Illustration : Éliane (@lily364)
Papa, Maman, ce texte, il est pour vous. Cette semaine, on s’est vu.e.s pour la première fois en quelques mois. Le printemps a été intense, on n’a pas eu l’occasion de se voir, juste de se tenir au courant de ce qui se passe dans nos vie via nos appels hebdomadaires. Mais j’ai beaucoup évolué au cours des derniers mois, plus que ce qui peut être transmis par des câbles téléphoniques, pis l’autre jour, tout le temps qu’on était ensemble, j’ai cherché, en vain, les mots pour vous dire, vous expliquer, cette évolution. Pis j’ai réalisé que les mots, je les manie mieux sur papier que de vive voix. Alors voilà, Maman, Papa, ce texte, il est pour vous, mais au final il est surtout pour moi.
Il y a quelques mois, deux filles de mon cercle d’ami.e.s ont commencé à sortir ensemble. L’une d’elles se savait déjà attirée par les femmes, l’autre non. Elle l’a découvert en commençant à fréquenter Célia, qui est maintenant sa blonde.
Si je vous raconte leur histoire, c’est que de voir Laurie explorer/découvrir cette facette de sa sexualité a débloqué quelque chose en moi. La voir s’épanouir dans cette nouveauté, mais surtout voir la réaction plus que positive de son entourage m’a énormément aidé à accepter ma non-hétérosexualité.
Eh oui, je ne suis pas uniquement attirée par les hommes. Si ça fait déjà un petit moment que je l’ai compris, genre quelques années, ça fait moins longtemps que je l’accepte. C’est difficile d’expliquer comment je l’ai compris, j’imagine que c’est comme pour tout le monde. Je ressentais parfois des attirances physiques très fortes pour d’autres filles, j’avais envie de les embrasser, elles peuplaient certains de mes fantasmes. Après un certain temps, j’ai ben fini par comprendre que c’était bien réel et que c’était pas juste de la curiosité. Mais ça veut pas dire que je vivais bien avec ça. J’ai longtemps essayé de me convaincre que j’étais hétérosexuelle, et j’ai ensuite continué à vouloir en convaincre les autres. Je pense que je n’étais pas prête à voir changer leur regard sur moi. Je n’étais pas prête non plus à voir votre réaction à vous, mes parents, parce que votre opinion compte beaucoup à mes yeux. Je ne comprenais pas trop moi même alors je n’étais vraiment pas prête à m’expliquer.
J’ai commencé mon déni vers l’âge de 10 ans. Une de mes amies venait de me dire que, selon les statistiques, il y aurait probablement une lesbienne dans notre gang, et que selon sa soeur et elle, cette lesbienne serait probablement moi. J’avais 10 ans, je n’avais pas encore commencé à me questionner sur mon orientation sexuelle, d’ailleurs je n’étais pas certaine de bien comprendre ce que ça voulais dire, but I wanted to prove them wrong. Elles n’auraient pas raison, elles ne sauraient pas mieux que moi qui j’étais, je ne serais pas lesbienne.
Durant mon adolescence, ma réflexion a évolué. C’est là que je me suis rendue compte que j’étais attirée physiquement par les autres filles. Mais j’étais aussi très attirée par les gars, pis je me servais de ça pour me convaincre de mon hétérosexualité. Parce que pour moi, la bisexualité n’existait pas vraiment. On le sait bien ce que les gens disent sur les personnes bi.
Coudon’ est pas branchée elle. Ça doit être juste une phase, ça va lui passer pis il va revenir dans le droit chemin (aka l’hétérosexualité). Dans le fond, iel accepte juste pas d’être homo.
Bref, pas des full belles paroles. Pis je voulais pas être cette personne qu’on infantilise car on la croit juste perdue sur le chemin de la découverte d’elle-même. Un peu comme les femmes qui ne veulent pas avoir d’enfants et qui se font « rassurer » par tout un chacun. Inquiète-toi pas, tu vas finir par changer d’idée.
Pourquoi est-ce qu’on croit toujours savoir mieux que quiconque ce qui est bien pour les autres? Ne serait-ce pas plutôt une façon de se rassurer soi-même? De se dire qu’on a pris la bonne décision? Qu’on est bien avec la personne qu’on est? Avec l’endroit où on est présentement? Ou peut-être est-ce même une façon d’éviter de se poser des questions?
Mais bon, on s’entend que je ne suis pas du genre à ne pas me poser de questions, au contraire. Je remets systématiquement tout en question, continuellement. Mais s’il n’y a eu qu’une seule certitude que j’ai toujours eu sur ma vie et mon futur, c’est que je voulais un jour avoir des enfants et fonder une famille. Et je m’en suis longtemps servi comme d’un frein vers l’acceptation de ma non-hétérosexualité, car apparemment, à mes yeux, si je voulais avoir une famille, il faudrait absolument que je sois en couple avec un homme.
Mais depuis quelques mois, je révise toute ma conception du couple et de la famille. Je n’essaie plus de la faire fitter dans un esti de moule qui ne me convient pas. J’essaie plutôt de me créer mon propre modèle familial. Un modèle qui correspond à mes valeurs, mais qui peut aussi évoluer avec celles-ci et au fil de mes relations. Si chaque personne est unique, alors toutes les relations et les familles sont forcément différentes et je trouve ça incroyablement beau. Et maintenant que j’ai réalisé ça, je ne vois plus de raisons, sinon la peur du jugement ou de l’échec, de vouloir faire ma vie selon des critères autres que les miens. Parce que oui, le point de départ de mes réflexions du moment est mon orientation sexuelle, mais au final c’est de ma vie qu’il est question. Pis j’ai vraiment pas envie de passer à côté de moi-même.
Faque depuis quelques semaines, quelques mois, je m’inspire de Laurie et Célia et j’apprivoise en douceur mon attirance pour les femmes. Et c’est extrêmement rafraîchissant. Cette année, le printemps a encore plus été symbole de renouveau et d’épanouissement. Je me mets beaucoup moins de restrictions quant à l’expression de ma féminité, surtout dans ma façon de m’habiller. Je détruis une à une les barrières que j’avais érigées autour de mes attirances et sentiments. Je continue de flirter avec des hommes, mais j’ose enfin aussi flirter avec des femmes.
Ce texte que je vous adresse, Papa, Maman, n’est pas un coming out car je ne me considère pas comme lesbienne, bi, queer ou autre. Je ne me donne pas d’étiquette car je n’en vois pas l’utilité. En fait, je n’en veux pas. J’essaie justement d’arrêter d’encadrer et de restreindre ce que je ressens. Peut-être que c’est encore une façon pour moi de faire du déni. Peut-être. Mais je ne crois pas. Car pour une fois je me sens en accord avec moi-même.
Alors non, ce texte n’est pas un coming out, mais peut-être que dans le fond, oui, un peu. Mais plus que ça, c’est surtout une façon pour moi de vous dire qui je suis. Sans chercher à en faire une montagne et sans risquer de perdre mes mots en chemin, c’est une façon de vous dire que je suis bien avec tout ça, car je suis enfin moi. Juste moi.
Padmé
Étudiante dans le domaine de la santé, grande rêveuse, voyageuse aguerrie et féministe convaincue, Padmé écrit autant pour se vider la tête que pour faire passer des messages et abolir les tabous.
Pour lire le dernier article de Padmé – La fille qui tombe amoureuse plus vite que son ombre – c’est ici!
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