faire plaisir à mes partenaires, mais malsain aussi pour les autres, parce que je prends pour acquis qu’iels vont aimer ou pas certaines affaires sans même leur demander leur avis.
Pis là, même si la solution optimale pour résoudre ce problème à l’échelle planétaire est probablement plus complexe que ça, la solution que j’essaie d’appliquer dans ma vie à moi, c’est d’oser m’exprimer. Bon, j’en suis clairement pas rendue à prendre les devant avec assurance et dicter les changements de position, mais je prends de plus en plus en charge mon plaisir et j’essaie de dire le plus souvent possible ce dont j’ai envie. Pis j’espère qu’un jour, à force de m’exprimer de plus en plus, j’aurai pu peur de déranger avec mes désirs. Peut-être même que si on se mettait toutes à faire ça, on arriverait à réduire le gap orgasmique!?
Pis en plus, de la même façon que le consentement peut être un turn on solide, le fait d’exprimer ses désirs, ça peut être sexy AF!
Padmé
Étudiante en physio, Padmé écrit pour se vider la tête et faire avancer ses réflexions. Drivée par les questions de genre, elle refuse de se faire enfermer dans une image stéréotypée de la femme. La preuve, il n’est pas rare de la trouver les deux mains dans la graisse de vélo en train de chanter du Céline Dion à tue-tête.
Pour lire le dernier article de Padmé – Je revendique le droit à l’erreur – c’est ici!
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