Illustration : Garance (@garancebb)
Au mois d’août 2017, j’ai eu l’infection urinaire la plus longue de tous les temps. Pour faire une histoire courte, à cause d’erreurs médicales par-dessus erreurs médicales, j’ai été pognée pendant un mois complet à souffrir du syndrôme de l’envie de pisser pas arrêtable, et de l’envie violente de m’arracher toute la peau du corps à cause de réactions allergiques aux pilules que je prenais pour régler mon premier problème. Et peu de temps après ça, j’ai commencé à remarquer que je ressentais des genre de petites brûlures quand j’avais des relations sexuelles avec pénétration.
Mais, rien de trop alarmant, parce que c’était une sensation que j’arrivais à faire taire quand je me concentrais sur celle de mon clitoris. Je m’inquiétais pas tant avec ça. I mean, ça pouvait pas être pire que mes amies ayant souffert de vaginisme tsé.
Pis au mois de janvier 2018, j’avais pas de job, pis pas tant de cash, pis j’ai vu passer une annonce d’étude sur la douleur vaginale lors des relations sexuelles. C’était rémunéré. J’ai sauté sur l’occasion de me faire 40 piasses faciles et d’avoir un rendez-vous gratuit chez la gynécologue, tout en étant persuadée que je ne me qualifierais pas pour l’étude.
Sauf que finalement, le diagnostic de la gynécologue était on ne peut plus clair : vulvodynie (douleurs anormales à l’entrée du vagin). Sur le coup, de savoir ça, ça m’a fait sentir powerful. La sensation de brûlure, le picotement que je ressentais, c’était pas juste dans ma tête, ça existait for real, il y avait une raison médicale pour ça.
Ça fait que mon copain de l’époque et moi, on a continué à faire l’étude. Il nous fallait remplir un questionnaire quotidiennement. De mon côté, je devais À TOUS LES JOURS me questionner sur la douleur que j’avais ressentie, sur son niveau d’intensité, sur comment elle se manifestait, sur les conditions qui auraient pu influencer cette douleur (comment mon copain me traitait, si je me sentais stressée ou pas, etc.), et autres.
Ma douleur, qui me semblait petite au départ, est rapidement devenu vraiment gigantesque. Le petit picotement que je ressentais en est venu à devenir la chose la plus importante de ma vie sexuelle (et peut-être même la chose la plus prenante dans notre relation). Aussitôt que je ressentais une petite douleur, on se crispait. Lui se sentait mal de me faire mal, moi j’étais pu capable d’éprouver du plaisir avec une pénétration. Parce que même si je stimulais mon clitoris, je ressentais quand même la sensation de brûlure. Pis je sais pas pourquoi, mais j’avais l’impression que de toucher mon clitoris équivalait à tricher, à camoufler ma douleur. Bref, j’avais l’impression qu’il fallait absolument que j’écoute mon corps et qu’à la moindre sensation de brûlure, je devais tout arrêter.
Après cette étude, qui a duré plusieurs mois, notre situation a énormément empiré. On a pas eu de support, ni en psychologie ni en physiothérapie. Pis honnêtement, avec du recul, je peux affirmer que faire cette étude a clairement contribué à la dégradation de ma situation. J’y repense pis ça me met en crisse. Parce que devoir penser à tous les jours à ta douleur, ça la fait pas disparaître, au contraire. Elle prend une place toujours plus importante. Pis c’est comme ça que j’ai commencé à être vraiment juste réticente à l’idée d’avoir des relations sexuelles avec pénétration.
Pas que j’aille quelque chose contre la pénétration, je trouve ça actually nice de pouvoir ressentir du plaisir sexuel en même temps que mon partenaire. Mais, le problème, c’est que mon copain avait de la difficulté à concevoir le sexe comme autre chose que ça. Parce que pour lui, le plaisir le plus « puissant » c’était la pénétration, pis j’ai l’impression qu’il se sentait vraiment brimé par ma condition. Et ça, ça contribuait bien évidemment à augmenter la tension entre nous, et la pression que je ressentais de « devoir lui accorder » des relations sexuelles « complètes ».
Lui était frustré de pas pouvoir me pénétrer (les autres pratiques sexuelles n’étant pas suffisantes pour lui) et avait l’impression que je ne l’aimais plus, que je le rejetais. Moi j’étais presque terrorisée d’avoir des relations sexuelles, ce qui faisait que, quand on en avait, j’étais crispée de tout mon corps (pas l’idéal pour une pénétration, on va se le dire). Je me sentais coupable de pas en avoir envie, mais j’étais pas capable de faire autrement pis de passer par-dessus ma propre volonté. Et c’est rapidement devenu un cercle vicieux. À chaque fois qu’il m’approchait, qu’il me touchait, quand on était dans un lit, seul.e.s ensemble, je sentais cette pression, ce désir de sa part, tandis que de mon côté, je me sentais mal de simplement vouloir de l’affection, de pas vouloir de sexe. Pis je le vivais comme un échec. Comme une conséquence de ma vulvodynie, mais surtout une conséquence de cette pression constante. Et encore une fois, en rétrospective, je comprends pas comment j’ai pu rester dans un cycle aussi malsain.
Ça a dû durer des mois (voire peut-être même un an au complet) avant que je me décide à aller consulter en physiothérapie, au mois de mai 2019. J’aurais aimé qu’on consulte une sexologue en tant que couple, mais mon copain ne voulait pas. Et ironiquement, quand j’ai commencé à traiter ma vulvodynie, je n’ai pas ressenti le support de son côté, juste plus de pression à avoir des relations sexuelles. Comment ça c’est pas encore réglé? Je pensais que d’ici un mois ça serait chill. J’ai l’impression que tu le fais pas pour nous tu le fais pour toi. Bref, ç’a pas full contribué à m’aider, parce que j’avais l’impression qu’il fallait que je produise des résultats, que je performe dans ma guérison.
Puis, surprenamment (ou pas) notre couple a explosé au mois d’août, et j’ai arrêté les traitements. Ça me demandait trop de jus. Je me suis concentrée sur ma santé mentale pendant quelques mois, et une fois que je me suis sentie prête, je suis retournée consulter une autre physio. Mais j’ai l’impression de faire du surplace depuis. Ma condition ne change pas tant que ça, et je m’empêche de rencontrer des dudes, parce que, de toute façon, à quoi ça servirait, je suis comme brisée? Et là, oui, je sais, le sexe c’est pas juste la pénétration, loin de là. Mais j’ai comme pas envie de devoir expliquer mon histoire au complet à un total inconnu, de me vulnérabiliser de la sorte.
Ça fait que je suis complètement à boutte. L’autre jour, en prenant conscience de ce timeline, du fait que ça faisait beaucoup trop longtemps que je vivais avec ma vulvodynie, je me suis mise à pleurer à chaudes larmes. Pendant une bonne demi-heure je dirais. Et ça m’a fait réaliser que je m’étais jamais accordé le droit de le faire. Ma situation me rend triste, me rend frustrée, me fait sentir impuissante, pis fuck, j’ai le droit d’en pleurer. I mean, je me rappelais de la position avec pénétration qui me faisait jouir le plus rapidement, pis j’avais l’impression que c’était un souvenir vraiment lointain.
Idéalement, j’aurais besoin que quelqu’un me dise, girl, don’t you worry no more, en mai 2020, c’est fini, c’est toute derrière toi. Comme quand t’as un bras dans le plâtre ou un shit dans le genre.
Sauf que c’est pas comme ça que ça fonctionne avec des douleurs chroniques, comme ma vulvodynie par exemple. Après en avoir discuté avec ma physio et en lisant sur le site retrainpain.org, j’ai compris que la première étape pour changer ma situation, c’était d’abord de changer ma façon de voir la douleur. D’arrêter de la mettre en premier plan dans ma vie, pis de recommencer à faire les activités que je m’empêchais de faire à cause de ma condition.
Facque depuis quelques semaines, j’essaie d’aborder mes traitements comme une façon d’améliorer ma qualité de vie, pis pas une façon d’arrêter la douleur. Quand je fais mes exercices, je m’assure de mettre de la musique qui me fait sentir bien. Si j’ai de la douleur, j’essaie de me concentrer sur d’autres sensations genre le son de la musique, pis j’essaie de rationaliser en me disant qu’il n’y a aucun danger, que ma situation n’est pas stressante dans l’immédiat. Aussi, j’essaie d’avoir plus de compassion envers moi-même. Pis de pas voir mon processus de guérison comme une course. Je réfléchis à l’option d’aller voir un.e psychologue pour m’aider là-dedans. Pis finalement, j’ai téléchargé Tinder pis j’ai pris la résolution de dater activement. Parce que, y’a rien qui devrait m’empêcher de faire ça.
So far, j’ai pas eu de relations sexuelles, mais j’ai fait de belles rencontres. Ça me donne un regain d’espoir, et j’ai enfin l’impression d’entamer un pas dans la bonne direction vers ma guérison.
Peace out,
Médusa
Médusa, étudiante en communication, dont les propos peuvent parfois être venimeux, n’a pas la langue dans sa poche. Provocante et animée par la sexualité, elle débat pour déconstruire l’image de la pute, de la vierge et de la mère.
Pour lire le dernier article de Médusa – Charge mentale, charge voyage – c’est ici!
Seigneur, je comprends. À cause de douleurs (dysfonctionnement du plancher pelvien dans mon cas, lié à une maladie chronique de la vessie nommée cystite interstitielle), je n’ai pas fait l’amour pendant 3 ans et demi… J’ai été mal conseillée par des ostéopathes au départ et j’ai fini par aller voir une physiothérapeute spécialisée en rééducation périnéale. Maintenant, je peux faire l’amour, si pendant les préliminaires on fait un genre d’exercice, dans une seule position seulement, et avec des jouets sexuels pour ne pas focaliser sur le restant de douleur qui demeure, mais ça ne se compare pas à l’horrible douleur d’avant.
Mon chum ne m’a jamais mis la pression et je lui en suis reconnaissante. Je me sentais brisée, j’avais l’impression de ne plus être une vraie femme. S’il me disait « j’ai envie de toi », je le prenais mal, même si je savais qu’il n’y avait aucune pression. Pour moi, juste des préliminaires ne sont absolument pas suffisants, donc c’était rare qu’on avait de l’intimité tout court, je préférais laisser faire, à part une fois par 3 mois, et je suis chanceuse que mon chum ne considérait pas que je lui devais quelque chose, car ça aurait été pénible pendant plus de 3 ans.
Je suis désolée de voir que ton couple a brisé, qu’il n’ait pas pu te respecter. Aussi, je ne sais pas ça fait combien de traitements que tu fais en physiothérapie, mais ça peut prendre beaucoup de traitements avant d’aller mieux.
J’aimerais y retourner pour avoir une meilleure amélioration, mais depuis que j’ai déménagé, je n’ai même plus assez d’argent pour manger, donc je dois laisser faire… mais je ne me plains pas trop, après ne pas l’avoir fait du tout pendant 3 ans et demi, je satisfaite de pouvoir le faire plusieurs fois par mois. (J’ai d’autres problèmes de santé qui rendent la chose difficile, mais je ne donnerai pas de détails.