Illustration : Éliane (@lily364)
Quand j’avais 15 ans, c’était pas vraiment mon coeur qui menait. Je crois que les histoires à l’écran imprégnées dans ma tête m’influençaient au quotidien. Le prince charmant qui est toujours là au bon moment, le quart arrière de l’équipe de football / le gars le plus populaire de l’école qui réalise que tu es celle qu’il recherchait, le nouveau à ta job qui a besoin de toi pour le sortir de ses tourments, le voisin d’à côté qui te fait de l’oeil. À la quantité de livres d’amour que je lisais et de films quétaines disponibles en DVD, je rêvais d’un amour d’adolescence. Celui qui aurait fait battre mon coeur, qui m’aurait rendue folle au point d’aimer naïvement et qui aurait occupé mon esprit.
En pleine puberté, je n’avais pas l’habitude que les gars s’intéressent à moi. J’étais cute, mais mes amies l’étaient plus. Donc quand le gars le plus populaire de l’école (hello High School Musical) a commencé à s’adresser à moi dans notre long trajet d’autobus quotidien, ce fut une petite victoire! Je sentais que je me rapprochais de ces histoires fictives. Et comme la timidité semblait être une caractéristique clé des héroïnes des romans que je lisais, je me suis faite petite dans nos premiers échanges et je l’ai laissé briller dans nos conversations. À ma grande surprise, il semblait réellement apprécier le temps qu’on passait ensemble, alors qu’on ne faisait que s’asseoir ensemble dans l’autobus.
Après quelques mois de conversations régulières, j’avais vraiment appris à le connaître. Il avait commencé à se confier à moi. Il me racontait toutes sortes de choses, intéressantes ou non, et j’écoutais. En vérité, je faisais pas mal juste l’écouter, mais ça me suffisait parce que je pensais être une des seules personnes à réellement le comprendre. Je trouvais ça valorisant qu’il choisisse de se confier à moi, alors que plusieurs tentaient de se rapprocher de lui ou même d’être simplement son ami.e, sans véritable succès.
Lorsqu’il a commencé à me parler des sentiments amoureux qu’il ressentait envers moi, j’ai été flattée et surprise. Flattée parce que je voulais lui plaire et paraître intéressante à ses yeux. Et surprise parce que ces déplacements en autobus étaient les seuls moments qu’on passait ensemble. On ne se voyait pas en dehors de l’école. Ni même à l’école. Il y avait clairement un déséquilibre dans nos échanges. Il était plus vieux, le plus populaire de l’école. Moi j’étais plus jeune, intimidée et toujours silencieuse dans nos échanges…
En évaluant mes propres sentiments envers lui, je suis devenue confuse entre amitié et amour. J’ai remis en question mes sentiments. Est-ce que je l’appréciais au point de l’aimer? Je n’avais jamais été en amour avant, alors je me disais que ce que je ressentais pour lui c’était peut-être ça l’amour… Avec du recul, je vois bien que, au final, l’idée d’être en amour m’attirait plus que lui.
J’ai quand même décidé de go with the flow. De prendre en considération ses sentiments, tout en analysant les miens. Puis il m’a pris par surprise mon premier baiser. Celui qui se doit d’être glorieux et romantique comme dans les films. Ben, pour moi, il fut inattendu et mélangeant (I mean, no shit, j’étais en train de m’endormir).
Sur le coup, ça n’a rien changé à notre relation. On a continué de s’asseoir ensemble dans l’autobus. Il a continué de me raconter sa vie. J’ai continué de l’écouter. Pis environ une semaine après qu’il m’ait embrassée, j’ai entendu ses amis dire qu’il était nouvellement en couple avec Clara. C’était ridicule voyons! Il venait de me dire que j’étais la personne la plus importante dans sa vie, qu’il m’aimait comme il n’avait jamais aimé et qu’il voulait que je lui appartienne (cute right? À 15 ans, je ne voyais pas le red flag qui volait).
Il m’aurait parlé d’elle durant nos longues conversations, non?
Au trajet d’autobus suivant, je l’ai confronté.
- J’ai entendu dire que tu sortais avec Clara.
- Ouin… Elle voulait qu’on sorte ensemble. C’est pas ce que je voulais, mais ça d’l’air qu’on sort ensemble.
- Ah okay, donc t’as pas vraiment des sentiments pour moi alors?
- Oui, j’en ai. C’est avec toi que je veux être.
- Alors tu vas lui dire que c’est fini?
- Oui oui, promis.
Quelques mois plus tard, iels étaient toujours ensemble. Trop naïve et honnêtement blindsided par la situation, j’ai continué à le fréquenter pendant ces mêmes mois. On continuait de se voir, parfois on se collait, parfois on s’embrassait et d’autres fois on rêvait d’un avenir commun. Ça aidait que sa blonde soit en échange étudiant en France. Il pouvait me dire ce qu’il voulait sur leur relation, selon lui terminée, selon elle pleine de prospérité.
Je n’avais pas ma place dans leur histoire d’amour. Clairement, j’étais de trop dans le couple de Clara. Elle ne savait pas qu’il me voyait toujours, tandis que moi j’étais très consciente de leur couple. Alors que très peu de gens étaient au courant que lui et moi étions proches ou même seulement ami.e.s, tout son entourage de gars, aka toute l’école, vu qu’il était le gars le plus populaire, savait qu’il était en couple avec elle. Clara, elle, était insouciante de sa relation brisée, à cause de l’hypocrisie du principal intéressé. Son ignorance via l’infidélité du gars réussissait à me convaincre que leur relation n’allait pas durer et qu’elle était vouée à l’échec. Bon, ça l’air illogique, mais pour moi, son comportement envers elle était tellement impardonnable, que c’était sûr qu’elle le laisserait. Je ne voyais pas que j’étais autant victime qu’elle dans cette situation.
Je n’aurais jamais dû avoir de rôle dans ce drame à la Shakespear. Je me faisais manipuler à rester dans une relation sans aucun sens avec le gars le plus populaire de l’école, certes, mais surtout un jeune homme hypocrite. Chaque fois qu’on se parlait, que je m’exprimais sur les doutes que j’avais sur notre relation qui chavirait constamment entre amitié et amour, il me disait qu’il allait la quitter. Qu’il ne l’aimait pas réellement. Que je n’avais pas à m’inquiéter ou à être jalouse. Que bientôt, elle ne serait plus dans le portrait. SAUF qu’il ne pouvait pas la laisser pendant son séjour hors-pays. Ça devait attendre son retour. Pendant des mois, j’ai entretenu une amitié compliquée, parsemée de tricheries et de mensonges. Il pouvait marcher des kilomètres entre sa maison et la mienne, juste pour qu’on se voit un après-midi. Mais ensuite, il me torturait avec ses mots en me disant qu’il devait rentrer chez lui pour parler à Clara. Car, bien sûr, il n’avait pas l’intention de la quitter. Bien sûr, il entretenait une relation à distance avec Clara. Bien sûr, il aimait avoir une fille accessible au Québec (moi). Bien sûr, il pouvait prendre avantage de mon innocence, de ma naïveté sur les relations amoureuses et du fait que c’était ma première expérience sur ce plan. Bien sûr, son pattern n’a pas changé avec les années.
Il continue à tromper toutes ses blondes et à manipuler ses nouvelles conquêtes. Il a une énergie bien particulière qui fait en sorte que c’est facile pour lui d’attraper des jeunes femmes dans sa toile et de jouer avec leurs émotions. Je le sais, car je l’ai vécu et ensuite je l’ai vu faire la même chose avec mon amie, et ensuite une connaissance, et ensuite sa blonde d’université qu’il trompait chaque fois qu’il revenait en ville. UN HOMME TOXIQUE, je vous dis.
Encore aujourd’hui, je déconstruis cette première relation amoureuse. J’ai tellement honte d’avoir vécu ça. D’avoir cru que cette relation était basée sur le respect et l’amour. J’ai toujours tenté de nier l’importance qu’il avait eu dans ma vie à cette période. Ça me gêne d’avoir été si innocente et docile face à ses mind games. Genre, être l’autre femme, the other woman, à 15 ans, c’était tu réellement mon choix? Comment me suis-je fait convaincre que c’était normal? Mais plus que tout, je m’en veux de ne pas m’être respectée. Car, au final, c’est moi que j’ai trahie en acceptant d’être the other woman. J’ai tellement nié cette relation dès le moment que j’ai coupé les ponts avec lui, que j’en ai presque oublié l’année complète que j’ai passé à ses côtés (j’ai dû consulter nos ami.e.s commun en écrivant ce texte pour confirmer mes souvenirs).
Mais, si je creuse en moi, je retrouve les traces du comportement de cet homme. Il a gravé des séquelles en moi. Comment est-ce que cette relation toxique avec un jeune homme qui jonglait les femmes comme passe-temps peut m’affecter encore maintenant? Peut-être parce qu’il m’a montré à quel point c’est facile de mentir? À quel point c’est facile d’entretenir deux relations? À quel point c’est facile de faire croire à l’autre que t’es la seule à ses yeux alors que dans les faits, ses yeux sont partout.
Dans ma vingtaine, je me suis rendu compte que j’avais un dégoût intense face à l’infidélité. Juste le fait de regarder un film où il y a une scène d’infidélité et mon corps réagit physiquement. Genre j’ai une boule dans le ventre. En fait, toute histoire de tromperie me fait l’effet d’une claque dans’ face. Si je suis témoin d’un évènement où il y a une trahison émotionnelle, je sens mon coeur se briser. Je ne suis pas celle à qui ça arrive, mais je le vis de manière personnelle le temps de quelques minutes.
Heureusement, dans ma relation actuelle, nous avons communiqué ouvertement et convenu que la fidélité allait être un pilier fort de notre relation. Il y a une confiance sans équivoque entre nous. Sans cette stabilité et confiance absolue, je sais que je chavirerais dans des comportements malsains (la surveillance de téléphone, la paranoïa de ses allées et venues, le besoin de tout savoir ce qu’il fait à chaque moment de la journée, etc). Je vivrais dans un tourbillon de jalousie, d’insécurité et de méfiance. Et si encore aujourd’hui je dois combattre ce genre de pensées irrationnelles, c’est entre autres à cause de cette année passée à aimer naïvement le gars le plus populaire de l’école.
Les romcom, c’est juste dans les films,
Princesse Chihiro
Princesse Chihiro, jeune femme d’affaires accomplie, enthousiaste des sports et fanatique du continent asiatique, elle voudrait donner une voix à celles.ceux qui ne peuvent pas se le permettre et est horrifiée lorsque les survivant.e.s d’agressions sexuelles ne sont pas pris.e.s au sérieux. #metoo
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