***Lumière sur des femmes inspirantes du passé***
Recherche et rédaction : Maude Savaria – Historienne et archiviste (@msavacou)
Illustration : Valérie (@val_bellefeuille)
Charlotte Trim (1762 ou 1772? – 1823)
D’origine africaine, probablement guinéenne, Charlotte (nom de naissance inconnu) se libère de son statut d’esclave pour une famille montréalaise et obtient celui de propriétaire affranchie (avec son mari) en l’espace de quelques mois en 1798. Elle déclenche la libération (ou l’affranchissement) d’une partie de la population noire de Montréal lorsque son procès tourne en faveur des personnes réduites en esclavage au Bas-Canada.
D’abord mise en esclavage à l’âge de 12 ans dans la famille Cook, Charlotte est baptisée le 30 décembre 1787 à Montréal, la première trace qu’elle laisse dans nos archives.
On soupçonne que l’annonce pour vendre une esclave parrue dans la Gazette de Montréal le 22 janvier 1798 concernerait Charlotte : une jeune femme noire d’environ 30 ans, très versatile dans les travaux domestiques, « honnête, sobre et assidue ». En février, Charlotte, ayant alors entre 25 et 36 ans, s’enfuit de chez Jane Cook, sa maîtresse, probablement en réaction à cette réclame. Rattrapée, elle refuse de retourner chez Cook. Elle subit donc un procès où le juge James Monk de la Cour du banc du roi la relâche sans conditions. Il agit sur la base d’une vieille loi britannique, encore en vigueur dans la colonie, qui oblige que les esclaves en fuite soient envoyé.e.s en maison de correction, pas en prison (puisqu’iels sont considéré.e.s mineur.e.s devant la loi). Comme il n’y a pas de maison de correction au Canada/à Montréal, le juge ne peut l’y envoyer, ni la garder en prison, ni l’obliger à retourner chez Jane Cook. Puisqu’aucune loi admet l’esclavage sur le territoire, elle est officiellement libre.
Charlotte et Monk, sans s’en rendre compte, viennent d’annoncer la fin graduelle de l’esclavage au Bas-Canada, 35 ans avant la loi britannique officielle. Dans les mois suivants, les esclaves noir-e-s Judith, Manuel Allen, Augustin, Robin, Lydia et Jane s’enfuient puis sont rattrapé.e.s et relâché.e.s par le juge Monk.
La même année que sa fuite, Charlotte se marie à John Trim, Noir libéré en 1793, jardinier, commerçant et propriétaire foncier. Le couple s’installe rue Saint-Augustin (McGill) et leur maison devient très importante pour la communauté noire de Montréal. Charlotte et John y hébergent des personnes nouvellement affranchies, engagent comme domestique l’haïtienne affranchie Catherine Guillet et font acte de présence à de nombreuses célébrations religieuses (baptême, mariage) de leur communauté. Iels sont considéré.e.s comme étant plutôt riches. Charlotte Trim décède le 23 septembre 1823, à l’âge de 51 ou 61 ans.
Pour aller plus loin :
Exposition virtuelle Fugitifs! : https://msj.world/fugitifs/card/5QnlO1TPt
Frank Mackey, L’esclavage et les Noirs à Montréal. 1760-1840, Montréal, Hurtubise, 2013, 662p.
Caroline Montpetit, “La délicate question de l’esclavage au Québec”, Le devoir, 31 mai 2013
https://www.ledevoir.com/societe/379584/la-delicate-question-de-l-esclavage-au-quebec
Webster, “Esclavage à Montréal, une histoire méconnue”, Artefacts 2, La Fabrique culturelle, 4 juillet 2019, https://www.lafabriqueculturelle.tv/capsules/12001/esclavage-a-montreal-une-histoire-meconnue-artefacts-2
Lawrence Hill, L’histoire des Noirs au Canada, guide pédagogique, Historica Canada, http://education.historicacanada.ca/files/145/FR_BlackHistory_FINALPRINTFILE.pdf
Février, Mois de l’histoire des Noir-e-s : https://www.moishistoiredesnoirs.com/fr/