Illustration : Garance (@garancebb)
C’était un joli samedi matin d’hiver, le soleil était sorti, un vent glacial secouait les arbres. Il était 8h du matin et j’embarquais dans l’autobus. Je devais me rendre à l’université pour mon examen final. J’étais en forme, je me sentais prête à affronter le test, qui avait une réputation d’être difficile!
J’étais perdue dans mes pensées lorsqu’un monsieur assis en face de moi m’a interpellé.
- Que signifient les broches (pins) sur ton sac?
J’ai baissé les yeux vers mon sac à dos pour me remémorer les broches que j’y avais accroché.
Trans rights are human rights
I stand against homophobia
Ma première réaction a été de me dire que ce monsieur souhaitait réellement se renseigner sur les mots que je portais fièrement. Je lui ai dit :
- Ce sont des messages contre l’homophobie et la transphobie.
- Mais pourquoi tu les portes sur ton sac?
- Parce que je crois que tout le monde devrait avoir la liberté de pouvoir être elleux-même et aussi d’être avec celleux qu’ils aiment.
- Mais comment oses-tu porter ça fièrement?
C’est à ce moment que je me suis sentie désemparée. Le monsieur ne voulait pas en apprendre plus sur les valeurs que je trimballais, mais il voulait m’humilier d’afficher mes couleurs en public. Et malgré la politesse que j’ai maintenu, la conversation a dérapé.
Il a commencé par attaquer la communauté LGBTQ+ avec des propos que je n’aurais jamais cru entendre. Il a aussi cru bon de me partager son avis sur les musulman.e.s, les femmes, les personnes de couleurs… Son hate speech englobait plus d’une minorité et selon la façon dont il me parlait, il me croyait au centre du mouvement d’inclusivité de la ville. Je ne vous ferai pas revivre les paroles que j’ai reçues, mais elles étaient haineuses. Ses attaques me levaient le coeur.
Je n’ai jamais été aussi dégoutée par une personne de toute mon existence. Non seulement il me laissait bouche-bée, mais il détruisait aussi mon optimisme envers un meilleur monde. Je n’aurais pas cru que quelqu’un oserait être aussi ouvertement horrible et dégager une telle violence dans ses propos.
Oh et il n’avait pas fini. Comme j’étais celle qui portait les badges, je méritais un sort semblable.
Mais comme il était un gentleman, il ne battait pas les femmes. Son plan B pour user de violence était d’évoquer sa femme, qui faisait du kickboxing, en me disant que si elle était ici, elle pourrait facilement me battre. Que si sa femme était à côté de lui, elle ne se serait pas gênée pour me mettre à terre. Comme si sa femme était un pitbull qui n’attendait que le signal de son maître pour se ruer sur une proie.
Maintenant, vous vous demandez pourquoi je ne suis pas sortie de l’autobus : j’étais en route pour un examen, je n’allais quand même pas être en retard. Pourquoi personne n’est intervenu : l’autobus était assez vide, il y avait une femme assise quelques bancs à côté et un homme noir assis derrière. Je crois sincèrement qu’il aurait été dangereux pour elleux d’intervenir. Et le chauffeur : nous étions assis au fond de l’autobus, je ne crois pas qu’il ait remarqué.
Dès que j’ai été assez proche de l’école, j’ai sauté du bus. L’homme essayait encore d’attirer mon attention. Je ne me sentais plus bien. En respirant l’air froid, j’ai réalisé que je tremblais. Mon coeur battait à cent miles à l’heure. Pourquoi étais-je aussi ébranlée? Je venais de vivre un évènement des plus inopportuns.
À la suite de cette journée, je me suis sentie faible. Comme une proie qui ne peut pas se protéger du danger. Je me sentais impuissante. Je ne voulais pas contrarier les gens. Les hommes particulièrement. J’avais peur de provoquer. J’avais peur de provoquer la mauvaise personne, comme dans cet autobus, alors que je voulais simplement me rendre tranquillement à mon examen. Oui, ça aurait pu être vraiment pire. Mon statut de femme blanche m’a protégée, mais j’ai eu peur. Et je continue d’avoir peur pour les autres, celleux qui ne peuvent pas se défendre contre des gens remplis de haine à leur égard.
C’est tellement dommage de devoir vivre dans une société où nous avons peur de marcher seul.e la nuit. Où nous ne savons jamais si la personne qui nous aborde dans la rue nous veut du mal. Où les agressions envers les minorités sont présentes au quotidien. C’est un privilège de se promener seul.e sans avoir peur des atrocités qui pourraient nous arriver.
Cette altercation m’a vraiment affectée et je voulais être en mesure de me défendre si jamais quelqu’un redevenait violent envers moi.
Cet événement m’a donné le courage de commencer la boxe. J’avais toujours voulu l’essayer, mais c’est un sport intimidant. J’aurais aimé vous dire que j’aurais commencé à pratiquer ce sport même sans les menaces de cet homme, mais je vous mentirais. Mon but n’était pas de devenir Rocky Balboa ou d’user de violence quand bon me semble, mais celui de devenir physiquement plus forte et de gagner en confiance en moi. J’en avais assez de me sentir faible.
Ce que je recommanderais à toustes celleux qui sont anxieux.se de se balader seul.e, ou le soir, ou en ville, est de prendre part à une activité, cours, entraînement qui vous donnera confiance en vous. Que ce soit par la boxe, la cuisine, la peinture ou le yoga, ces loisirs pourraient vous faire découvrir une nouvelle vision de vous-même.
Uppercut,
Princesse Chihiro
Princesse Chihiro, jeune femme d’affaires accomplie, enthousiaste des sports et fanatique du continent asiatique, elle voudrait donner une voix à celles.ceux qui ne peuvent pas se le permettre et est horrifiée lorsque les survivant.e.s d’agressions sexuelles ne sont pas pris.es au sérieux. #metoo
Pour lire le dernier article de Princesse Chihiro – Un manoir de self-identifying women – c’est ici!
Un commentaire