Illustration : Garance (@garancebb)
Ha non, pas un texte sur la COVID-19, je suis tannée d’en entendre parler et ça me rend anxieuse.
Oui, mais comment faire autrement, genre? Comment parler d’autre chose alors que ça prend toute la place, consume tout mon temps, rend difficile de faire autre chose, rend impossible de faire tellement de choses que j’aime (impossible en respectant les règles du gros bon sens, on s’entend)? Tsé, comment maintenir des relations en temps de pandémie?
Je m’ennuie de ma vie d’avant.
Ma première réaction en me disant ça était définitivement des gens vont mourir, plein de gens ont perdu leur emploi, et toi tu t’ennuies de voir des gens et de sortir dans des bars? Sérieux? Mais oui. C’est quelque chose qui me tourne en tête, qui me pose problème, un manque que je ressens. Je pourrais aussi faire un texte sur les conséquences économiques de la crise; je les vois tous les jours en travaillant dans le communautaire. Je laisse ça aux médias et aux expert.e.s. Ici, c’est dans le fond de mon coeur et un peu moins dans le fond de mon cerveau que je veux trouver les mots. Tout en reconnaissant que j’ai beaucoup de chance de ne pas avoir à m’endetter en ce moment, et que mon loyer soit payé… N’empêche que je ressens de l’anxiété, de l’ennui, du deuil.
J’essaie donc de me permettre de dire que je m’ennuie de ma vie normale. Je vois d’autres personnes le faire; je pense que c’est normal de vivre des deuils d’événements qui n’arriveront pas, et d’activités qu’on ne peut plus faire.
Je devais voyager, ça n’arrivera pas. Je devais déposer mon mémoire, ça n’arrivera pas (peut-être?). Je commençais une relation qui me remplissait d’espoir et de joie, qui me donnait envie d’aller vers quelque chose de plus « sérieux », et on the side, je voyais deux personnes très nices depuis un bout, mainly pour répondre à mes besoins sexuels.… Mais là, depuis la pandémie, tout est sur pause. Autant le début de relation que le casual sex.
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Et c’est ce dernier point qui me fait réfléchir ces temps-ci, les relations. Il y a un an, je me suis fait laisser. Par surprise, et mal à par ça. Depuis, j’ai entretenu une coupe de relations de façon très très casual. Principalement avec deux personnes, très nices, ben douces, mais avec qui je ne parlais pas de relations, je ne parlais pas d’amour. Je me suis dit que je voulais attendre avant de m’impliquer émotionnellement avec une autre personne.
Ça m’a convenu toute cette dernière année. Même si l’envie d’être en couple se fait sentir depuis peu, le fait d’avoir deux partenaires, de faire la fille détachée, ça me faisait sentir ben femme moderne libérée. Je fais ce que je veux, je ne m’attache pas, j’ai du bon sexe quand je le veux vu que j’ai deux choix réguliers, personne n’a d’attentes.
Là, tout d’un coup, j’ai pu rien de tout ça, ou à peu près. J’ai pas investi ces relations-là d’une façon à ce qu’on se soutienne émotionnellement par textos. On est pas assez proches pour s’appeler, pour se faire un souper sur FaceTime. Et pas de sexting non plus, c’est honnêtement pas mon truc (ou je suis juste pas ben bonne? J’sais pas).
Cette réflexion-là, je l’avais déjà eu avant la pandémie. Parce que j’ai été très malade tout le début de l’année, donc je sentais déjà que quelque chose me manquait; le sexe, mais aussi l’intimité qui vient avec, la chaleur humaine, le sentiment d’être désirée, tout ça. Sauf que je savais quand ma sinusite serait finie, ou à peu près. Et là, tout juste sortie de deux mois d’antibiotiques, me revoilà enfermée.
Donc je ressens comme un vide. L’envie d’être en couple, que je commençais tout juste à admettre que j’ai, se fait sentir cruellement, parce que c’est virtuellement impossible en ce moment.
J’essaie de ne pas y penser; pourquoi je manquerais de soutien émotionnel vu que j’ai plein de belles relations qui m’en apportent? Je combat l’envie de m’excuser, ou de me plaindre. J’ai des amies fabuleuses. Je vis avec un coloc fabuleux. Je trouve du soutien dans ma famille et mes relations amicales, et avec mes extraordinaires collègues avec qui je travaille plus de 40h semaine pour continuer d’offrir nos services essentiels.
Par contre, le problème reste entier niveau relations amoureuses/sexuelles/etc.; c’est ben le fun d’avoir des partenaires seulement sexuels, de ne pas s’attacher; mais quand la vie est rough, quand tu ne peux pas avoir de contacts physiques, la relation tombe à plat. Sans la possibilité de se voir juste pour une nuit, on a pas grandes raisons de se parler. Même si mes relations casuals étaient aussi sources de plein de belles discussions, je vois bien qu’après quelques jours, quelques semaines de crise, on s’écrit plus vraiment.
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Après, mes réflexions me ramènent à une relation qui « commençait » avant la crise. « Commencer » entre guillemets, parce que je connais cette personne depuis longtemps, mais qu’on n’a finalement pu prendre une bière que récemment, maintenant que cette personne est célibataire. Et qu’on devait aller prendre un café, mais que le vendredi 13 est arrivé et que tout a changé (drôle de date pour ça quand même, on va se le dire).
Moi qui espérais avoir la chance de voir où ça pourrait aller, je suis prise avec le même problème que dans mes relations casuals en fait; on est pas tout à fait assez proches pour se parler beaucoup ou souper sur Facetime ensemble… Et si on se donnait un rendez-vous via Messenger ou autre, j’angoisse à l’idée que ça soit pas aussi le fun que nos dates l’étaient en vrai. Est-ce que ça nous donnerait pas moins le goût de se revoir après cette crise? Le maudit coronavirus peut pas en plus saboter cette très belle et douce possibilité de relation!
Fait que je sais pas comment finir ce texte… J’espère que ça finit bientôt tout ça? Je trouve que mes problèmes ont l’air futiles face à d’autres, je le sais; je constate l’immensité de la détresse trop souvent au travail. Je ne peux juste pas porter ces réalités toutes les heures de tous les jours. Je peux pas ramener chez moi la détresse des gens à qui je parle au travail; c’est trop lourd. Et donc quand je pense à moi, je sens qu’il me manque quelque chose d’intouchable, d’intangible.
Fait que je vis mes deuils et mes manques, en tentant de prendre soin de ma santé mentale pour être prête pour quand le temps sera plus beau (dans tous les sens), et que je pourrai reprendre ma vie et ce qui la rend belle.
La Perdrix
Candidate à la maîtrise et militante féministe, La Perdrix est une jeune femme qui adore être en mode occupée tout le temps. Forte et fragile à la fois, elle peut déménager tes meubles et pleurer en lisant un livre. Rien ne lui fait plus plaisir que de défier des stéréotypes, ou voir quelqu’un renverser des idées préconçues.
Pour lire le dernier article de La Perdrix – Si j’arrêtais de vouloir être attirante – c’est ici!